La journée avait commencé comme un jeudi. Comme un mauvais jeudi où on se serait pris une claque sur les bourses mondiales. Tout était dans le rouge, on creusait, on déprimait, on envisageait presque d’aller faire pousser de la viande séchée dans le Cantal. Les marchés européens ont vécu une mauvaise journée et les Ricains nous ont même donné raison toute la journée. Enfin, tout NÔTRE journée, parce qu’une fois qu’on en a eu marre et qu’on est rentré à la maison… Vous connaissez la suite. Comme un air de déjà vu…

L’Audio du 8 avril 2022

Télécharger le podcast

Les mêmes raisons, mais différentes

Donc l’Europe s’est encore prise une secouée. Oh, pour baisser on n’a pas été chercher loin ; On s’inquiète de la suite des évènements et en Europe on a toujours de la peine à digérer la guerre en Ukraine qui s’enlise sans espoir de paix… Et puis on flippe pour l’inflation, les taux et les décisions à venir des banques centrales. Sans compter que l’on est en train de se rendre compte que l’inflation ça existe AUSSI en Europe et que la BCE à l’air dans le coma, sans bouger un doigt en attendant un miracle.

Mais il est clair qu’avec les Minutes de la BCE qui ont été publiées hier – avec un succès nettement moindre que la version américaine – on commençait à se dire que ça n’allait pas durer encore longtemps comme ça et que Dame Lagarde allait quand même devoir agir aussi un de ces jours. Les commentaires des maîtres de la finance du vieux continent, laissaient clairement entendre qu’ils allaient agir cette année. Par contre c’est encore peu clair de savoir si ça ira vite ou si on aura un train de retard par rapport aux Américains – qui ne sont d’ailleurs pas « monstre » en avance.

Dépression saisonnière

Les bourses européennes étaient donc «down again», pour les mêmes raisons que la veille. Mais les Ricains nous ont fait un truc dont on a l’habitude : laisser fermer l’Europe en dépression avant de remonter pour terminer en légère hausse. On ne rend pas encore les armes à Wall Street bien que qu’on ne sache pas trop quelles sont les justifications pour le rebond. De prime abord, il y a deux raisons :

– La première c’est que l’on commence à digérer le fait que la FED va monter les taux de 0.5% à chaque meeting jusqu’à la fin de l’année. Et que c’est la seule solution pour avoir un faible espoir de péter la gueule à cette INFLATION de MERDE !!!!.. Pardon, je m’emporte. Mais c’est vrai qu’elle commence à nous gonfler.

Au passage on dira aussi que l’on digère aussi la réduction du bilan de la FED – il faut dire que l’on a un estomac en béton à Wall Street.

– La seconde c’est que l’on a appliqué une théorie financière hyper-pointue connue seulement de certains initiés qui ont été intronisés par les Dieux de la finance lors d’une cérémonie durant laquelle on sacrifie les analystes qui ont raté la troisième année du CFA, une théorie qui s’échange sous le manteau pour des fortunes en Bitcoins : la très célèbre théorie du BUY ZE DIP !!!
En gros on rachète sur faiblesse lorsque notre « feeling » de trader nous dit que l’on a déjà assez baissé. En général, c’est surtout du suçage de roue, puisque dès que « les gros caïds » de Wall Street ont commencé à acheter, tout le monde court derrière tel le caniche qui court derrière la voiture de sa maîtresse parce qu’elle a oublié de le faire monter sur le siège arrière.

Bref, hier on est remonté.

Le Pays des Ours

Pourtant et malgré le rebond et la clôture pas trop mal, on a l’impression que tous les bears sont de sortie.. Il faut dire que si l’on regarde les charts, ça ne donne pas envie.. L’Europe est à vomir, les USA sont en difficulté et les matières premières ne sont pas à l’abri de nous exploser à la figure sur les graphiques long termes. Techniquement on peut largement envisager un retest des plus bas que l’on a fait l’autre jour et c’est plus facile de tirer sur l’ambulance que de voir le verre à moitié plein.

Nous avons donc eu jeremy Grantham qui prédit une récession pour tout soudain… Bon, avant de partir en courant, je précise que les 3-4 dernières prédictions étaient aussi efficaces que les miennes sur les crypto-monnaies y a 3 ans… quand je pensais que c’était une bulle et que ça ne durerait pas. Et puis il y a Deutsche Bank qui pense que l’on se dirige vers un bear market en 2023 – en gros on parie sur une récession entre cet été et cet automne, on sait que le marché a encore la capacité de tenir ans six-neuf mois avant une récession et ensuite de s’effondrer. La Deutsche Bank met donc un top d’ici la fin de l’année avec un effondrement de plus de 20% en 2023 créant des opportunités d’achats massives..

Les gens sont formidables

Je trouve génial de voir que depuis 12 mois on a une vision à 24 heures (pour ceux qui font du long terme) et soudainement, on se lance dans des prévisions à 18 mois. Notez bien, depuis que la FED nous a annoncé son plan de marche à 3 ans, tous les analystes se sentent pousser des ailes en se disant : si la FED peut le faire, pourquoi pas nous. On n’est pas plus con qu’eux. Moins bien informés, mais pas plus cons.

Et puis tout ça, c’est sans compter les obsédés de l’inversion de la courbe des rendements qui ne lâchent rien et continuent de s’accrocher aux signaux de mort imminente de l’économie et des marchés boursiers dans le 69 mois suivants et les adeptes de la théorie de Dow qui voient des bears markets sans réfléchir plus loin.

En conclusion

En résumé, aux States on a limité la casse, mais on n’est pas encore sauvé. L’Europe est sous Xanax, tout le monde craint le pire. Le pétrole se maintient sous les 100$, ce qui est un soulagement, même si mon pompiste n’a visiblement pas les cours en live. L’or reprend 4 dollars, ce qui suffit aux journalistes du Barron’s pour dire que c’est une valeur refuge. Je leur suggère donc d’observer ce que 4$ représente en pourcentage sur un truc qui en vaut 1931$, ah non, 1930 maitenant.
Aujourd’hui, c’est vendredi et il n’y aura pas de chiffres économiques, pas de publication importante et plus que tout : les banquiers centraux vont se taire. Les futures sont inchangés et j’ai écrit cette chronique tellement tôt que le Japon n’est même pas encore ouvert.

Je m’en vais donc prendre le train, changer d’air et je me réjouis de vous retrouver lundi pour de nouvelles aventures que j’imagine passionnantes dans le monde merveilleux de la finance.

Bon week-end à tous et à lundi !

Thomas Veillet
Investir.ch

« The way to get started is to quit talking and begin doing. » -Walt Disney