Hier j’ai parlé avec un journaliste. Un journaliste qui m’a demandé si les deux jours de baisse que nous venions de vivre sur les marchés, n’étaient pas ENFIN le signe que nous étions arrivé au bout du Bull Market et que le krach était arrivé.

L’Audio du 22 avril 2021

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Achetez la faiblesse

Si c’était si simple. 2,5% de baisse sur deux jours et HOP ! le Krach est là, y a qu’à laisser trainer des limites 50% plus bas et on sera riche dans 18 mois après le 28ème rebond initié par le soutien inaltérable des banquiers centraux qui sont tellement forts que l’on ne sait même pas d’où vient tout l’argent qu’ils injectent dans les économies (un peu) et dans les bourses mondiales (surtout), probablement d’une dimension parallèle que seuls les « Avengers » peuvent connaître. Reste à savoir quel est le nom de super-héros de Powell ou de Lagarde.

Ce n’est donc pas si simple. À quel moment va-t-on décider que c’est le début du krach, comment on sait que « cette fois ça y est !!! » – eh ben justement, on ne sait pas. Parce qui si on savait, ça serait trop facile. En général un krach est là quand on se prend des claques magistrales de 5% sur les indices deux ou trois jours de suite et que notre seule obsession, c’est de trouver les « meilleurs opportunités d’achats » et que l’on ne se rend même pas compte que le château de cartes est en train de s’effondrer là, juste à côté de nous. Quoi qu’il en soit, les « deux jours » de baisse sur les marchés US, qui ont été engendrés par la peur du COVID et par l’angoisse de voir arriver un variant indien ou breton ou suisse-allemand sur les marchés, ont vite été mis de côté, lorsque bon nombre de stratégistes sont venus dans les médias pour dire que « la baisse créait des opportunités, surtout parce que la croissance long terme n’est pas remise en cause » – ça c’est la phrase qui a été citée le plus au sujet de Netflix hier. Pour le reste, on a bien noté que les gens sont repartis dans leur stratégie « value vs growth ».

Des bons chiffres aussi

Au-delà de Netflix qui se prenait 7.4% dans les dents, le reste des chiffres qui étaient publiés étaient bons. Et d’ailleurs, même les chiffres de Netflix étaient bons. Les mouvements qui suivent les publications sont clairement induits par l’interprétation des chiffres et pas leur qualité. Le principe est assez simple : vous prenez une société qui publie demain, le consensus attend 50 cents par action, un revenu en hausse de 15% et un net profit de 250 millions sur trois mois. La société en question publie 65 cents par action, des revenus en hausse de 22% et un net profit de 300 millions et le CEO se dit content du trimestre et prudemment optimiste pour le trimestre suivant.

La réaction sera la suivante :

  • Tout d’abord la vexation, parce que l’on s’est complètement planté dans nos prévisions de résultats, ce qui arrive à peu près une fois sur deux. Un peu comme à pile ou face. Donc, comme on est vexé on n’est pas trop enclin à acheter la boîte, histoire de ne pas faire plaisir au CEO qui nous a humilié devant des millions de gens. Gens qui auront d’ailleurs oublié notre nom dans les 22 minutes qui suivent, mais cela n’a que peu d’importance, la vexation doit être vengée.
  • On va donc chercher la petite bête dans l’ENSEMBLE du communiqué de presse de la société, histoire de pouvoir « dire du mal ». Dans l’exemple qui nous occupe, la petite bête, c’est le CEO qui a dit PRUDEMMENT optimiste. On s’en fout du mot optimiste, on va s’accrocher au mot PRUDEMMENT.
  • D’ailleurs, tout le monde sait que dans le mot PRUDEMMENT ; si on enlève un R, un D, deux M, un E et un T, ça fait PUE…
  • ET LÀ on tient notre argumentaire. Le CEO a voulu dire que ça « Puait » pour le trimestre suivant. Il faut donc vendre, parce qu’en plus le titre était bien monté et qu’il est temps de prendre les profits, parce que finalement, ils n’étaient pas terribles ces résultats.

Bref, en ce moment on interprète les chiffres du trimestre, plus qu’on les analyses. Mais ça n’est pas nouveau. C’est un grand classique de la prévision boursière. Déjà que la finance est une science à peu près aussi précise que l’astrologie, mais en plus quand est en plein recovery post-pandémie mondiale avec potentiellement un nouveau variant qui apparaît toutes les 12 minutes pour permettre à Pfizer et Moderna de décliner des nouvelles versions de leurs vaccins, ça n’est pas simple de juger des résultats d’une société. On peut donc comprendre les hésitations lors des publications. C’est un peu ce qui est arrivé à Abbott hier soir. Les mecs ils ont fait tout juste, ils ont battu les attentes dans tous les coins et le titre perdait 3.5%. Par contre, pendant ce temps, il y a des nouvelles IPO sur l’intelligence artificielle qui prennent 26% le premier jours et sont déjà valorisée à près de 40 milliards. Sans compter qu’il y a des crypto-monnaies qui ne valent rien mais qui sont en hausse de 8700 % sur 12 mois. Mais à la fin de la journée, la question principale reste quand même de savoir pour quand est le grand reset des marchés boursiers.

Le Bitcoin en difficulté

Ce matin en Asie on fait comme aux USA. Il y a deux jours on flippait comme des dingues sur le rebond du COVID et là tout de suite, le Japon rebondit de 2%, Hong Kong monte de 0.45% et la Chine ne fait rien. Il faut reconnaître que nous sommes quand même super-forts dans le rôle de la girouette. Une chose est sûre, lorsque je vois comment ces marchés se comportent, j’ai de plus en plus de peine à croire qu’il y a une réflexion humaine derrière des swings de marchés et de sentiments aussi violents. D’ailleurs, hier à l’ouverture de New York, lorsque les marchés ont plongé, un « expert » disait – en enlevant ses lunettes de soleil : « c’est les « algos » qui réagissent comme ça, parce que dans des marchés où les évaluations sont si élevées, la moindre déception dans un résultat trimestriel – en l’occurrence, Netflix, déclenche des ordres de vente automatisés »

En gros, les algos mettent la pression sur les investisseurs et si les investisseurs ne tombent pas dans le panneau et profitent de « l’opportunité d’achat » offerte, les algos vont pagayer dans l’autre sens pour récupérer dans le rebond en achetant tout et n’importe quoi pour finalement propulser le Dow Jones de 150 points dans les 15 dernières minutes de trading. Sincèrement, des fois je me demande si c’était pas mieux avant que l’on file les clés du bus aux ordinateurs.

Donc, ce matin l’Asie rebondit histoire de faire comme Wall Street, en revanche il y a pléthore d’analystes techniques qui viennent mettre en garde sur le fait que le Bitcoin est SOUS sa moyenne mobile des 50 jours depuis 4 jours et que plus on y reste longtemps, plus y a des chances de voir la star des crypto-monnaies descendre sur les 40’000$ AVANT de remonter à un million. Le niveau à ne pas casser se trouverait – semble-t-il – à 52’000$.  Pour le moment on a 2’000$ de marge, mais on sait aussi que 2’000$ sur le Bitcoin peuvent être « poutzés » en 3 minutes. L’or est en embuscade juste en-dessous des 1’800$, je ne suis pas loin de penser qu’il attend que le Bitcoin descende en-dessous des 52’000$ pour nous faire un truc. Là aussi on va nous parler de rotation de secteur « out of crypto in gold ». Et puis pour terminer, il y a le pétrole qui a deux jours de retard, parce que lui il baisse « à cause de la résurgence du COVID qui a angoissé les marchés IL Y A 48 heures ». Pour le moment le baril est à 61.05$ et tente de respecter les distances sociales.

Les nouvelles du jour

Pour ce qui est des nouvelles du jour, on parle pas mal de Biden. Biden qui doit réformer la police depuis le verdict de Derek Chauvin, il se pourrait que les flics soient armés avec des bombes à eau et des balles en mousse à l’avenir pour éviter toute bavure. Surtout que depuis le verdict deux personnes de couleurs ont été abattues par la police. Bon, une des deux attaquait une victime à coups de couteau, c’est peut-être une excuse valable. Mais Biden devrait aussi – tout prochainement – reconnaître le génocide arménien, ce qui devrait remplir de joie les autorités turques et leur gentil président à vie. Toujours au stade politique, alors que tous les états occidentaux hurlent à la mort et aux sanctions contre la Russie dans l’affaire Navalny, Poutine a prévenu qu’il « NE FALLAIT PAS DEPASSER LA LIGNE ROUGE ». On sait pas trop ce que ça veut dire, mais je suis pratiquement certain que ça serait quand même plus simple de rester du bon côté de la ligne.

Autrement Draghi met en place un plan de soutien de 220 milliards en Italie et on attend avec impatience la réunion de la BCE cet après-midi. On espère avoir un peu plus de détails sur l’art et la manière du soutien qui sera mis en place par Madame Lagarde. Pour autant qu’il y ait un soutien et qu’il reste de l’argent pour ça. On notera aussi que la SEC met son nez dans les SPAC’s, pas dans les tweets de Musk, mais dans les SPAC’s, ce qui devrait faire moyennement plaisir à certains. On peut aussi retenir que Peugeot repasse aux compteurs à aiguilles parce qu’ils n’ont pas assez de semi-conducteurs et que Carrefour lance un plan de rachat d’actions après un trimestre solide même si on leur a interdit de vendre des collants des chaussettes et des slips. Et puis une des scientifiques qui a aidé à développer le vaccin Pfizer-BioNTech a confirmé la chose, il y aura vraisemblablement besoin d’une troisième injection, car comme le dit le proverbe : « jamais deux sans trois, surtout tant que j’ai pas fini de payer ma résidence secondaire à Aspen ».

Chiffres du jour

Du côté des chiffres économiques il y aura la réunion de la BCE et les Jobless Claims aux USA. Pour ce qui est des trimestriels, il y aura Nestlé, Intel, AT&T, Snap, SAP, American Airlines et le Crédit Suisse qui va expliquer comment ils ont réussi à rater une exposition de 20 milliards, puisqu’apparemment la Risk Manager n’était même pas au courant. J’aurais tendance à leur suggérer d’engager Jerome Kerviel comme consultant.

Pour le moment les futures sont en baisse de 0.05% et je ne veux pas vous mettre en retard pour votre terrasse du jour, vu que c’est devenu LA PREMIERE PREOCCUPATION ACTUELLE, juste avant celle de savoir si on se fait vacciner trois fois au Pfizer ou une fois à l’Astra Zeneca avec une chance sur 10 millions de mourir tout de suite et de rater la terrasse du jour.

Passez une excellente journée et à demain !

Thomas Veillet

Investir.ch

“At every party there are two kinds of people – those who want to go home and those who don’t. The trouble is, they are usually married to each other.”

– Ann Landers