Je dois dire que parfois, même en prenant tout le recul nécessaire et étant aussi objectif que possible, je suis toujours autant sidéré de voir comment le monde merveilleux de la finance est complètement con dans ses réactions – on a vraiment l’impression que les automatismes électroniques prennent le dessus sur la moindre analyse de base, la moindre réflexion sur ce que l’on savait ne compte plus. Les systèmes entendent « hausse des taux » et on devient complètement débile. C’est à faire peur. Peut-être qu’il faudrait interdire à Powell de parler ou alors le faire quand les marchés sont fermés. Une fois par année. Entre Noël et Nouvel An, ça me semble amplement suffisant.

L’Audio du 22 avril 2022

Télécharger le podcast

À boire et à manger, mais surtout à se secouer la tête pour égaliser le sable

Lorsque je me suis levé ce matin ou plutôt ; au milieu de la nuit. Je n’en n’ai pas tout de suite cru mes yeux. Lorsque j’ai vu la tronche des indices américains, je me suis dit qu’il avait dû se passer un truc de grave. Une mauvaise nouvelle comme Netflix cette semaine ou alors que Biden avait fait un AVC, un truc du genre. Après je me suis calmé et je me suis rendu compte que ça ne pouvait pas être Biden, vu qu’il est déjà pratiquement en permanence en train de faire des AVC que ça ne surprendrait plus personne.

Restait alors le risque potentiel d’avoir vu une société publier des résultats pourris. Il y avait bien Xerox qui a foiré son trimestre et qui mettait la faute sur la guerre en Ukraine et le shortage des composants électroniques – ils ont réussi à réutiliser l’excuse du trimestre dernier (le shortage des composants) et l’excuse de ce trimestre (la guerre en Ukraine), ce qui voulait donc dire que les chiffres étaient vraiment très mauvais. Le titre perdait 15% sur la nouvelle. Mais ce ne pouvait pas venir de là, car personne n’aurait eu l’idée d’acheter des actions Xerox en 2022  – en tous les cas pas suffisamment pour faire plonger les indices. Et puis le reste des chiffres étaient plutôt encourageants – chez American Airlines par exemple, on retrouvait le sourire avec les trimestriels et une guidance positive. Il faut dire que le fait d’avoir enlevé le masque, facilitait le retour du sourire.

Ça ne pouvait donc pas venir des chiffres trimestriels, puisque qu’actuellement seulement 20% du S&P500 a publié et que 80% sont en-dessus des attentes. Restait alors peut-être l’Europe.

Le Vieux Continent insensible à la peur

Mais là aussi, ça ne tenait pas debout puisque les indices terminaient généralement en hausse, malgré les commentaires déprimants offerts par la Banque Mondiale et la Banque Centrale Européenne. Le DAX parvenait même à terminer la séance en cassant sa tendance baissière dans laquelle il est inscrit depuis le début de l’année. Pourtant la Banque Mondiale nous avait mis en garde contre une crise alimentaire majeure à venir – crise qui serait bien sûr causée par la guerre russo-ukrainienne. Selon les médias, la nouvelle a « heurté le sentiment des investisseurs », mais ça n’a pas suffi pour faire baisser le marché. J’aurais donc dû attendre ma 51ème année pour savoir que les bourses mondiales n’en n’ont strictement rien à foutre de ne plus avoir à manger, mais par contre elles ont très peur si on nous dit que le rendement du 10 ans américain va passer au-dessus des 3%.

Même les commentaires de Monsieur Luis de Guindos qui se montrait favorable à la fin des rachats obligataires pour le mois de juillet, ouvrant donc logiquement la porte à un nouveau cycle de hausse des taux en septembre du côté de la BCE. Il faut dire que Monsieur Luis de Guindos c’est pas n’importe qui. C’est le Vice-Président de la Banque Centrale Européenne, c’est l’éminence grise de Madame Lagarde, après avoir été celle de Draghi. Il connaît du monde et il sait ce qu’il fait puisqu’il était directeur exécutif chez Lehman Brothers, quand Lehman Brothers a fait faillite. Donc lui, c’est le premier à se montrer vraiment « hawkish » pour la BCE et on sent poindre un début de panique à Bruxelles, alors que de plus en plus de voix s’élèvent pour dire que l’on est en train de se mettre en retard et que l’inflation nous marche sur les pieds.

Mais même cette nouvelle plutôt négative pour les actions n’entamait pas la bonne humeur en Europe. Il faut tout de même dire que l’investisseur 5.0 de 2022 est supérieurement intelligent et a compris depuis bien longtemps que si la BCE veut lutter contre l’inflation, c’est POSITIF, même si cela doit induire une hausse des taux qui est traditionnellement négative pour les actions – l’investisseur 5.0 de 2022 sait jouer avec un coup d’avance et anticiper les déclarations des banques centrales. Mais alors nom de bleu de non de bleu, qu’est-ce qui a bien pu faire baisser les indices américains et grimper le 10 ans et grimper à 2.96% ???

Et la lumière fut !

Finalement après des heures de recherche, d’analyse fondamentale et après avoir recouvert un tableau noir de 8 mètres sur 4 avec des formules mathématiques que même Einstein n’aurait pas comprises : la lumière fut ! Suis-je bête ! Comment ai-je pu être aussi idiot ? Bon sang mais c’était bien sûr :

Hier soir Jerome Powell il a parlé !!!

Et il a même parlé deux fois hier. Une fois pour ne rien dire, c’est vrai, mais l’autre c’était pour dire qu’il pensait que les conditions étaient réunies pour se montrer un peu plus agressif du côté des taux. Il a ajouté que l’inflation pourrait avoir fait son pic en mars, mais qu’honnêtement, ils n’en savaient foutrement rien – déclaration assez admirable s’il en est, surtout de la part d’un mec qui nous a vendu que tout était sous contrôle et qu’il savait exactement où allait l’inflation. Et ce, pendant des mois.

Le marché n’a donc pas compris le double le langage, mais à la seconde fois où il a dit que “So it is appropriate, in my view, to be moving a little more quickly,” (Il est donc approprié, à mon avis, d’agir un peu plus rapidement), on a compris !!! En fait il voulait dire que lors du prochain meeting de la FED ; il était prêt à monter les taux de 0.5% d’un coup d’un seul. Comme ça, juste pour voir si ça faisait quelque chose à l’inflation !!!

L’interprétation, Charles, l’interprétation

La suite ne fût qu’une question d’interprétation. Et nous, dans le monde merveilleux de la finance, on est super-fort en interprétation. Non, parce que là, ce matin, on va être très franc : QUI DANS CE BAS MONDE NE SAVAIT PAS QUE LA PROBABILITÉ QUE LA FED MONTE LES TAUX DE 0.5% AU MOIS DE MAI ÉTAIT PROCHE DE 143% ???

HEIN ? QUI ?????

Soyons honnête ça fait au moins 6 semaines que l’on ne parle que de ça, que tout le monde a intégré le fait que la FED allait monter de 0.5% en mai. C’est un peu moins évident en juin et en juillet, mais tant que le CPI joue avec les 8.5%, on n’a pas le choix. C’était un truc que tout le monde savait !!! Même moi j’en ai parlé dans mes chroniques et sur YouTube !!! Et là, hier, Powell nous glisse une phrase à l’oreille et BAM !!!! Le 10 ans part à 2.96%, le Nasdaq se reprend 2% dans la tronche, le SOX repart tester ses supports. Quant au S&P500, ça n’était guère mieux.

La mémoire d’un banc de poissons rouges

Je dois dire que je reste abasourdi du sell-off d’hier soir à New York. On utilise des arguments que l’on connaissait déjà pour nous remettre une couche. C’est surprenant. C’est surtout inquiétant au niveau notre capacité à se souvenir de l’information. On a l’impression que l’on a greffé le cerveau de Biden au monde de l’investissement et que l’on serait capable d’être choqué en revoyant le film Titanic, parce que le bateau, il coule à la fin.

Donc. Hier on s’est pris une douche froide à New York, ce matin les futures sont en baisse de 0.45%, le Japon plonge de près de 2%, Hong Kong de 1% et la Chine s’en fout, ils sont confinés. Et tout ça parce que, comme disent les médias financiers : « La FED intensifie son combat contre l’inflation » !!! NON, mais arrêtez d’être stupides ! On sait depuis des mois que la FED va DEVOIR monter les taux plus agressivement, tous les Présidents de la FED de tous les États-Unis, de France et de Navarre sont passés à la télé depuis deux mois pour le dire. Certains ont été plus agressifs que d’autres, mais TOUT LE MONDE LE SAIT DEPUIS DES SEMAINES !!!!!!!

Et là y a Powell qui se pointe qui nous dit que tout corps plongé dans l’eau et qui n’est pas remonté au bout de 5 minutes est considéré comme foutu et tout le monde sort en courant du bureau en hurlant : OH MY GOD, OH M GOD ! Et y en n’a pas un pour calmer l’autre en disant :

« Euh, mais on le savait déjà, non ??? »

En fait on est train de réutiliser les mêmes infos que l’on a déjà entendues pour voir si ça fait le même effet sur les bourses mondiales. J’ai l’impression qu’on est dans un gigantesque laboratoire et qu’il y a des savants qui font des expériences sur les bourses mondiales, comme nous on fait sur les souris. Sauf que les souris, elles, elles apprennent. Elles évoluent. Nous, on régresse.

Nouvelles du jour

Dans la foulée de Powell et de notre « prise de conscience », tout le monde s’émerveille du rendement du 10 ans, le pétrole est toujours autour des 103$, la Russie exporte de plus en plus de barils pour des destinations inconnues – on dirait presqu’il y a des petits malins qui contournent l’embargo, mais ça paraît peu probable que des gens mal intentionnés utilisent l’embargo pour faire du pognon. L’or ne fait rien – toujours – le Bitcoin traîne autour des 40’000$ et est presque aussi dynamique qu’un moteur HDI de 110 chevaux monté sur une Peugeot de deux tonnes.

Elon Musk/Twitter

Autrement, Elon Musk a trouvé le pognon pour financer le rachat de Twitter, ça lui coûtera 1 milliard d’intérêts par année. Twitter n’est toujours pas d’accord et Musk a dit que si ça ne se faisait pas, il devrait reconsidérer son investissement. Autant dire que si ça ne se fait pas, on va avoir une correction à la Netflix. D’ailleurs à propos de Netflix, on entend pas mal de gens qui savaient que Netflix allait baisser et qui pensent que maintenant, ça va baisser encore plus. Il y a plein d’experts qui disent que Netflix va perdre encore 50%, que c’est un coup sûr et que le Streaming c’est has been et que c’est quand même vachement plus sympa d’aller boire des verres dans les bars, plutôt que de faire du Binge-Watching.

Yellen fait la leçon

Dans la série du « streaming c’est de la daube », WarnerMedia vient d’annoncer la fermeture de CNN+, la division streaming ferme après un mois d’exploitation. On attend l’excuse de la guerre en Ukraine, mais ils ne l’ont pas encore sortie. SNAP a publié des chiffres légèrement en-dessous des attentes, mais le titre montait quand même after close, parce que la croissance des utilisateurs était bonne, probablement ceux qui se sont barrés de chez Netflix et qui s’ennuient. Et puis on notera que Yellen a demandé aux Européens d’être prudents avec les sanctions contre la Russie, oui parce que comme les Américains y vont comme des bourrins, il faudrait pas que les sanctions européennes viennent faire monter le pétrole trop fort – sachant que le sondages favorables à Papy Biden sont pas top, ça serait mal vu de faire monter encore le gallon. Elle est vraiment extraordinaire Madame Yellen. Depuis qu’elle est revenue comme Secrétaire du Trésor, on se demande vraiment à quoi elle sert.

Chiffres du jour

Aujourd’hui, c’est la journée de PMI’s un peu partout dans le monde, il y aura les chiffres trimestriels de Verizon, SAP, Schlumberger, American Express et Newmont. Mais on sera surtout concentré sur la digestion de l’annonce de Powell qui va sûrement monter les taux de 0.5% dans 10 jours. Ensuite on s’occupera du fait que l’on vient d’apprendre récemment que si l’on s’arrose d’essence et que l’on allume une cigarette, il se pourrait que ça soit dangereux pour la santé, même plus que la cigarette elle-même. Mais c’est pas certain, on doit encore faire des tests.

Allez. Moi je vous souhaite un excellent week-end, un très bon vendredi et je me réjouis de vous retrouver pour fêter la victoire de Manu et de sa grand-maman qui vont pouvoir continuer à prendre tous les Français pour des cons pendant encore 5 ans de plus !!!

À lundi !

Thomas Veillet

Investir.ch

« You can’t build a reputation on what you’re going to do”.

Henry Ford