«Sell in May and go away» dit le dicton. Alors qu’avons nous vécu durant ces 15 premiers jours?

Les marchés financiers ont commencé le mois avec les bons résultats trimestriels des compagnies mais avec la fameuse épée de Damoclès, c’est-à-dire les craintes inflationnistes. En effet, le cours des matières premières et les chiffres de l’emploi américains ont donné du fil à retordre aux économistes.

Le rendement du 10 ans américains stagne à des niveaux qui font penser que les banques centrales devraient intervenir. Le prix du cuivre, métal industriel par excellence, atteint des plus hauts historiques et ceux des céréales semblent emprunter le même chemin.

rendement 10 ans US

Le Nasdaq perd du terrain alors que les indices moins représentés en valeurs technologiques gagnent du terrain. Le Nasdaq perd perd 6% depuis le début du mois alors que le S&P 500 ne baisse que de 1,64% (rappelons que cet indice comporte une part non négligeable de titres technologiques) et, chez nous, le SMI fait du surplace.

Inflation

Le vocable qui fait peur. Pourquoi? Inflation veut dire simplement hausse des taux et qui dit hausse de taux dit que les valeurs de croissance perdent du terrain par rapport à celles dites cycliques. Le graphique suivant illustre cet état de fait.

actions values vs croissance

Petit rappel concernant concernant la rotation sectorielle: dans une période de taux bas, les valeurs dites «de croissance» ont tendance à être mieux valorisées que les valeurs cycliques. Ces titres surperforment généralement en période de baisse des taux. C’est l’une des raisons pour lesquelles les secteurs de la pharmacie ou de la consommation non cyclique se sont si bien comportés en bourse depuis plusieurs années: ils offrent croissance et visibilité dans un environnement de taux baissier qui est favorable à ce type de valeurs. À l’inverse, plus les taux sont élevés, plus grande est l’importance du présent par rapport au futur. Si les taux sont élevés, les actions dont l’activité bénéficie d’une bonne conjoncture sont d’autant mieux valorisées.

Mais cette inflation est-elle due à une reprise folle de l’activité économique? La question reste ouverte considérant que l’activité économique est encore bridée par la pandémie. L’Inde en est le meilleur exemple. Dans son rapport mensuel sur le marché pétrolier publié le 11 mai, l’OPEP a maintenu inchangées ses perspectives de demande mondiale de pétrole pour 2021, à 96,46 millions b/j, soit une hausse de 5,95 millions b/j par rapport à 2020, ajoutant que la majeure partie de la croissance de la demande de pétrole prévue cette année se produira au second semestre. L’OPEP a également revu à la baisse sa projection de l’offre de liquides non OPEP de 230 000 b/j, citant les nombreux arrêts de puits aux États-Unis pendant le gel de février. Le 11 mai également, l’EIA a maintenu ses prévisions de demande de pétrole pour 2021 largement inchangées par rapport au mois précédent, à 97,7 millions de b/j, et a relevé de 100 000 b/j ses perspectives de demande mondiale pour 2022, à 101,4 millions de b/j. Cependant, l’EIA a noté que la résurgence de la pandémie en Asie a augmenté le risque de baisse de la demande de pétrole et a réduit ses perspectives de demande pour l’Inde de 300 000 b/j pour le deuxième trimestre, citant la deuxième vague débilitante du pays.

Quant au prix du cuivre, il souffre d’une baisse de la production au Chili pour cause de cette même pandémie. La production de cuivre du Chili a diminué de 1% en 2020, tandis que la production du Pérou a chuté de 12,5%. La nature implacable de la pandémie reste une menace persistante pour les mineurs de cuivre. L’effondrement des frais de traitement et de raffinage (TC/RC) reflète la sous-performance de l’offre minière, comme en témoignent les exportations du Chili et du Pérou.

Cette inflation semble plus liée à des attentes des économistes plus qu’à une véritable reprise économique. Il est vrai que celles-ci sont confortées par le plan de relance de Joe Biden et de la fameuse transition écologique. Pour mémoire, l’adoption rapide des véhicules électriques, la technologie 5G et les panneaux solaires, qui étaient les thèmes nettement favorables l’année dernière, sont susceptibles d’être les principaux moteurs cette année encore. Les VE nécessitent quatre fois plus de cuivre que les voitures à essence. En outre, il faut davantage d’infrastructures pour connecter les stations de recharge au réseau.

ESG

Autre thème récurrent qui s’associe aussi aux déclarations intempestives d’Elon Musk. Rappelons que le CEO de Tesla a tout de même fait une volte-face intéressante à propos des cryptomonnaies. Selon Reuters, Tesla chercherait effectivement à entrer sur le marché étasunien des crédits pour les carburants renouvelables afin de profiter des nouveaux objectifs zéro émission de l’administration Biden. Le constructeur californien ferait partie des huit premières entreprises à avoir déposé une demande auprès de l’Agence pour la protection de l’environnement (EPA, Environmental Protection Agency) sur la production d’électricité et des crédits renouvelables.

Une autre pierre à l’édifice du non-sens qui prévaut dans les marchés boursiers est celle du minage du Bitcoin. Un récent article de Nature explique que le minage de cryptomonnaies en Chine risque de compromettre ses objectifs climatiques, et que si rien n’est fait, la consommation d’énergie annuelle liée au Bitcoin dans le pays asiatique devrait générer 130,50 millions de tonnes métriques d’émissions de carbone en 2024. Le minage d’une cryptomonnaie nécessite en effet des capacités de calculs informatiques toujours plus importantes, et par conséquent fortement consommatrices d’énergie dans une nation où le charbon domine.

Sans intervention politique, le schéma d’émission de carbone de la blockchain Bitcoin deviendra un obstacle non négligeable aux efforts de durabilité de la Chine. Le pic annuel de consommation d’énergie et d’émission de carbone de la blockchain Bitcoin en Chine devrait dépasser celui de certains pays développés comme l’Italie, les Pays-Bas, l’Espagne et la République tchèque.

 

minage Bitcoin
Source : https://btc.com/stats

Chine

L’Empire du Milieu qui s’enorgueillit d’être «propre» ne peut se targuer d’être le Mister Proper de notre planète. Le minage n’est qu’un des exemples flagrants de l’échec de cette image. A cela s’ajoutent les véhicules électriques et autres outils caractérisant la consommation du 21ème siècle comme les smatphones, qui sont les utilisateurs les plus importants de métaux rares dont, comme tout le monde ne le sait pas, l’extraction pollue les sols de manière excessive.

Le pays fêtera le 1er juiller les 100 ans du parti communiste et les festivités promettent d’être au rendez-vous. Pour ce faire, l’argent coule à flot. Mais au cas où il devait manquer quelques yuans, le gouvernement a tout de même infligé une amende de 2,8 milliards de dollars à Alibaba sous prétexte d’attitude monopolistique. Dans la foulée, il avait déjà mis un peu de pression sur son CEO et fondateur suite à des propos anti-régime. Comme cela ne suffisait pas, le gouvernement a aussi interdit la mise sur le marché via une IPO de Ant Group, spin-off d’Alibaba. Trump aurait certainement voulu traiter Facebook et Twitter de la même manière!

Japon

Le 29 mars 2021, le gouverneur de la Banque du Japon, Haruhiko Kuroda, a déclaré que la banque centrale continuerait à acheter des fonds négociés en bourse (ETF) en fonction des besoins et en suivant de près l’évolution des marchés, même après la fin de la pandémie de coronavirus. Dans le cadre d’une révision de ses outils politiques au début du mois, la banque centrale a supprimé l’engagement d’acheter des ETF à un rythme déterminé et a décidé d’acheter uniquement lorsque les marchés connaissent des turbulences afin de rendre son programme de relance massif plus durable.

Ceci explique peut-être cela. En effet, le Nikkei a perdu 4,3% la semaine dernière, sa plus forte baisse depuis la dernière semaine de juillet 2020.

Conclusion

Les politiques vaccinales offrent un espoir à plusieurs pays, surtout ceux dont le tourisme est une manne importante mais le variant indien fait peser un doute raisonnable sur cet optimisme. Plusieurs instituts économiques essaient de modéliser ce risque mais ne peuvent s’empêcher de lorgner sur les chiffres de l’inflation et sur la politique des taux des banques centrales pour étayer leurs opinions.

Les TIPS américains à 10 ans (Treasury Inflation-Protected Securities) montrent que les acteurs du marché attendent une inflation avoisinant 2,5% pour les 10 prochaines années. Alors faut-il vendre le marché ?

Est-ce que Elon Musk va-t-il encore ajouter de volatilité sur les cryptomonnaies? Et est-ce que la Chine sera le leader du «greewashing»? Le mois de mai ne suffira pas à répondre à ces questions mais l’investisseur se retrouve face à beaucoup de contradictions.