Depuis 2008 nous n’avions plus eu une inflation aussi élevée aux Etats-Unis. Avant cela, la dernière fois que cela avait été aussi haut, c’était en 1991. Autant vous dire que passer les 5% d’inflation aux USA, ça n’arrive quand même pas toutes les semaines. Dans un monde normal, un chiffre pareil aurait fait fuir le Bull le plus optimiste et il aurait même envisagé de se porter volontaire pour la boucherie, tellement la peur de voir arriver la hausse des taux à l’horizon lui aurait cassé le moral. Mais nous ne sommes pas dans un monde normal. D’ailleurs, c’est quoi un monde normal ?

L’Audio du 11 juin 2021

Télécharger le podcast (.mp3)

Avant toutes choses; désolé pour l’heure tardive de publication, mais dans un monde où l’on pense à aller sur mars, il y a des réseau qui fonctionnent encore à l’âge de pierre et qui plante en bousillant deux heures de boulot en trois minutes parce qu’un connard a dû renverser sa tasse de café sur son clavier. Oui je suis énervé, mais surtout navré du retard…

Une inflation de dingue et un record historique

On nous l’avait dit, hier serait une journée placée sous le signe de l’inflation et puis c’est tout. Les Américains devaient annoncer leur CPI et pour le reste, c’était les vacances, mis à part pour les swings journaliers de Wallstreetbets et du Bitcoin. Mais hier c’était quand même l’inflation qui ramassait le plus de suffrages au niveau de l’intérêt global. À 14h30 on nous a donc annoncé que le CPI était de 0.6% contre les 0.5% attendu et que l’inflation actuelle était de 5%. Théoriquement c’était la catastrophe, l’inflation était à nos portes, prête à bondir, un peu comme une barge de débarquement sur la plage de Utah Beach en 1944. Et un peu comme les Allemands en 1944, on sentait que la fin était proche. Et puis, au moment où nous étions en train de vérifier une dernière fois nos parachutes avant de sauter au-dessus du vide et de l’inconnu, on nous a annoncé que les Jobless Claims étaient encore une semaine de plus, moins élevés que prévu. Ce que signifiait que l’emploi cartonnait toujours, sans compter que GameStop avait annoncé l’arrivée d’un CEO et d’un CFO. Et hop, deux emplois de plus.

À partir de là, le rendement du 10 ans s’est effondré – on n’avait plus été aussi bas depuis mars – et puis les intervenants se sont décidés à croire ce que la FED nous raconte depuis des mois : « Le pic actuel de l’inflation ne sera que transitoire ». Le marché a donc décidé de mettre ses crampons et d’aller affronter le pic en question avant qu’il se dégonfle. Du coup, malgré la tempête de l’inflation qui soufflait à 300 km/h sur le pic transitoire de l’inflation, le S&P500 est parvenu à finir sa séance au plus haut de tous les temps. Alors oui, sur le graphique il faut zoomer très fort et chausser une bonne paire de lunettes, mais les faits sont là : Alors que nous sortons à peine d’une pandémie et que l’on vient juste de découvrir deux cas COVID sur un bateau de croisière, le S&P500 termine la journée au plus haut de tous les temps et ce matin, les futures qui sont déjà en forte hausse de 0.01% laissent à penser que nous pourrions même finir la semaine au plus haut de tous les temps. Et je ne vous parle même pas du Nasdaq qui frise les 14’000 et qui n’est plus qu’à 80 points des plus hauts de tous les temps.

Je crois qu’hier nous avons juré allégeance à Jerome Powell. En tous les cas, en ce qui me concerne, j’ai pris rendez-vous chez le tatoueur pour me faire dessiner son portrait à un endroit de mon corps que la décence m’interdit de préciser.

Europe en panne

Alors que les USA fêtaient le fait qu’ils n’en n’avaient plus rien à foutre de l’inflation (en tous les cas pour les 12 prochaines heures), l’Europe semblait dans une léthargie qui allait probablement de pair avec la chaleur écrasante qu’il faisait sur ma terrasse, hier soir à la clôture du marché. À un certain moment je me suis même demandé si les bourses électroniques européennes n’avaient pas eu une panne d’électricité et qu’en fait nous en étions restés aux cours de la veille.

La journée aura donc été dédiée au fait que nous acceptons que l’inflation soit forte, parce que nous savons que c’est temporaire. Et surtout nous sommes heureux de voir que l’emploi cartonne de tous les côtés. Par contre, de plus en plus d’experts sont en train de prendre le pari qu’entre août et septembre, la FED va commencer son programme de « tapering » – autrement dit, elle va arrêter d’acheter tout et n’importe quoi dans le marché. Ce qui sera la première marche en direction d’une hausse des taux inévitable. La question sera simplement sera de la repousser le plus loin possible. Style vers 2035, quand je serai à la retraite et que ma préoccupation principale sera de trouver des appâts pour aller pêcher l’espadon dans le lac Léman. Oui, en 2035, il y aura des espadons dans le lac Léman. Foutu réchauffement climatique.

Rock’n Roll à Wallstreetbets

Pour le reste de l’action de la journée, il faudra quand même signaler que GameStop s’est prise 30% dans les dents après la nomination de son nouveau CEO et CFO. Que le Chairman a dit que le chemin de la reconstruction de GameStop sera long et compliquée et qu’il fallait « attacher sa ceinture ». Les investisseurs « long terme » que sont les gens de Wallstreetbets n’ont que moyennement apprécié l’analogie on dirait. Et puis un des nouveaux titres que l’on trouve sur les forums – Clean Energy Fuels – qui avait pris 30% la veille parce que le short interest était trop grand, a reperdu 15% hier parce qu’il semblerait que Total ait réduit sa participation dans la société qui fait du gaz naturel à base de flatulences vaches (entre autres). Je crois que je commence à avoir envie de m’acheter une voiture électrique.

Ailleurs dans le monde

En Asie ce matin, pendant un bref instant le marché semble avoir bougé, mais je crois que ça n’était qu’une fausse impression. Les indices de référence sont également dans le coma, un peu à l’image de l’Europe. Tout le monde semble avoir admis que la forte inflation américaine n’est que temporaire et parfaitement sous contrôle – jusqu’à la prochaine fois en tous les cas – par contre on n’a pas non plus l’impression que les investisseurs sont en train de vendre les bijoux de la grand-mère et la grand-mère elle-même pour jouer la hausse des marchés pour les huit prochains mois.

Du côté de l’or il ne se passe rien. Enfin, il remonte à 1902$, mais vu l’inflation on aurait pu le voir partir plus haut et plus vite, mais comme ON SAIT que l’inflation ne sera que transitoire, ça ne vaut pas la peine non plus d’entamer les grandes manœuvres pour si peu. Le pétrole remonte au-dessus des 70$ et je suis de plus en plus persuadé que ce truc-là va nous péter à la figure dans les semaines qui viennent. L’objectif des 75$ semble tellement évident que je ne serais même pas étonné qu’il monte directement à 80$ – suis à la limite de m’acheter une douzaine de drones pour attaquer une raffinerie, histoire de stimuler le cours du brut pendant le week-end. Je vous dispense du sujet crypto. Le Bitcoin est à 36’000 et des brouettes, le patron de Kraken pense que ça vaudra 250’000$ à la fin de l’année. Et dans l’autre camp, le patron des impôts américains et Elisabeth Warren appellent à la régulation des cryptos, mais le Bitcoin s’en cogne comme de sa première ferme de mining.

Nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour, il faut retenir que le Crédit Suisse semble perdre des parts de marché dans le secteur du Primebrokerage après la déconfiture d’Archegos. On se demande bien pourquoi les gens ne leur font plus confiance. Franchement, pinailler pour 20 milliards et de poussières, ça me paraît quand même un peu dur. Il y a aussi plusieurs hedge funds, dont Melvin Capital qui s’était déjà fait défoncer dans l’affaire GameStop, qui annoncent des pertes stratosphériques sur AMC. En fait, ils comprennent super-vite, mais il faut juste leur expliquer plusieurs fois et super-longtemps.

Et puis l’IPO de DIDI qui fait plus ou moins comme UBER devrait friser les 70 milliards. Des blogueurs chinois annoncent qu’ils ont été menacés de procès en diffamation s’ils disaient du mal de Tesla. Autrement, Netflix lance un shop on-line pour acheter des t-shirt et des casquettes des séries les plus populaires. Un business révolutionnaire. Dans les grandes nouvelles économiques et fondamentales, il faut retenir qu’AMC a été upgradé par S&P qui pense que la société à « moins de chances de faire défaut dorénavant », parce qu’elle a pu vendre plein de ses propres titres. Disons que c’est surtout le top management qui devrait surtout sauter de joie et changer de vie.

Chiffres du jour

En ce qui concerne les chiffres du jour, il y aura foule en Angleterre avec le GDP, le Trade Balance ainsi que la production industrielle et manufacturière. Et puis aux USA ça sera le vendredi de la confiance du consommateur selon l’Université du Michigan et plein d’autres trucs contenus dans le rapport qui ne servent pas à grand-chose. Les futures ne font strictement rien et la volatilité, le VIX vient d’être placé en intubation en touchant son plus bas depuis le début de la pandémie.

Il me reste à vous souhaiter une excellente journée, un très bon week-end et on se voit lundi !

Thomas Veillet

Investir.ch

“I’m 97% sure you don’t like me, but I’m 100% sure I don’t care”