Il y a 15 ans, presque jour pour jour, je me suis réveillé un matin en me disant qu’il devait être « POSSIBLE » de parler finance sans le faire avec une cravate et un costard et en essayant de prendre les choses un peu moins au sérieux que mon employeur voulait bien le faire à l’époque. Ce matin-là je venais de terminer de lire un rapport de Morgan Stanley qui parlait des chiffres trimestriels d’Intel. 17 pages écrites en Arial 9 avec des chiffres et des tableaux qui ne voulaient rien dire pour le commun des mortels ; c’est-à-dire : moi. Et puis, surtout, à la fin on ne savait toujours pas si c’était bien ou pas bien et s’il fallait acheter ou pas.

L’Audio du 8 février 2021

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Morningbull

Je me suis dit que je pourrais donc me lever un peu plus tôt et parler un peu de ce qui s’est passé la veille avec un ton décalé, basé fondamentalement sur l’humour que l’on trouve parfois dans les salles de trading – ou que l’on trouvait parfois dans les salles de trading. Donner un peu d’humour dans ce monde parfois coincé que peut être la finance. Et puis surtout parler vrai sans essayer de tourner autour du pot et même si l’on n’a pas le droit de dire « faites-ci, mais ne faites pas ça » au risque de se faire tomber dessus par nos bonnes vieilles autorités fédérales (quoi que là tout de suite, nos bonnes vieilles autorités fédérales semblent bien plus occupées à nous garder en taule qu’autre chose), je m’étais donc dit qu’on pourrait peut-être rire (un peu) avec tout ce que l’on trouvait dans les médias financiers qui semblaient faire exprès de tendre le bâton pour se faire frapper.

J’ai donc commencé par écrire quelques lignes tous les matins. Quelques lignes qui n’étaient envoyées qu’à quelques personnes, puis quelques personnes de plus, puis plein de personnes, à tel point que l’on m’a interdit de le faire par mail parce que, je cite « t’est même pas analyste » – et c’est vrai. Je le revendique. Je ne suis pas analyste, je ne suis qu’un ex-trader qui avait tout appris sur le tas et qui avait eu la chance d’apprendre avec des plus anciens et de créer une expérience unique à une époque où tout devenait plus rigide, plus sérieux, plus coincé. J’ai donc dû cesser la newsletter et passer à un truc plus moderne : le BLOG.

Anonymous avant l’heure

L’anonymat étant requis afin de ne point fâcher mes supérieurs hiérarchiques, j’ai donc entamé l’épopée du Morningbull. Un blog d’abord hébergé sur la plateforme de la Tribune de Genève qui est devenu Morningbull.ch, puis sur Investir.ch – des milliers d’anecdotes sur le chemin, quasiment 10 ans d’écriture sans gagner un centime, juste à vivre des remerciements et des félicitations de certains tout au long du chemin. Un réveil qui sonne de plus en plus tôt, mais une certaine crédibilité gagnée tout au long du chemin… Aujourd’hui, je me retourne et je vois les milliers de personnes qui m’ont lu, qui m’ont fait confiance et ceux qui arrivent aujourd’hui et qui me permettent de faire encore plus et de faire des trucs que je n’aurais pas pensé possible ce matin de février 2006 où j’ai commencé par ces quelques mots : « Bonjour à tous et bienvenue dans le monde merveilleux de la finance ».

Aujourd’hui, 15 ans plus tard et après près de 5’000 chroniques boursières, des hausses, des baisses, des records, Obama, Trump et maintenant le dernier clown en date, 5 ans avec François Hollande à se dire que plus con c’est pas possible et voir qu’en fait.. oui, c’est possible. Des réveils de plus en plus tôt, des podcasts, de la vidéo, de plus en plus de chroniques, des collaborations avec de plus en plus de médias, radios, télé, maisons d’édition, banques, Swissquote, mais aussi des chroniques auto, motos, des trucs qui n’ont rien à voir avec mon métier de base – d’ailleurs, c’est quoi mon métier de base ? Et puis ce matin 8 février 2021, 15 ans après m’être dit : « ça pourrait être marrant », voici que je suis en train de finir l’écriture du vingtième chapitre de mon livre. Mon premier roman qui devrait sortir dans quelques semaines… Bref que de chemin parcouru, que de personnes que je voudrais remercier, mais ça serait trop long. Et celles qui ont compté sur le chemin le savent. En tous les cas, je voudrais vous dire merci à tous, amis lecteurs, car sans l’intérêt que vous portez à mes chroniques, j’aurais arrêté depuis longtemps. Et je voudrais vous dire aussi qu’il n’y a pas un seul matin où je galère pour me lever à 4 heures afin de vous livrer ma chronique matinale et que, même 15 ans après, ça m’éclate tout autant. Alors oui, des fois il y a des lendemain d’hier qui sont plutôt difficiles, mais avec l’âge et avec l’interdiction de tout faire que l’on a depuis un an, ça se calme quand même et c’est plus facile. En tous les cas, ça aura été un bonheur d’avoir été là tous les matins avec vous et j’espère qu’il y en aura encore tout autant à l’avenir. Ecrire ma 10’000ème chronique en publiant mon 15ème bouquin serait peut-être un objectif à garder en tête. On peut rêver et on va déjà se concentrer sur le présent. En tous les cas, merci de m’avoir accompagné.

Les marchés

Après ces deux pages d’autosatisfaction et après avoir flatté mon égo pour commencer la semaine, je vais quand même parler marchés. L’avantage c’est qu’en ce lundi matin c’est assez facile puisque tout va bien. Mais quand je dis TOUT VA BIEN, c’est exceptionnel de voir comment tout va bien. Tout d’abord le marché a fini au plus haut de tous les temps la semaine dernière. Les chiffres de l’emploi étaient pourris, mais on ne s’est pas dit que c’était pourri, on s’est dit : si c’est pourri, ils n’auront pas d’autre choix que de valider le stimulus miracle de Biden qui va sauver le monde, Make America Great Again et restaurer le plein emploi. SI, c’est Yellen qui l’a dit à la télé ce week-end. C’est fou comme deux stimulus de malade n’ont rien pu faire, mais là tout de suite, on SAIT que le troisième sera le bon. Et puis même ; si c’est pas le bon, on s’en tape, le génie économique de la Maison Blanche va nous en pondre un encore plus gros et encore mieux. Sans compter que pendant que de plus en plus d’Américains sont à la soupe populaire et qu’en Europe aussi, les sociétés sont de retour à la croissance, les résultats du Q4 qui sont en train de toucher à leur fin, laissent supposer que l’on pourrait retourner à la croissance après trois trimestre de récession. Il n’est pas précisé si les plans de licenciements massifs mis en place durant ces 9 derniers mois y sont pour quelque chose, mais pour être franc, on s’en tape comme de notre première cravate, le plus important c’est le stimulus et la croissance du secteur technologique qui ne s’arrête plus de croître – en théorie – mais c’est aussi le fait que Wall Street se sent pousser des ailes à montrer le chemin à Main Street, puisque les professionnels de la finance savent où l’on va… Eux.

Et puis maintenant on va se faire aspirer par les chiffres ronds et plus rien ne va nous arrêter avant le S&P500 à 4’000, le Cac40 à 6’000, le Dow Jones à 32’000 et le Nasdaq à 15’000, sans compter que Tesla devrait aller à 1’000$. Pendant ce temps-là, le pétrole qui était en négatif en avril dernier et en train de titiller les 60$ et va se retrouver à 100$ en en moins de temps qu’il faudra à deux-trois analystes de prédire qu’il va aller à 300$. Bref, rien ne peut arrêter la marche en avant de ces marchés qui sont indestructibles et qui se foutent pas mal de la réalité économique de tous les jours. Ça n’a pas d’importance, puisque les stimulus arrivent et les taux à zéro perdurent. Nous sommes dans un monde parfait – économiquement parlant – et si l’on vit à Wall Street au pays des merveilles, rien ne semble pouvoir nous arriver. Jamais. Sans compter que ce matin, Tom Brady, le quaterback des Tampa Bay Buccaneers a remporté son 7ème Superbowl et que, selon l’indicateur du même nom qui marche une fois sur deux, ça devrait monter encore cette année. C’est presque trop facile.

Nouvelles du jour

Ce matin l’Asie est en folie, le Japon n’arrête plus de monter et le Nikkei est au plus haut depuis la nuit des temps et la Chine est au bord de la rupture haussière sur le CSI300. Les futures sont déjà en forte hausse et le discours de motivation de Janet Yellen semble porter ses fruits, l’année 2021 va être super-facile, même si Biden a déclaré que d’atteindre l’immunité collective avant la fin de l’été ne sera pas facile. En Suisse on ne parle pas d’immunité collective, mais en attendant, c’est plus simple de rester fermé et confiné jusqu’à fin août, comme ça une fois que l’économie sera bien détruite et piétinée, on pourra recommencer à zéro.

Pour le reste, on a Lagarde qui a aussi fait un discours de motivation à la télé ce week-end, le nombre de personnes qui ont mis fin à leurs jours en l’écoutant n’est pas encore connu, mais rien qu’en lisant le résumé de son discours, j’ai dû arrêter deux fois pour prendre du Xanax. Ceci dit, c’est pas grave, dans 18 mois elle sera rappelée à Paris pour former le nouveau gouvernement du Roi Macron 2, puisque ça à l’air d’être la destinées des patrons de banques centrales. À l’étranger ils ont de anciens patrons de banques centrales et nous on a des anciens vignerons vaudois. Ça vaut la peine d’y réfléchir un peu quand même.

Bref, tout ça pour vous dire que ce matin, TOUT VA TELLEMENT bien qu’on dirait presque qu’ils ont autorisé les restaurants à ouvrir.

Chiffres du jour

La semaine sera encore animée avec les publications trimestrielles, mais c’est demain que ça deviendra intéressant, ce lundi sera plutôt calme. Côté chiffres économiques, ça sera aussi assez maigre, puisqu’il y aura uniquement la production industrielle en Allemagne et Christine Lagarde qui parlera pour ceux qui n’ont pas encore compris que l’on va tous mourir dans d’atroces souffrances.

Voilà. Nous sommes lundi matin 8 février 2021, ça fait 15 ans que je publie et pourvu que ça dure. Passez une excellente journée, très bon début de semaine et à demain  pour une 5’001 unième chronique !!!

Thomas Veillet

tv@investir.ch 

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