Il y a 48 heures de cela, Madame Brainard – future numéro deux de la FED lorsque les politiciens américains l’auront nommée – nous avait rappelé qu’il fallait encore réduire la taille du bilan de la FED. On n’avait pas trop aimé. Hier les Minutes du FOMC Meeting nous ont fait comprendre que les paroles de Madame Brainard étaient en fait une concertation globale de la FED et que – visiblement – ils ne savent plus quoi faire pour freiner l’inflation qui commence franchement à devenir un problème presque aussi envahissant que King-Kong lorsqu’il a débarqué à New York.

L’Audio du 7 avril 2022

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Les minutes qui semblent des heures

Comme à chaque fois que la FED nous publie ses fameuses Minutes, je suis bluffé par la capacité du marché à analyser ça à la vitesse de la lumière. C’était surtout vrai hier, puisqu’il y avait quand même un paquet de choses à analyser.

Tout d’abord les taux.

En relisant attentivement la prose de la banque centrale, on a rapidement compris que les gars sont en plein valse à deux temps. D’un côté, ils veulent à tout prix freiner l’inflation qui est de plus en plus hors de contrôle et qui ne semble pas vouloir s’arrêter – sans compter que ça n’est pas en collant des séries de sanctions à la Russie toutes les 72 heures que ça va la calmer (c’est pas moi qui le dit, c’est Yellen) – pour ce faire, ils savent qu’ils vont devoir frapper fort au niveau des taux. Non seulement fort mais aussi très vite, parce que pendant ce temps, l’inflation n’attend pas. Mais de l’autre côté, ils ont montré qu’ils avaient pas mal hésité à monter directement les taux de 0.5% lors du meeting du mois de mars, pourtant ils n’ont pas osé. La trouille sans doute. La trouille que le marché le prenne mal.

Mais du coup, on a bien compris que la hausse de 0.5%, on va l’avoir au mois de mai. À moins que l’inflation descende de 5% pendant les vacances de Pâques – cependant, on sait bien que même si l’on va à Rome avec les cloches et qu’on fait le retour avec le lapin de Pâques et qu’on lui demande très gentiment, ça va être compliqué quand même.

Ce qu’il faudra donc retenir des Minutes de la FED par rapport aux taux, c’est que Powell et ses amis savent que maintenant, ils n’ont plus le choix et qu’ils vont devoir frapper vite et fort au risque de perdre le peu de contrôle qu’il leur reste. Et encore, c’est même pas sûr que ça suffise. Je ne suis pas psychologue et encore moins psychiatre, mais j’ai un peu l’impression que la FED est encore dans le déni et qu’ils sont au bord de la crise d’angoisse. Ça a l’odeur de la panique, le goût de la panique, ça ressemble à de la panique, il se pourrait bien que ça soit de la panique.

Et puis y a le bilan

Ensuite, en plus des taux, il y a bien sûr la réduction de la taille du bilan. On est 9’000 milliards et ça serait bien si on pouvait le réduire de 6 ou 7000 milliards. Il y a quelques années, entre 2017 et 2019, on avait mis 2 ans pour réduire le bilan de 600 milliards et ensuite la FED avait dû ressortir l’artillerie lourde pour éviter le krach boursier à cause d’un pangolin qui avait fricoté avec une chauve-souris dans un jacuzzi. Autant dire que la tâche ne va pas être simple. Hier soir, on a pu lire que la FED comptait réduire le bilan de 95 milliards par mois. Pas besoin d’avoir fait physique nucléaire pour comprendre que ça va prendre du temps – ça va prendre du temps, mais en plus on ne sait pas trop quand est-ce qu’ils vont s’y mettre, bien qu’il y ait un faisceau d’indices assez fou qui laisse à penser que c’est pour le mois prochain.

En conclusion de l’analyse de ces Minutes et si l’on devait résumer la chose, on a l’impression que la FED sont en train de se rejouer « Butch Cassidy et Sundance Kid », qu’ils sont face à l’inflation qui est armée jusqu’aux dents et qui est très très motivée et que du côté de la FED ; il ne leur reste que trois balles et une grenade factice qui fait briquet quand on appuie sur le bouton. Va falloir bosser sérieusement sur le scénario pour que l’on ait un final hollywoodien où ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfant.

Et pour résumer encore plus : Powell doit sentir la panique monter parce que la seule chose qu’il contrôle encore, c’est sa vessie. Et encore, c’est même pas sûr.

Tout le monde a un avis sur tout, mais surtout, tout le monde a un avis

Dans la foulée de ces Minutes, on a bien senti que le niveau d’angoisse était monté de deux crans sur l’échelle des Krachs selon Roubini. On a donc tout entendu du côté des gourous, mais étonnement, rien du côté de Roubini. J’ouvre les paris et j’annonce qu’il va nous torcher une étude qui sortira durant le week-end. On refait le point lundi matin. Si on n’a pas eu Roubini, on a eu Dudley, ex-boss de la FED de New York, qui estime que la FED doit être plus agressive et choquer le marché pour lui faire mal. Au début de son discours, on ne voyait pas très bien ce qu’il voulait dire par là. Mais au fur et à mesure qu’il crachait son venin, on a compris qu’il voulait que le marché se pète la figure parce que les Américains ne cesseront pas de consommer tant que les bourses vont bien, puisque la plupart de leur argent est à Wall Street.

Monsieur Dudley part donc du principe que pour ralentir la consommation débridée qui a actuellement lieu aux States, il faut monter les taux massivement pour empêcher les gens qui n’ont pas d’argent d’emprunter pour consommer ET ensuite, créer un krach boursier pour faire peur à ceux qui ont encore de l’argent pour consommer. Expliqué comme ça, ça à l’air plutôt clair. J’ai un peu l’impression que sa méthode de lutte contre l’inflation est radicale et il ne va pas se faire des amis, mais comme disait Gordon Gekko : « Dans la finance, si tu veux te faire des amis ; achète un chien ».

La fin des banques centrales arrangeantes

En conclusion de tout cela, on a bien compris que la FED n’était plus notre amie et tant qu’elle n’aura pas réussi à couper la tête à l’hydre de l’inflation et que les Avengers ne sont pas intervenus, il ne va pas trop falloir compter sur elle pour nous sauver les miches en cas de correction, ou même de krach boursier. En tous les cas, pour le moment les graphiques pointent tous vers le sud et les belles intentions bullishs misent en place depuis le 14 mars semblent déjà être remises en question. Le Nasdaq est en plongée, le SOX, malgré son rebond de 20% sur les derniers jours de mars, a déjà reperdu les trois-quarts et les indices européens sont en pleine dépression, dans des tendances baissières bien affirmées alors qu’ils n’ont même pas réussi à s’en sortir quand tout remontait.

Ce matin en Asie tout est dans le rouge et les Chinois doivent regretter d’être revenus de vacances. Shanghai recule de 1%, Hong-Kong de 1.3% et le Japon abandonne 1.5%, pas besoin de chercher des raisons bien loin, le ton « hawkish » de la FED est responsable de tous les maux actuellement. L’or est à 1924$ et on ne cherche toujours pas refuge à ses côtés et le pétrole est revenu sous les 100$ parce que tous les pays civilisés veulent faire comme Grand Papa Biden et ouvrent le robinet des réserves stratégiques. Actuellement le baril de WTI est à 97.57$. On préférerait qu’il soit à 57.97$, mais ça n’est a priori pas pour cette semaine. Le Bitcoin est bien revenu sur les 43’000 et si je devais pinailler, je le verrais bien perdre encore 1’500$, histoire de se poser sur la moyenne des 50 jours et repartir à l’assaut des 100’000$. Oui, parce qu’un jour – à Noël – le Bitcoin ira à 100’000$. C’est les experts qui l’ont dit. Heureusement que ça n’est pas les mêmes experts qui disaient que l’inflation était sous contrôle.

Nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour, on notera que Yellen a très peur de ce que les sanctions contre la Russie pourraient faire à l’économie mondiale. À propos de sanctions, les pays qui se rangent derrière les Américains mettent en place de nouvelles décisions qui visent les riches russes de l’étranger y compris les filles de Poutine. D’ailleurs on retiendra que plusieurs influenceuses russes sont outrées parce que Chanel et Vuitton refusent de leur vendre des sacs à main à Dubaï, sous prétexte qu’elles sont Russes. Mais que fait la chaine du bonheur ??? Nabilla peut rien faire pour aider ses collègues ?

En France, une enquête a été ouverte dans l’affaire McKinsey et ça se rapproche un peu trop de Macron. Il est vrai que l’on peut se demander comment un gouvernement qui paie des hauts-fonctionnaires pour faire un boulot, peut engager des guignols d’un cabinet d’audit qui sont experts en powerpoint pour faire le boulot à leur place. Remplacer un nuisible inutile par un inutile nuisible ne semble pas faire grand sens, un peu à l’image du quinquennat du roi de Macronie. Dans un tout autre sujet, l’ancien patron de la division Investment Banking du Crédit Suisse qui s’est fait virer il y a quelques mois à cause de l’affaire Archegos, vient de se faire inculper de harcèlement sexuel. Une affaire qui a eu lieu alors qu’il était encore en poste. On voit que le mec il était vraiment occupé. Je ne dirais rien sur le fait que le Crédit Suisse est à nouveau indirectement en première page du FT. À leur décharge, en ce moment, mis à part les taux, l’inflation, les banques centrales, la guerre en Ukraine et le take-over de Musk sur Twitter, il n’y pas grand-chose à dire…

Et puis, histoire de pimenter le début du printemps, l’Angleterre vient de découvrir un nouveau variant COVID qui s’appelle Omicron XE. Il semblerait que l’on ait perdu la main pour trouver des noms de variants sympas. Avant on avait Delta et Omicron, maintenant on a des BA.1, BA.2 et XE … On dirait les noms des enfants d’Elon Musk mis bout à bout… Bref, ce nouveau variant est un cocktail des précédents et on ne sait pas s’il est fait au shaker ou à la cuillère. 637 personnes sont infectées et aucune n’est morte. Pas encore de raison de confiner tout le monde, mais assez pour en parler sur CNBC.

Chiffres du jour

Côté chiffres du jour, on aura les Minutes de la BCE cette fois et puis les Jobless Claims. Pour le moment les futures sont dans le rouge et ça empire de minute en minute depuis que je suis levé. Et je suis levé depuis tellement longtemps que je ne sais même plus si je me suis couché hier soir.

Je vous souhaite une très bonne journée, un excellent café, un fabuleux bircher comme dans les hôtels de Zermatt avant d’aller skier et un très bon croissant, comme quand on avait encore de la farine pour faire des croissants. On se voit demain à la même heure pour une chronique en direct du TGV pour Paris.

Que la force soit avec vous et que le Lapin de Pâques vienne.

Thomas Veillet
Investir.ch

« The road to success and the road to failure are almost exactly the same. » -Colin R. Davis