Les défenseurs d’un certain mode de vie (consommer) prônent les bienfaits de la technologie pour sauver notre planète. Mais savons-nous si nous pouvons nous fier à ce que d’aucuns nomment le «numérique soutenable»?
La pollution numérique
Un article de Greenpeace souligne que «la pollution numérique désigne toutes les formes de pollution engendrées par les nouvelles technologie». L’essentiel de cette pollution a lieu lors de la fabrication du matériel.
Le livre de Guillaume Pitron, La guerre des métaux rares, nous apprend que la plupart des applications technologiques telles que les panneaux photovoltaïques, éoliennes, véhicules électriques ou objets connectés utilisent des métaux rares. Leur production repose sur des activités hautement polluantes et comporte à la fois une forte génération de gaz à effet de serre mais aussi des répercussions sanitaires sur les populations locales. Comme si cela ne suffisait pas, le recyclage ajoute une pierre à l’édifice.
Le réseau internet n’est pas plus innocent qu’un véhicule électrique ou qu’un téléphone portable. Par exemple le streaming vidéo représente 60% des flux de données sur internet et un film peut «peser» 300’000 fois plus qu’un email sans pièce-jointe. Selon The Shift Project, la consommation de streaming vidéo émettrait environ 1% des émissions mondiales de CO₂
Les semiconducteurs (l’exemple de TSMC)
L’industrie des biens technologiques n’échappe pas aux semiconducteurs. Avant, les acteurs les plus gourmands en semiconducteurs étaient les ordinateurs grands ou petits. De nos jours, une multitude d’objets nécessite ces puces. Même les fabricants de voitures en utilisent et se retrouvent démunis face à la pénurie de ce composant. GM a arrêté la production dans plusieurs de ses usines nord-américaines ce mois-ci, tandis que Toyota a déclaré qu’il réduirait sa production automobile de 40% en septembre.
Revenons à l’industrie des semiconducteurs et à Taiwan Semiconductors Manufacturing en particulier. TSMC détient 51,6% du marché de la fonderie mondial et représente aussi presque 12% du PIB taiwanais. Pourquoi cette entreprise fait partie de celles qui polluent? Parce que la fabrication de puces nécessite d’énormes quantités d’énergie et d’eau – une usine de fabrication de puces, ou fab, peut utiliser des millions de litres d’eau par jour – et produit des déchets dangereux.
Un article du Guardian signale que la consommation d’énergie représente 62% des émissions de TSMC selon une porte-parole de l’entreprise, Nina Kao. L’année dernière, la société a signé un accord de 20 ans avec l’entreprise énergétique danoise Ørsted, achetant toute l’énergie d’un parc éolien offshore de 920 mégawatts qu’Ørsted construit dans le détroit de Taïwan.
Cette entreprise rejette aussi une quantité importante de gaz à effet de serre car son processus de fabrication comporte l’utilisation de plusieurs types de gaz pour graver des motifs sur la surface en silicium. Ce processus est très difficile à modifier une fois que la fabrique est en service. Comme il faut 4 à 5 ans pour trouver la bonne «recette» de fabrication il est peu probable qu’elle soit modifiée rapidement.
L’impact du numérique
Solange Ghernaouti, spécialiste en cybersécurité à l’Université de Lausanne donne une vision assez claire de l’impact numérique global dans un article publié par le magazine de l’université. Par exemple, si nous regardons les objets connectés dont la croissance est exponentielle les chiffres sont hallucinants.
Ils étaient de 19 milliards en 2019 et devraient passer à près de 50 milliards en 2025. Les télévisions numériques sont aussi de la partie avec une projection de 1,2 milliards de postes en 2025. A cela s’ajoutent la blockchain, la 5G et les satellites. Alors que faire?
L’experte considère qu’avec le solutionisme technologique, «il y a peu d’anticipation et de vision à long terme». Il faudrait donc imaginer une écologie du numérique.
Conclusion
Toute la chaine de production, de l’extraction des métaux rares aux produits finis (et aussi au recyclage) en passant par la fabrication des composants (semiconducteurs) engendre de la pollution et donc augmente l’empreinte carbone et les émissions à effet de serre.
Se déplacer en voiture électrique, utiliser son smartphone à tout va et habiter une maison connectée ne résoudra pas le problème de sauver la planète. Les effets de ce type de consommation numérique n’amélioreront ni la condition des populations des pays en voie de développement ni celle des habitants des pays «riches».
La technologie n’est pas un remède universel pour nous sauver de tous les maux.
Un petit dernier pour la route
Mais soyons cyniques. En analysant les positions de 108 fonds labelisés ESG, nous constatons que les valeurs technologiques occupent bien le terrain. Parmi les 15 sociétés américaines les plus représentées, 5 font partie du secteur technologique et, concernant les sociétés asiatiques, 6 en font partie. Seule l’Europe échappe à la règle car l’univers des valeurs technologiques y est presque inexistant.
Les titres du secteur auront pour le moins le mérite de la représentation et aussi, pour l’instant, l’attrait de la performance. Vive l’investissement et… au diable le reste?