Pendant des semaines le patron de la FED nous a distillé son scénario, expliqué comment ça allait se passer et pourquoi ça allait bien se passer. Il nous a donné plusieurs cours magistraux sur les évènements à venir de ces prochaines semaines, même de ces prochains mois. Jamais on ne l’a cru, jamais on ne lui a fait confiance. Nous avons passé l’entièreté du mois de mars à mettre sa parole en doute.

L’Audio du 9 avril 2021

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Believe

Et puis, allez savoir pourquoi, mais soudainement tout a changé. Soudainement le marché lui a fait confiance et s’est dit qu’il était peut-être mieux informé, que ses paroles avaient du sens et que sa vision de la sortie du recovery et d’une hausse des taux plutôt lointaine n’était pas complètement stupide. En tout cas moins stupide que de démonter une position de 25 milliards en CFD’s en moins de trois minutes. Avant-hier, lors de la publication des chiffres du FOMC Meeting de mars, on avait pris conscience qu’il n’avait pas raconté n’importe quoi finalement. Ou que si c’était le cas ; l’ensemble de la FED pensait comme lui. Si finalement il était stupide, idiot, ou pire ; on pourrait interner l’ensemble des gouverneurs de la FED, puisqu’ils avaient tous l’air de faire bloc derrière lui.

Jerome Powell était en train de passer du stade de petit fonctionnaire grisâtre au service de Biden à quelque chose de plus grand. De plus lumineux.

Descendu du ciel

Hier, Jerome Powell a parlé. Encore. Encore une fois il a dit les mêmes choses qu’avant. Exactement les mêmes choses qu’auparavant. L’avantage quand tu es convaincu de quelque chose depuis des mois, c’est que tu as le temps de travailler tes textes. C’est comme un chanteur ou un type qui fait du stand-up avec les textes des autres, vous le voyez au début de sa tournée mondiale – alors oui, pour info, une tournée mondiale c’est un truc qui existait avant et qui là, ne devrait pas se reproduire avant 2034 pour autant que l’on porte le masque, que l’on soit vacciné et que l’on ait fait 64 tests PCR dans les trois semaines précédentes- tellement de tests PCR que les frottis se font dorénavant directement dans le cerveau.

Mais je m’égare. Donc au début d’une tournée mondiale ; il arrive que l’artiste soit un peu hésitant. Cependant, plus il chante, plus il répète, plus il devient bon. C’est comme Powell, plus il répète qu’un pic d’inflation brutal à venir ; c’est normal, mais que ça baissera après. Plus il dit que les taux monteront un jour tellement loin que l’on pense que l’on sera déjà allé sur Mars et revenus, plus il dit que le recovery sera long et compliqué, plus on a l’impression qu’il parle une langue étrange. Une langue dévolue uniquement aux gens qui « savent », à ceux qui ont vu le futur. Qu’importe si l’on ne comprend pas tout ce qu’il dit, qu’importe si notre mental nous pousse à douter de temps en temps. Ce que l’on sait, c’est qu’il est « l’élu » et notre guide, il nous reste donc plus qu’à appliquer une théorie d’investissement à tout ce qu’il dit, une théorie qui est assez simple et qui utilise une seule technique qui se résume plus ou moins avec ces mots :

« Achetez. Achetez tout et n’importe quoi, mais achetez »

De toutes façons, à la fin c’est les Bulls qui gagnent et les Bulls ont juré allégeance à Jerome Powell. Enfin, tant qu’il les caressera dans le sens du poil et que l’on croira ce qu’il dit comme on croit à peu près tout ce qui est écrit dans les livres saints comme le Barron’s ou le Wall Street Journal.

Un plan qui se déroule comme prévu

Non seulement nous avons admis le discours de Powell. Non seulement nous lui faisons confiance, mais alors en plus quand il parle comme hier pour nous répéter les mêmes choses et que dans la foulée, les chiffres économiques décevants des Jobless Claims viennent corroborer ses discours, on ne peut que se mettre à genoux et s’incliner devant tant de grandeur.

Oui, parce que maintenant que nous sommes devenus son fan club, peu importe les chiffres économiques, on pourra les justifier par les mantras de Jerome Powell. Tenez, hier les Jobless Claims sont repartis à la hausse. Oh, pas de beaucoup, mais 16’000 inscriptions hebdomadaires de plus que prévu c’était encore trop dans une période de notre vie d’investisseur où l’on nous dit que tout va rouvrir aux USA et que ça va être de la folie au niveau de l’emploi. Mais dès la publication, nous avons pu connecter ces mauvais chiffres avec les paroles du Roi Powell.

La lumière

Oui, car souvenez-vous ; Powell a dit « nous allons nous en sortir, mais le chemin sera encore long » – ce qui signifie que tout n’est pas encore rose dans tous les coins et que l’économie dynamique et explosive que l’on promet post-covid n’est encore qu’une larve et qu’elle ne s’est point encore transformée en ce lumineux papillon qui génèrera emploi, argent et une Tesla pour tout le monde très bientôt. Exactement comme « LE GUIDE » l’avait prévu. Bref, du coup tout est monté un peu partout et partout un petit peu et le S&P500 termine ENCORE UNE FOIS au plus haut de tous les temps alors que le Nasdaq continue son réveil emmenant Microsoft au plus haut de tous les temps. Mais je ne vous cacherai pas que c’est un bonheur d’avoir enfin compris que Powell ne mentait pas et que maintenant, il peut répéter tous les jours la même chose pendant les 4 prochaines années, le marché montera encore. Et encore. Et encore, sans jamais se lasser.

Jusqu’à que ça flanche à nouveau, bien sûr. Parce que sinon ça ne serait pas drôle. D’ailleurs, dans la foulée du dernier discours de Powell, le professeur de finance de l’Université de Wharton, Jeremy Siegel a déclaré : « Avec un patron de la FED aussi « dovish » que Powell, le marché peut facilement encore monter de 40%. Puis il a ajouté : « avant de corriger de 20% ».

Ce qu’il y a de bien avec les gourous, c’est que maintenant ils vous disent le premier objectif, plus l’amplitude de la correction et où il faut racheter ensuite. Après il partent 3 ans en vacances et quand ils reviennent soit ils ont eu raison et ils deviennent des Demi-Powell, soit ils ont tort et on aura tout oublier et ils pourront sortir une nouvelle prédiction débile sur CNBC.

Les petites nouvelles du jour

Ce matin l’Asie est partagée. Le Japon monte de 0.35%, pendant que la Chine et Hong Kong baissent de 0.7% dans une harmonie parfaite qui fait presque plaisir à voir. L’or s’est réveillé et il se traite à 1752$ – et s’il prend 14 dollars par jour, ça va rapidement être du délire. Pour ce qui est du baril, il est toujours où il était hier et s’obstine à rester dans le coma pendant que le Bitcoin repart à la hausse pour aller chercher encore une fois ces 60’000$ pour aller enfin au million qui lui est promis.

Dans les petites histoires du moment, on parle beaucoup de Tesla. Tout d’abord parce que Morgan Stanley estime que si vous n’avez pas de Tesla vous êtes un « perdant » – parce que dans le plan d’infrastructure de Biden, il y a près de 180 milliards qui sont destinés aux voitures électriques et que Tesla pourrait bien se tailler la part du lion. Il est clair que lorsque l’on sait que Biden veut remplacer la flotte de l’Etat par des voitures électriques, des Modèles X P100D avec 750 chevaux seraient idéaux pour les fonctionnaires. Mais comme Morgan Stanley c’est quand même ceux qui ont tout vendu AVANT la déconfiture d’Archegos, on ne va pas se moquer d’eux. Et puis on parle aussi de Tesla parce que Musk a publié un tweet qui laisse à penser qu’ils ont été fournis en semi-conducteurs contrairement aux constructeurs chinois qui doivent fermer des usines. Encore une raison de plus d’acheter Tesla.

Et puis comme on dit « jamais deux sans trois », on parle aussi de Tesla parce qu’ils sont en train de geindre en Allemagne parce que les autorités leur font des misères pour leur giga-factory là-bas. Tu m’étonnes. C’est qui le plus gros fabricant de voitures électriques dans les collines vallonnées de Germanie ?

Autrement l’Italie s’est fâchée avec la Turquie parce que Draghi a traité Erdogan de dictateur. Ben tiens, maintenant on se fâche quand on dit la vérité ? Il y a aussi le FT qui met en garde, parce que visiblement certains SPAC’s ont de plus en plus de peine à trouver des soutiens financiers. Reste à espérer que les mots du Docteur Powell suffiront à relancer l’industrie naissante et hyper-spéculative du SPAC. Tokyo se confine à quelques semaines des JO d’été, ça promet et puis Microsoft s’approche des 2’000 milliards de capitalisation boursière.

Chiffres économiques

Mauvaise nouvelle du côté des chiffres économiques aujourd’hui : POWELL ne parlera pas. Il n’y aura donc pas de motivation des troupes possible pendant 3 jours. Mais il y aura le chômage en Suisse, le Trade Balance en Allemagne et le PPI aux USA. Pour le moment les futures sont en hausse de 0.09% et laisse espérer un nouveau record sur le S&P500 dès ce soir et cette fois, sur une base hebdomadaire.

Pour ma part, je vous souhaite un excellent week-end, une très belle journée et on se retrouve lundi en pleine forme pour viser les 4’500 sur le S&P et espérer voir le SMI au plus haut de tous les temps.

À lundi.

Thomas Veillet

Investir.ch

“Doctors are just the same as lawyers; the only difference is that lawyers merely rob you, whereas doctors rob you and kill you too.”

– Anton Chekhov