Dans ma chronique d’hier je parlais de coma et de marchés qui restaient dans une léthargie totale. Durant la séance d’hier, j’ai eu, pendant un bref instant cette impression de « déjà-vu », cet instant où on se dit qu’on a déjà vécu ce genre de moment. En effet, la séance de jeudi était comme celle de mercredi, presque à l’identique. Sauf pour les Jobless Claims. Mais ça pourrait changer aujourd’hui, parce que Spending Joe est de retour.

l’Audio du 28 mai 2021

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Après la cape d’invisibilité, celle de l’immobilité

Avant d’aller plus loin, on va tout d’abord rapidement revenir sur ce qui s’est passé hier, ça va être relativement facile puisque si l’on fait le bilan final, on se rendra compte qu’il ne s’est pas passé grand-chose. « Pas passé grand-chose », c’est le politiquement correct pour dire : RIEN. Oh, il y a bien eu le marché français qui terminait en hausse de 0.69% parce que l’on s’est soudainement rendu compte que, finalement Airbus allait quand même à nouveau vendre des avions. L’avionneur européen a annoncé son plan de production et c’était plutôt encourageant pour l’avenir. Le titre a explosé de près de 10%, entraînant avec lui des valeurs comme Safran qui allait forcément bénéficier des performances futures de l’entreprise toulousaine. Ces deux-là donnaient donc force et courage au CAC pour devenir le meilleur indice européen, et de loin. La dernière fois que nous vîmes le CAC si haut Jean-Marie Messier était encore un demi-dieu de la finance – au même titre qu’Elon Musk est un demi-dieu d’à peu près tout aujourd’hui et les tours jumelles du World Trade Center pensaient encore qu’elles seraient là pour toujours.

Aux USA, on attendait impatiemment les chiffres des Jobless Claims qui étaient censés nous apporter joie, bonheur et félicité comme tous les jeudis depuis un mois. Et ça n’a pas manqué, sauf que l’effet de surprise n’est plus suffisant pour booster les indices, motiver les acheteurs, surtout quand notre guide spirituel à tous n’est pas là pour « tweeter » et nous sortir un truc un peu marrant qui a pour but de mettre un gigantesque coup de pied dans la fourmilière et secouer les traders pendant leur sieste d’after-lunch. Hier les Jobless Claims ont donc été publiés à 406’000, contre 425’000 attendus. Mais au-delà du fait que c’était meilleur que les attentes des économistes les plus affutés, ce qui attirait surtout le regard et qui faisait briller les yeux des investisseurs, c’était surtout le fait que c’était le chiffre le plus bas depuis le début de la pandémie, mais aussi que c’était la quatrième semaine consécutive que ça baissait. La conclusion s’imposait d’elle-même devant nos yeux ébahis : non-seulement les USA ont redémarré, mais en plus ils vont passer la seconde et s’insérer dans le trafic. Dans quelques semaines ils seront sur l’autoroute et pour les rattraper, il va falloir pédaler très fort. Afin de rajouter une couche de joie et de bonheur sur les chiffres d’hier on nous a aussi annoncé un PIB parfaitement en ligne avec les attente, l’économie US était en croissance pour le premier trimestre. Une progression de 6.4% qui montrait toute la maîtrise qui est mise en place actuellement aux Etats-Unis et qui rassurait tout le monde.

Pas la niak

Pourtant, malgré toutes ces bonnes nouvelles et cette sérénité retrouvée Outre-Atlantique, les indices locaux ne parvenaient toujours pas à sortir du coma. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, le Dow terminait en hausse de 0.4% aidé par Boeing – pas besoin de vous faire le lien avec la France – le S&P500 clôturait en hausse de 0.12% – pas de quoi être décoiffé par la vitesse d’ascension, ni de craindre que notre permanente défrise à cause de la volatilité. Quant au Nasdaq, on était loin du terme « Krach Boursier », puisqu’il ne terminait en baisse que de 0.01% – à ce niveau de performance, je me demande même si cela vaut bien la peine d’en parler. Vous l’aurez compris, la journée du jeudi 27 mai n’a aucune chance de rentrer dans le Hall of Fame des journées les plus fun de l’histoire du trading.

Même les cryptos ne bougeaient plus, comme tétanisées. Le Bitcoin oscille entre 37’500 et 39’500, de mémoire de crypto-trader, on avait rarement vu des journées aussi ennuyeuses. Pourtant on a quand même des gars comme Mike Novogratz qui passe son temps à donner des interviews pour dire que les cryptos c’est beau et que c’est une révolution. On a Carl Icahn qui pensait il y a encore 24 heures que le Bitcoin c’était de la daube, qui vient de tourner la veste et qui « envisage » de mettre une partie de ses économies en Bitcoin. Mais même avec des soutiens pareils, Musk n’a rien dit. Et ça, c’est dur.

Mais heureusement, alors que l’on envisageait de finir la soirée en fabricant des cocktails au prozac et à la vodka pour contrer l’ennui, le New York Times a publié un article qui aurait le pouvoir de changer la fin de cette semaine ennuyeuse en quelque chose qui se rapprocherait d’un week-end à Ibiza quand tout le monde sera vacciné : le journal New Yorkais pense savoir que Joe « Super-Spender » Biden serait prêt à mette en place un plan de stimulus de 6’000 milliards pour 2022 !!!

Et là, ça va tout changer !

En Asie

Ce matin en Asie le sentiment a donc tourné à 180 degrés et même si la Chine et Hong-Kong font comme s’ils n’avaient pas entendu parler du futur-stimulus miracle à venir en 2022, les Japonais ont immédiatement saisi la balle au bond et sont partis planter un dunk de folie pour mettre tout le monde d’accord. Le Nikkei est en hausse de 2% – alors soit, ce n’est pas encore Ibiza et toutes les substances illégales qui vont avec, mais on peut tout de même noter que les esprits s’échauffent et que les avis s’animent, puisque l’on commence à dire qu’avec ce nouveau plan de stimulus à venir, avec tout le conditionnel qui va avec, les Etats-Unis pourraient sortir le MONDE ENTIER de la crise du COVID.

C’est en tous les cas ce qui se dit en Asie. Pas en Chine, mais dans le reste de l’Asie. En Chine on préfère quand même éviter de voir Joe Biden débarquer à l’aéroport en effectuant la danse de la victoire.

En conclusion et pour parler français, hier la journée était chiante, à moins que vous aviez acheté de l’Airbus la veille, mais un nouveau stimulus à l’horizon pourrait changer la donne et changer le surnom de Joe Biden de « sleepy » à « spender ». On ne sait pas trop comment, ni où il va trouver ces 6’000 milliards, mais comme à chaque fois que l’on reçoit ce genre de cadeau, on va se dire, on va se convaincre que c’est l’intention qui compte. Et puis 6’000 milliards de plus injectés dans l’économie, ça ne va sûrement pas augmenter les risques inflationnistes et encore moins précipiter une hausse des taux en 2022. On ne va pas gâcher la fête pour des « broutilles » pareilles.

News du jour

Au chapitre Au« nouvelles du jour », je vais faire l’impasse sur le Stimulus, puisque nous avons largement abordé le sujet et que pour le moment ça reste quand même du 2022, mais on notera que l’or ne fait rien et que le pétrole est en train d’attaquer discrètement ses récents plus haut du mois de mars – une rupture haussière du prix du brut au-dessus des 67.70$ pourrait ouvrir la porte à toutes les fenêtres. Pour le moment nous sommes à 67.07$ et le fait que deux membres du board d’Exxon se sont fait virer au profit d’un hedge fund manager qui a des intentions un peu plus « vertes » pourrait avoir un peu d’incidence, puisque ce nouveau membre pousserait à fermer le robinet de la production.

Autrement on notera que tout le monde parle à nouveau des titres de WallStreetbets et du fait qu’AMC est au plus haut depuis mai 2017. Je ne vais donc pas en parler parce que ça devient tellement n’importe quoi, qu’il est plus simple d’ignorer la chose étant donné que je pense que je suis trop vieux pour ces conneries, comme dirait Martin Riggs. Il y a une nouvelle polémique chez AT&T, puisque la plupart des tops managers ont touché 9 millions de bonus chacun pour avoir finalisé le deal avec Time Warner. Sauf que certains actionnaires sont en train de râler sur le fait que la performance d’At&t ces dernières années ne justifie absolument pas des bonus pareils. Serait-on en train de replonger dans un scénario similaire à ce que l’on a déjà vécu par le passé ? Des top-managers qui encaissent des bonus de débiles alors que la boîte est endettée et ne se porte pas si bien que ça. On a déjà vécu ce genre d’histoire, mais comme on sait que le marché n’apprend rien et qu’il oublie tout et que Greed est tellement GOOOOOOD….qu’on dirait que se refaire un petit « essaie encore » pourrait être super-fun. Surtout pour les top-managers en question.

Pour le reste, on est donc en mode « le recovery va s’accélérer grâce aux USA et Fuck l’inflation ». On reviendra à l’inflation la semaine prochaine probablement, l’effet 6’000 milliards semble pouvoir porter les indices jusqu’à ce soir et comme lundi ça sera fermé aux USA ; on aura le temps de réfléchir. Et puis on notera que Cathie Wood a donné une conférence chez Coinbase hier et qu’elle pense avoir identifié les « coupables » du crypto-krach  de l’autre jour, il s’agit des investisseurs qui sont trop ESG et Elon Musk. En ce qui concerne Elon Musk, selon Madame Wood, il sera bon pour les cryptos à l’avenir. Elle pense aussi qu’il a du se faire sonner les cloches par le patron de chez BlackRock qui est, je cite : « très porté sur l’investissement responsable et qui aurait pu attirer l’attention du patron de Tesla sur le côté énergivore du Bitcoin »…

Oooouuuuuuuiiiiiiiii…… Mais bien sûr !!!! Elon Musk doit avoir 155 de QI, mais il a besoin qu’un investisseurs ESG (ne pas rire) comme Monsieur Fink vienne lui rappeler qu’il faut de l’électricité pour miner du Bitcoin. J’espère qu’il n’a pas eu besoin de lui rappeler qu’il ne faut pas mettre d’essence dans une Tesla.

Bon je vais arrêter là , parce que j’ai comme l’impression qu’on nous prend pour des cons et allez savoir pourquoi, mais ça me dérange un poil.

Les chiffres du jour

Au sujet des chiffres du jour, il va y avoir du sport. En France nous aurons le CPI, le PIB et les dépenses du consommateur. En Suisse, il y aura le KOF et aux USA, ça sera le Price Index, le Personal Spending, le Chicago PMI et les chiffres de la consommation version Université du Michigan qui ont – à mon sens – à peu près autant de valeur que s’ils étaient tirés aux dés, mais certains y croient.

Pour le moment les futures sont en hausse de 0.5% – merci à Spending Joe.

Il me reste à vous souhaiter un excellent week-end et on se retrouve lundi, pour une journée sans les Américains qui seront en plein barbecue pour le Memorial Day.

À lundi !

Thomas Veillet

Investir.ch

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