Ces derniers jours nous avons largement parlé de l’inflation. Depuis le début de la semaine on avait semblé vouloir mettre la pédale douce sur le sujet, puisque le rendement du 10 ans américain s’était calmé et que de façon presque magique nos craintes s’en étaient allées aussi vite qu’elles furent venues.

L’Audio du 4 mars 2021

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La date sur le fond du paquet

Mauvaise nouvelle, le rendement du 10 ans est de retour et à la minute où je vous parle, à la minute où je tape ces mots sur mon clavier, le FAMEUX rendement du 10 ans approche dangereusement les 1.5% – pour le moment nous sommes à 1.4880% mais il suffit d’un pas de travers, d’un mot de Powell et nous allons passer le niveau mythique des 1.5% et c’est là que ça va se gâter…

Tout comme moi vous vous êtes sûrement demandé ce qui se passe à l’intérieur d’un yaourt lorsque l’on dépasse la date de péremption. Attention, je ne dis pas ce qui se passe 12 mois plus tard, mais ce qui se passe très exactement entre le 3 et le 4 mars, lorsque l’on vous dit qu’il est bon à consommer jusqu’à hier. Il serait intéressant à de savoir à quel moment très précisément le yaourt en question passe de « parfaitement comestible avec plein de bifidus dedans qui font du bien à votre ventre et qui fait disparaître les bourrelets » à « touche pas ça ! si tu trempes tes lèvres dedans tu vas vomir tes tripes et perdre 30 kilos instantanément et faire disparaître tes bourrelets aussi ». Le gros avantage, c’est que dans les deux cas tu perds tes bourrelets et même pire, le yaourt périmé et peut-être plus efficace pour ça que le non-périmé.

Tout ça pour dire qu’il est toujours fascinant de voir qu’à un instant très précis, tout va bien et que soudainement, la seconde d’après, le jour suivant à 00h00 et une seconde, on ne peut plus le manger. C’est un peu comme le 10 ans américain.

Oui, vous allez me dire : « il nous a raconté tout ça pour en arriver au 10 ans américain ? il est quand même gonflé, on a autre chose à faire le jeudi matin qu’écouter ses délires gastronomiques… ».. Mais vous allez comprendre.

SI je fais le parallèle avec le 10 ans américain, c’est tout d’abord qu’il n’y a rien à dire et qu’il faut quand même que je meuble et ensuite que le parallèle est très frappant. En effet, en finance tant qu’on est SOUS les 1.5% de rendement sur le 10 ans US, tout va bien. Ça veut dire que les taux sont bas et quand les taux sont bas, c’est bon pour les actions et que si les taux sont bas c’est que l’on essaie de relancer l’économie et donc qu’il n’y pas ou peu d’inflation. En revanche, lorsque le rendement du 10 ans américain passe au-dessus des 1.5%, soudainement : ON PANIQUE…

La panique en embuscade

On panique parce que ça veut dire que l’on s’autorise à penser dans les milieux qui ont fait de longues études économiques pour gagner en bourse à tous les coups, que si le rendement du 10 ans passe au-dessus des 1.5% – à 1.4995%, ça va. C’est juste à 1.5% que l’on commence à hurler à la mort – donc si on passe au-dessus des 1.5, c’est l’angoisse qui nous étreint, parce que l’on commence à parler de hausse des taux de la part de la FED, du retour de l’inflation galopante et potentiellement, il y en a qui envisagent carrément des attaques de zombies et l’arrivée d’une pandémie qui nous obligerait à rester chez nous, ne plus aller au restaurant et faire des meetings sur Zoom.

Mais aujourd’hui on est un peu plus forts et un peu plus évolués que les dinosaures ne devaient l’être quand ils se sont bêtement contentés de regarder tomber des météorites sans rien faire. Nous on est une vraie espèce intelligente qui a développé l’écriture et la parole pour communiquer et maintenant le smartphone pour s’envoyer des SMS et ne plus parler, ni ne plus communiquer normalement. Donc du coup, on anticipe et en voyant le rendement du 10 ans remonter en direction des 1.5%, on commence à flipper AVANT. Et c’est pour ça que l’on s’est fait allumer hier soir aux States. Le rendement n’est pas ENCORE à 1.5%, mais ça ne saurait tarder et afin d’avoir l’esprit clair quand les zombies du Bear Market attaqueront, on a déjà commencé à vendre. Et comme chaque fois que l’on est victime d’une crise d’angoisse de cette amplitude, on tape sur la techno. À partir de là, je n’ai plus grand-chose à dire sur la séance d’hier. Si ce n’est que l’Europe a mieux tenu le coup de par le fait qu’ils n’ont pas la même densité de technologie dans leurs indices et qu’en plus on était soudainement « optimistes » au sujet des vaccins – pour une fois.

Pour résumer : les marchés US se sont fait allumer parce que la frontière fatidique des 1.5% est à nouveau dans notre viseur et que l’angoisse devenait palpable. J’espère sincèrement que les chiffres de l’emploi de demain vont être bien pourris, parce si par malheur on constatait une amélioration, autant vous dire que l’on va paniquer et que l’on va terminer la semaine avec des images de Powell en zombie en train de monter les taux plein la tête.

Asie

L’Asie a d’ailleurs bien compris le concept ce matin, puisque l’ensemble des indices sont en chute libre depuis l’ouverture. Le Nikkei plonge de 2%, Hong Kong de 2.5% et la Chine de 1.8%. On ne va pas dire que c’est l’Apocalypse, surtout après la hausse que l’on a vécu ces derniers temps, mais entres les futures qui pointent dans le rouge, l’Asie qui se plante et le rendement du 10 ans qui frise les 1.5% – manquerait plus que l’on nous annonce qu’en fait Biden a perdu les élections, qu’ils vont rappeler Trump et que Twitter va être obligé de lui rouvrir son compte et que le nouveau Vice-Président sera le mec des Village People qui était rentré au Capitole avec les cornes sur la tête.

Pendant ce temps, le pétrole remonte au-dessus des 60$, à près de 61.5$ pour être précis. L’OPEP n’a pas rouvert les robinets – pas encore – et les inventaires montraient une augmentation des stocks, ce qui devrait permettre à l’OPEP de ne pas relancer la production là tout de suite. Provoquant joie et soulagement dans le camp des bulls sur le baril. Sans compter qu’inflation ou pas inflation, le baril est ZE INDICATOR du retour de la croissance économique – alors taux qui montent ou pas, là tout de suite, c’est surtout la reprise qui compte. L’or est en train de continuer à se faire frotter les oreilles et s’il continue comme ça, les 1’600$ sont à nos portes. Pas exclu qu’il ait chopé le COVID lui. Reste donc le Bitcoin qui est imperturbable autour des 50’000$ – hier il a tenté un départ, mais c’était encore trop tôt. Son heure viendra. N’oublions pas quand même que le Bitcoin c’est LE TRUC qui va nous permettre de faire de l’argent à tous les coups et de devenir TOUS très très riche très vite et à coup sûr. Comme avec les bulbes de tulipes en 1637.

Plat du jour

Dans les nouvelles du jour, Biden veut limiter les chèques de Stimulus à ceux qui en ont besoin et les « gros salaires » devraient être exempts de la chose. Du coup Musk et Gates vont devoir se serrer la ceinture. C’est trop dur. Toujours à propos de Musk, un des analystes les plus négatifs sur Tesla a tourné la veste et a doublé son « price target » sur Tesla estimant que le potentiel de hausse doit être misé sur le fait que Tesla possède « le software » qui fera la voiture autonome de demain et que c’est là-dessus qu’il faut la valoriser. Ce qu’il y a de bien avec Tesla, c’est que quoi qu’ils fassent, c’est toujours « ça » qui compte. Si c’est pas les voitures, c’est les batteries. Si c’est pas les batteries, c’est le solaire. Si c’est pas le solaire, c’est les batteries ou les voitures et si c’est pas l’un des trois, ça devient une boîte de software. C’est quand même magique ce truc.

Toujours à propos de Musk, le dernier vol test de la fusée Space X s’est bien passé. Elle a juste explosé APRÈS avoir atterri. Musk a appelé ça un « démontage rapide imprévu », C’est le moins que l’on puisse dire. Autrement, dans un autre chapitre, la BCE s’est déclarée inquiète par la hausse des rendements du 10 ans US – encore eux – et se dit prête à intervenir pour soutenir l’économie encore un peu plus. J’en arrive presque à croire que l’on manipule les rendements pour faire bouger les banques centrales. Mais ça ne peut pas être possible. C’est vraiment pas le genre des institutions financières de manipuler le marché ; bien trop « réglos » pour ça.

Et puis, pour terminer sur une nouvelle joyeuse et motivante, on notera que l’on parle de plus en plus de configuration de Head and Shoulders sur le Nasdaq, sur le SOX et sur la tech américaine – en gros, ça veut dire qu’on est en train de casser à la baisse et que l’objectif sur le Nasdaq 100, est 8% plus bas. Manquerait plus que le rendement aille à 2%. Heureusement qu’il nous reste le Bitcoin.

Chiffres du jour

Côté chiffres économiques nous aurons le bulletin de la BCE, les Retail Sales et le chômage en Europe et les Jobless Claims aux USA – ce qui pourrait être drôle. En tous les cas, les futures sont bien mal en point ce matin, puisque l’ouverture théorique du S&P500 est donnée en baisse de 1% de plus, autant vous dire que le Nasdaq, ça sera pire et que dès que les 1.51% de rendement apparaîtront sur nos écrans, on pourra vraiment paniquer. En tous cas jusqu’à demain.

Et puis, pour ce matin j’ai une petite communication à faire : Aujourd’hui nous inaugurons notre premier sondage sur investir.ch. Vous le trouverez en scrollant un peu plus bas, juste sous l’article sur l’immobilier suisse. C’est aussi un test pour nous donc nous avons vraiment besoin que vous soyez nombreux à voter et n’hésitez pas à nous indiquer si vous rencontrez des problèmes. Si ça marche, après on pourra faire plein de sondages et ça promet d’être drôle. Donc, votez, testez et jouez le jeu. Moi je vous retrouve demain.

Thomas Veillet

Investir.ch

“Nobody realizes that some people expend tremendous energy merely to be normal.”

– Albert Camus