Avant d’aller plus en avant dans le déroulé de la séance d’hier et de l’avalanche de nouvelles qui va avec, je dois dire que je m’interroge de plus en plus sur la valeur ajoutée des « prévisions des analystes ». Loin de moi l’idée de faire mieux, mais c’est plus le « à quoi ça sert » qui m’interpelle. Non, parce que s’il y a UNE chose que l’on doit retenir de la journée d’hier c’est qu’ils ont été faux et à côté de la plaque ABSOLUMENT PARTOUT.

L’Audio du 29 avril 2021

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Un trou en un

Ce fut donc une journée parfaite pour la communauté des analystes financiers ; ils se sont ratés sur la totalité des chiffres qui ont été publié hier soir. Il n’y a même pas une société où ils se sont montrés proches de la réalité. En plus il y avait les inventaires pétroliers et là aussi, comme tous les mercredis depuis l’invention de l’électricité, ils se sont ratés. Alors je veux bien admettre que la pandémie et les plans de soutiens économiques faussent un peu les feuilles de calculs et que ce n’est pas simple de mettre dans le mille à chaque fois mais à ce point-là, je me demande s’il n’est pas plus simple de jouer les prochains chiffres trimestriels aux fléchettes. Ça ne sera sûrement pas mieux, mais ça ne sera certainement pas pire.

Attention, je ne dis pas que je ferais mieux, sinon ça ferait longtemps que je serais sur une plage à boire des cocktails hors de prix et à passer mes journées sur une chaise longue à lire des romans d’aventure, mais je me demande simplement si ça sert vraiment à quelque chose de publier des kilomètres de rapports financiers pour arriver à des chiffres qui ne veulent juste rien dire. Dans le cas des chiffres trimestriels qui ont été publiés hier, et si l’on revient à l’analogie des fléchettes, c’est comme s’ils n’avaient même pas été capables de toucher le mur où est accroché la cible. C’est comme s’ils s’étaient pointé à un match de foot avec un équipement de ski, ou c’est comme si Lewis Hamilton tentait de piloter sa Mercedes avec des patins à glace aux pieds et les yeux bandés. Hier les sociétés qui ont publié jouaient dans les ligues professionnelles et les analystes financiers jouait en amateur sur la PlayStation One avec une connexion pourrie en ADSL.

Si l’iPhone m’était conté

Inutile de vous dire que LE TITRE que l’on attendait au virage, c’était Apple. Soyons clairs, tout le monde s’attendait à des chiffres fantastiques, mais pas à ce point-là. On pourrait en parler des heures, mais je crois même chez Apple ils étaient surpris que ça soit aussi bon. Si l’on prend la longue litanie des chiffres que l’on nous balance à chaque publication trimestrielle ; TOUT, mais alors ABSOLUMENT TOUT était au-dessus des attentes.

Commençons par le bénéfice net et commençons par les attentes des analystes. Non, parce que je vous ai dit qu’ils ont été nuls et à côté de la plaque, je vais quand même le prouver. Donc les analystes attendaient un bénéfice net de 99 cents par action. Apple a annoncé 1.40$ par action. Ce qui représente 23.6 milliards de bénéfice par action contre 11.2 milliards l’an dernier à la même époque. Plus de 100% de progression.

Mais ça ne s’arrête pas là. Chiffre d’affaires attendu par les analystes : 77,1 milliards. Apple annonce 89.6 milliards. 12 MILLIARDS à côté de la plaque. Ventes d’iPhones attendues par les analystes : 41.4 milliards de dollars. Apple annonce 47,9 milliards. Caramba, encore raté !!! Apparemment, ils ne s’attendaient pas à autant de gens qui allaient upgrader leur iPhone en attendant un éventuel fonctionnement efficace de la 5G – non, parce qu’entre nous, quand on voit comment fonctionne la 5G, on a connu des téléphones fabriqués avec deux gobelets et une ficelle qui fonctionnait mieux. Sauf en Chine et à Monaco apparemment.

Et puis si l’on avait encore un doute ; les analystes attendaient 6.8 milliards de revenus sur les Mac’s et Apple a annoncé 9.1 milliards de revenus. Paraît que les gens achètent de plus en plus de Mac’s parce que le télétravail devient à la mode. Allez savoir pourquoi. Ensuite on a aussi appris que la croissance des revenus pour les prochains trimestres devrait rester favorable et qu’ils augmentaient leur dividende de 7% et boostaient leurs rachats d’actions de 90 MILLIARDS parce que selon eux, leurs actions sont « bon marché ». En conclusion, hier soir après la clôture, le titre prenait 2.5% et je me réjouis de lire les prochains rapports de la communauté des analystes financiers et voir où ils ont trouvé de quoi critiquer pour justifier leurs propres échecs.

Et ailleurs, c’est partout pareil

Le problème, c’est que ça n’est pas seulement sur Apple qu’ils se sont vautrés, Facebook aussi, Qualcomm aussi et même Teladoc qui décevait dans l’autre sens, ils ont réussi à voir moins pire à des années lumières de la réalité. On peut donc se demander pourquoi on continue à se la jouer « je sais de quoi je parle » alors que fondamentalement, les seuls qui savent vraiment de quoi ils parlent, c’est les CFO des compagnies en question – qui eux n’ont rien le droit de dire. Bref, tout ça pour dire que s’il y avait encore quelqu’un qui pensait que la finance restait une science. Et qui plus est ; une science exacte, je crois que ce matin on pourrait avoir très envie d’intégrer l’astrologie et les rituels vaudous dans l’analyse financière, il me semble que ça ne devrait pas être pire à la fin.

Je fais encore un rapide détour par Facebook qui a fait mieux que les attentes (évidemment) et qui se traite 6% plus haut au hors-bourse et que si l’on maintient ce rythme, non seulement Mark Zuckerberg va entamer sa journée plus riche qu’il ne l’a jamais été et le titre sera au plus haut de tous les temps. Qualcomm montait de 5% after close après avoir fait également mieux que les attentes. Et pour terminer, même si on ne regarde pas trop les marchés en ce moment, hier le S&P500 a terminé en baisse de 0.08%, mais ce matin il se rattrape clairement avec un future en hausse de 0.3% – ce qui le place à nouveau au plus haut de tous les temps. En théorie. Oui, parce « qu’en théorie, tout se passe bien ».

La journée qui nous attend

On a pu constater hier, que les gens ne s’intéressent que très peu à la globalité du marché, mais se concentrent surtout sur les chiffres des sociétés. Hier les indices américains ne faisaient pas grand-chose, sauf sur Google et Microsoft et les indices européens hésitaient entre douter à cause du COVID en Inde ou s’exciter à cause du COVID qui va à peu près mieux en Europe et sur le fait que l’on pourrait être déconfiné en juin avant d’être reconfiné en septembre, parce que tu comprends on n’est pas sûr que le vaccin il empêche vraiment la propagation du virus. Il y avait aussi la FED qui nous préoccupait, mais on y reviendra plus tard. Toujours est-il que l’on n’a pas fait grand-chose et que la hausse d’hier a été homéopathique et symbolique en Europe. Ce matin en Asie, c’est pareil. On est content de ce qui se passe aux USA – surtout des chiffres d’Apple, Facebook Google et Microsoft, mais ce soir il y a encore Amazon et la joie que l’on a envie d’exprimer à la publication de ces très bons chiffres est toute en retenue. En fait on explose de joie, mais intérieurement. En attendant on ne fait donc RIEN. Ou pas grand-chose.

Là tout de suite le Nikkei monte de 0.2%, la Chine avance de 0.17% et Hong Kong est en plein délire avec une avancée massive de 0.5%. L’or est à 1784$, le pétrole repart à la hausse et tape les 64$, pendant que le Bitcoin hésite autour des 55’000$ – ça doit être la première fois depuis 1’000 ans qu’il ne bouge pratiquement pas.

Les nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour, on est surtout en train d’analyser les discours de Messieurs Powell et Biden. Du côté de Biden, il a répété 43 fois le mot « jobs » dans son discours d’hier soir et a bien fait comprendre que le taux de chômage de 6% n’était pas acceptable pour lui et que par tous les moyens il allait créer des emplois dans tous les secteurs. Même en Ukraine. Et pour se faire, il y aurait des taxes, des taxes et des taxes et que c’est surtout les riches qui allaient casquer. En même temps, il semble évident que si on compte sur les pauvres ou les chômeurs, ou les deux, ça va prendre plus de temps. En conclusion, Biden n’a surpris personne et on n’est pas vraiment plus avancé qu’avant. Un autre qui n’a surpris personne, c’est Powell.

Le patron de la FED a donc clairement montré et expliqué la même chose qu’il raconte depuis des mois : pas de hausse des taux, pas de fin des soutiens, pas d’arrêt des injections monétaires, maîtrise de l’inflation jusqu’à que mort s’en suive et il a ajouté que la partie n’était pas encore gagnée, pour conserver un peu de suspense dans son discours et faire le gars qui peut encore surprendre. L’impact a été nul et les marchés ont à peine réagit. En même temps, comme disait Einstein . « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent »…

Dans le reste des news, on notera que Ford a fait un trimestre impressionnant mais souffre et va souffrir de la problématique du shortage des semi-conducteurs, le patron de Spotify veut racheter Arsenal qui est son club de foot favori et il a profité de la publication des chiffres de Spotify qui ont déçu le marché (-12%), pour annoncer la chose. On voit qu’on n’a pas tous les mêmes problèmes. Et puis on notera que le patron de Total – qui publiera ses trimestriels aujourd’hui – estime que la société est de retour à ses volumes et à ses revenus d’avant pandémie. Là aussi, on n’est pas tous logé à la même enseigne.

Chiffres économiques

Côté chiffres économiques, nous aurons le chômage en Allemagne, le GDP et les Jobless Claims aux USA et puis du côté des chiffres du trimestre, on continue la valse des publications avec Caterpillar MacDo, Merck, Altria, Royal Dutch, Total, Unilever, Nokia, Airbus, STM, Swisscom et ce soir, ça sera la fin des GAFAM avec les chiffres d’Amazon, Nio, Twitter, Skyworks et Gilead.

Pour l’instant, les futures sont donc légèrement en hausse et on est content de ce que l’on a vu hier, mais on attend quand même de voir au cas où les chiffres d’Amazon sont VRAIMENT pourris. Passez une très bonne journée et à la place de lire des rapports de recherche fondamentale, faites un tour au casino, c’est plus marrant et à la fin le résultat est plus ou moins le même.

À demain, si vous le voulez bien.

Thomas Veillet

Investir.ch

« The only real valuable thing is intuition. »

Albert Einstein