En entamant cette semaine, on savait déjà que la seule chose qui allait nous intéresser, c’était la réunion des banquiers centraux de Jackson Hole qui ne sera pas à Jackson Hole, mais en streaming à cause du COVID. En fait, même s’ils décidaient de se réunir à Kaboul, ça n’aurait pas vraiment d’importance, la seule chose que l’on veut entendre aujourd’hui c’est : « nous n’allons pas réduire les achats obligataires tout de suite, nous attendrons que le COVID soit éradiqué, tout comme la grippe, la gastro et les cons ». Et depuis lundi, on ne cesse de trouver des arguments pour que cette théorie se confirme dans 48 heures.

L’Audio du 25 août 2021

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On tient la route

Alors je ne sais pas si ces théories tiennent la route, mais si on pouvait générer de l’énergie avec tout l’air qu’on brasse autour de ça, le nucléaire ne servirait plus à rien depuis des semaines. Quoi qu’il en soit, les marchés sont heureux et ne cessent de monter. Moins en Europe, parce qu’allez savoir pourquoi on est quand même plus timoré que les Américains et on est toujours plus forts pour baisser pour des nouvelles qui ne nous concernent pas que l’inverse. Toujours est-il que là tout de suite, si les autorités expriment leur inquiétude sur l’évolution de la maladie, à chaque fois que l’on entend de la peur ou de la crainte dans les voix des politiciens, le marché monte. Le marché monte parce qu’il se contente de faire l’équation suivante :

« Si COVID est dans la place, Powell pas faire Tapering. Et si Powell pas faire Tapering, taux rester bas et bourses mondiales continuer à monter ».

CQFD

En gros, si j’étais politicien ET que j’avais des intérêts dans de grosses multinationales quotées en bourse – ce qui est presque une évidence – je me précipiterai pour annoncer la fin du monde et empêcher les banquiers centraux d’envisager –  ne serait-ce que dans 3 ans – d’avoir la moindre velléité d’avoir éventuellement peut-être envie, un jour de monter les taux. C’est d’ailleurs parfait puisque l’on parle de pass sanitaire pour accéder aux restos en Suisse aussi, toujours parfait comme arguments pour éviter aux banquiers centraux d’avoir à modifier leur politique monétaire. Quoi que l’on ne va pas aborder ici la politique monétaire de la BNS – ça serait méchant de dire du mal. Mais peu importe le COVID, les tensions hospitalières, les nouveaux cas, les anciens cas, les médicaments parallèles qui sont utilisés pour vermifuger les bovins et les équidés, les gentils professeurs, les méchants professeurs, les complotistes et les sauveurs de l’humanité de chez Pfizer, Moderna, BioNTech, qui ne font que ça par envie de faire le bien. En attendant, les marchés montent. Hier le Nasdaq a franchi un nouveau palier historique en terminant au-dessus des 15’000. Le S&P500 a battu son 50ème record de l’année et on ne se souvient même plus pourquoi on avait baissé la semaine dernière.

Même Xi-Jinping à l’air capitaliste à nouveau (tout d’un coup)

Donc voilà, toutes les craintes de la semaine dernière sont oubliées. La Chine n’est plus un problème. Le ralentissement potentiel est toujours là, je n’ai lu nulle part que les ports chinois avaient rouvert et que le prix des containers était en chute libre pendant que des centaines de bateaux avaient pris la mer pour aller charger des cargaisons de semi-conducteurs pour palier au shortage mondial. Je n’ai pas entendu dire que Xi-Jinping allait lancer des élections démocratiques en Chine et qu’il relâchait la pression sur les sociétés de son pays. Les chiffres que l’on nous donne au niveau des contaminations sont toujours en augmentation verticale et les hôpitaux sont bientôt presque débordés (c’est ce qui se dit dans les arcanes du pouvoir là où vous n’y êtes pas) et pourtant, les indices montent, montent et montent encore.

Evidemment, parce que plus ça va mal, moins il y a de chance que l’on arrête de nous soutenir économiquement, que les banques centrales nous lâchent et nous laissent nous débrouiller tout seul. Enfin, reste plus qu’à que Powell le confirme ce vendredi en nous disant que jamais il n’a eu l’intention ne serait-ce que d’envisager une ébauche de discussion au sujet du tapering dans les 189 prochains mois, à moins, bien sûr, que le COVID soit éradiqué à 112% dans les 4 mois qui viennent. Et puis en plus, les chiffres du trimestre se terminent et on se demande bien comment on pourrait ne PAS monter alors que sur les 90% des sociétés américaines qui ont publié leurs chiffres trimestriels, 94.7% ont montré qu’elles étaient en croissance sur les 12 derniers mois. On se demande même bien ce qu’ont pu foutre les 5.3% restant pour ne pas y arriver. J’en arrive à me demander ce qui se serait passé si le COVID n’existait pas. Je ne suis pas loin de penser que les marchés ne se comporteraient pas aussi bien si la pandémie n’avait pas existé.

Bon, faut pas le dire trop fort, parce qu’ils sont capables de nous inventer un « variant Nasdaq » juste pour acquérir le soutien définitif et permanent des banques centrales.

En résumé

En résumé, tant que tout va mal, tout ira bien du côté des bourses mondiales qui semblent immunisées définitivement contre la moindre nouvelle négative, vu qu’elle forcera (la nouvelle négative), Powell à nous soutenir. Confirmation viendra vendredi. La Chine n’est plus un problème, d’ailleurs Cathie Wood vient de racheter une montagne de titres comme Alibaba, JD.com ou Tencent. Elle avait tout viré de ses portefeuilles fin juillet quand le leader maximo chinois avait commencé à tirer à balles réelles sur les sociétés de son pays. Il n’est nulle part mentionné qu’il a terminé son opération « reprise de pouvoir », mais il semblerait que Cathie Wood a dû lire dans un biscuit chinois lors de son dernier repas que « c’était bon et qu’elle pouvait y aller ». Même le pétrole remonte. La semaine dernière il était à la rue parce que PLUS PERSONNE n’allait consommer du pétrole, mais depuis que l’on SAIT que Powell va nous aider vendredi, tout va mieux et on est au bord de l’euphorie. Le baril s’échange à 67.20$ et encore, ce matin il est en repli.

Alors vous, je ne sais pas, mais moi je me sens comme à Disneyland. Tout à l’air d’aller tellement bien sur les bourses mondiales que je me sens immunisé contre tout. La seule chose qui me fait peur, c’est si Powell nous annonce vendredi que le tapering va commencer lundi prochain. On n’est pas prêt pour ça. Mais en même temps, s’il fait ça, il y a bien des chances qu’il finisse comme Kennedy à l’arrière d’un cabriolet avec une balle dans la tête. Ça devrait donc bien se passer. La question est donc de savoir si le S&P500 va à 5’000 avant Noël ou avant le 31 janvier 2022 ???

En Asie

Ce matin en Asie on est en mode attentiste, les indices s’accrochent à la paroi pour ne pas retomber dans leurs vieux travers baissiers. Le Nikkei a une sale gueule techniquement et cela sans compter qu’il est en train de nous dessiner une majestueuse Death Cross – signal technique qui laisse entendre que la tendance pourrait être bien pourrie à l’avenir. Et en Chine on semble vouloir tenir le coup après les rebonds massifs de ces deux derniers jours.

L’or semble revenir en odeur de sainteté. Même si ces dernières 24 heures n’ont pas non plus vu arriver des centaines de personnes avec des camions aux portes des banques pour acheter de l’or et le stocker au fond du jardin, l’once a gentiment repris une configuration technique un peu plus intéressante. On n’est pas encore en mode crypto-monnaie, mais on a quand même l’impression qu’il y a un truc qui est en train de se passer. En parlant de crypto, on notera que les 50’000 sur le Bitcoin n’auront pas tenu longtemps. Ce matin nous sommes de retour dans la zone des 48’000, mais ça n’est pas grave, parce que tous les EXPERTS, sans exception, pensent que l’on fait juste une pause avant de repartir en direction des 100’000$ promis pour Noël. Alors si vous n’avez pas encore vendu votre grand-mère ou votre chien pour acheter des cryptos, il n’est pas trop tard.

Nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour, on a toujours Biden et l’Afghanistan qui continuent de faire les premières pages. Même si tout le monde à l’air de s’en tamponner massivement. Chez Goldman Sachs on exige que les employés soient vaccinés et que les clients aussi. On parle des chiffres du COVID qui sont horribles un peu partout, mais je les soupçonne de garder simplement la pression sur Powell jusqu’à vendredi. Et puis autrement, c’est à nouveau le délire sur les « meme stocks » comme AMC et GameStop qui ont à nouveau pété les plombs et le grand cirque du n’importe quoi a recommencé de plus belle, toujours farouchement ancré sur les fondamentaux.

Et pour le reste, je crois que les 48 prochaines heures pourraient être très longues et ennuyantes, mais on peut faire confiance au monde merveilleux de la finance pour trouver de quoi nous occuper en attendant le plus grand live de l’histoire du streaming qui aura lieu dans les bureaux de la FED vendredi.

Les chiffres du jour

Au chapitre chiffres économiques, nous aurons l’IFO en Allemagne, les Durables Goods aux States et les inventaires pétroliers en fin de journée. Pour le moment les futures sont légèrement en baisse, mais alors très légèrement et on a l’impression que nous sommes comme figés dans le temps. On a l’air d’attendre un truc, mais quoi ?

Passez une très belle journée et on se retrouve vendredi pour conclure la semaine et tergiverser sur ce que Powell va dire. Mais rassurez-vous, la semaine prochaine, on ne parlera que des chiffres de l’emploi et ce que la FED pourrait en faire. Ou pas. Ça nous changera de discours et on aura sûrement une autre théorie à se mettre sous la dent.

Thomas Veillet

Investir.ch

 

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Mark Twain