Le marché continue de s’interroger et de s’auto-flageller en essayant de décider s'il a évalué toutes les hausses de taux imminentes, le soft landing ou la récession, l'inflation ou la stagflation, la Chine, l'Ukraine, les chaînes d'approvisionnement, peu importe. À chaque jour suffit sa peine et à chaque jour nous avons une nouvelle raison de paniquer ou de courir après les indices. Le résultat est un chaos quotidien, et il semble clair que la volatilité est gagnante sans que l’on aperçoive pour autant une quelconque lueur au bout du tunnel. Hier l’axe du mal passait par le profit warning de SNAP qui aura envoyé des signaux négatifs dans tout ce qui est technologie – de près ou de loin.

L’Audio du 25 mai 2022

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#SnapCrash

Les raisons pour vendre hier étaient nombreuses et variées. Non seulement nombreuses et variées, mais en plus elles se cumulent. En plus du massacre de Snapchat – qui aura tout de même perdu 43% – il y avait toutes une liste de choses qui n’allaient pas, plus des nouvelles, sans compter le fait que tout le monde a un avis et que pas un ne semble être encourageant la moindre pour la suite des évènements. Ou en tous les cas ; pas pour tout de suite. Et puis, au-delà du fait que tout baisse, nous sommes en train de nous rendre compte que nous sommes devenus nettement plus sensibles – et c’est rien de le dire – aux mauvaises nouvelles qu’aux bonnes.

Hier, une fois que nous eûmes largement compris que Snap avait contaminé tout le secteur technologique et qu’il était devenu un signal officiel plus qu’évident que le ralentissement économique était massif et important. Oui, parce que jusqu’à lundi matin, Snapchat n’était qu’un réseau social débile utilisé par des gens qui veulent utiliser plein de filtres complètement stupides pour agrémenter leurs selfies et occuper un peu leur temps libre, mais depuis LE FAMEUX PROFIT WARNING, c’est devenu LE SIGNAL, LE GUIDE, LE TRUC QUI INDIQUE L’AVENIR DE L’ÉCONOMIE. C’était assez phénoménal comme soudainement cette boîte est devenue le canari que l’on emmène au fond de la mine pour savoir quand il n’y a plus d’oxygène. Pour faire simple, hier le profit warning de Snap aura été considéré comme un profit warning pour quasiment tous les titres qui font de la tech – et quand je dis tech, c’est que si vous avez un seul pc dans une menuiserie industrielle ou que vous mettez des semi-conducteurs dans votre de ligne de fabrication de machines à café, vous êtes une tech.

#Verràmoitiévide

Tout ça pour dire qu’en plus de ce vent de panique, nous sommes également devenu hyper-sensibles aux mauvaises nouvelles. L’exemple le plus frappant d’hier, c’est les chiffres d’Abercrombie. Le fabricant de vêtement qui s’est fait connaître avec des mecs à torse nu dans leurs magasins a annoncé des chiffres tous pourris. Tout d’abord je ne savais même pas que ça existait encore et que des gens portaient encore ça. Et puis ensuite, ils ont expliqué que tout allait mal, de l’augmentation des coûts de production, en passant par la pression sur les marges. Le titre s’est fait démonter. Pas autant que SNAP, mais démonter de 30% quand même. Jusque-là, rien de surprenant. Là où c’est bien plus drôle, c’est que dans la foulée d’Abercrombie, nous avons également eu les chiffres de Best Buy qui étaient meilleurs que les attentes et ceux de Nordstrom qui étaient également meilleurs que les attentes, mais qui EN PLUS augmentaient leurs prévisions pour l’avenir.

Best Buy a terminé à peine en hausse et Nordstrom montait de 9% après la clôture – bien loin des 30% de baisse d’Abercrombie dans l’autre sens. Si l’on avait encore un doute sur le fait qu’il fallait vendre sur force à la place d’acheter sur faiblesse, je crois que c’est clair. La journée d’hier aura montré un Nasdaq qui terminait au fond du bac, accentuant sa baisse depuis le début de l’année à près de 28%. Le S&P500 s’est arrêté aux portes du Bear Market, ne laissant que très, très, mais alors très peu d’espoir sur le fait que l’on puisse éventuellement l’éviter. Le Dow Jones terminait en hausse, mais uniquement par principe – histoire de mettre un peu de vert dans cet Océan de rouge. Le pire dans tout ça, c’est qu’en plus des hausses de taux imminentes, du soft landing ou de la récession. De l’inflation ou de la stagflation, de la Chine, de l’Ukraine ou encore des chaînes d’approvisionnement, on avait même un petit nouveau qui foutait presque autant la trouille que de voir l’inflation exploser dans une période de croissance molle alors que Roubini annonce sa dernière publication : les chiffres de l’immobilier.

#Coupdefrein

En effet, hier on nous a annoncé les données concernant les ventes des maisons existantes aux États-Unis. Le chiffre était catastrophique. Tellement catastrophique que certains experts en immobilier n’ont pas hésité à dire que c’était une indication comme quoi l’inflation était à nos portes et que, si ça se trouve, elle était déjà rentrée dans la cuisine se servir une bière alors qu’on n’avait même entendu la sonnette à la porte d’entrée. Les ventes de logements neufs aux États-Unis ont donc ralenti massivement en avril pour atteindre de 591’000 ventes, soit une chute de 16,6 % par rapport aux 709’000 ventes de mars, selon les données publiées mardi. Les économistes s’attendaient à un chiffre de 750’000.

Inutile de dire que l’on s’est immédiatement posé la question du pourquoi du comment et que la réponse aura été unanime : la hausse des taux hypothécaires est en train de décourager les acheteurs et comme ça n’est que le début. Le début de la hausse des taux en général. On commence à craindre que tout cela puisse ralentir le business et faire rechuter les prix. Prix de l’immobilier qui sont en forte hausse depuis des mois. Encore un ralentissement supplémentaire à craindre dans une industrie que l’on espérait moins volatile que les marchés boursiers. Et pourtant.

#Ambiancepourrie

Autant dire que la journée n’aura pas été terrible. Ces dernières semaines, on a vécu des bains de sang bien plus intenses que la séance de ce mardi, mais l’accumulation de nuages noirs au-dessus de nos têtes laissent à penser que nous ne sommes même pas encore au milieu de la tempête. Lorsque je lis la presse financière de ce matin, je me dis qu’il n’y aura jamais assez de place dans cette chronique boursière pour relater tout ce qui ne va pas – individuellement ou globalement. On notera tout de même que toute l’Europe continuait de s’enfoncer, le DAX menaçant de revenir dans sa tendance baissière et le CAC40 qui clôturait sous les 6’300. Quant au SMI, il semble vouloir continuer à se battre sur son semblant de tendance haussière, mais ça n’est pas encore gagné. Loin de là.

Ailleurs la contagion de SNAP se faisait sentir un peu partout. D’abord dans le reste du secteur réseaux sociaux, puisque Facebook/Metaverse se prenait 7% dans la tronche, alors que Pinterest plongeait de plus de 20% – qu’il est loin le temps où la société devait se faire racheter à 80$. Et puis, il y avait aussi Twitter qui terminait au plus bas depuis que Musk a commencé à s’en mêler. En effet, le CEO de Tesla aurait un prix moyen d’achat supérieur au prix de clôture de Twitter qui se traitait à 35.76$ hier soir.

#Pasfacilelaboursequandçaveutpas

Son bénéfice d’un milliard sur sa participation actuelle de 9% se transformerait donc en perte de 40 millions. Alors oui, vous me direz que 40 millions, ce ne sont que des broutilles pour Musk qui s’allume des cigares avec des billets de 100 dollars, mais au bout d’un moment, ça doit quand même commencer à piquer, surtout lorsque l’on sait que Tesla est en baisse de 50% depuis les plus hauts, que le graphique montre une DEATH CROSS en formation (même si ça ne marche presque jamais, ça fait toujours très peur) et que tout le monde dit qu’il va devoir encore vendre des actions Tesla pour financer son caprice sur Twitter.

Musk qui vient d’ailleurs de passer SOUS LES 200 MILLIARDS de fortune suite à la déroute de ces derniers jours. Sans compter que je crois que rarement la presse n’aura été aussi mauvaise sur Tesla et la perte de confiance aussi grande. Manquerait plus que l’on apprenne que les voitures électriques, ça pollue plus que les moteurs diesel.

#Lesgouroussontpascontents

Comme vous le voyez, l’ambiance n’est pas rose, même si les chiffres de la séance d’hier ne sont pas si catastrophiques que ça. D’ailleurs il est frappant de voir combien de gourous étaient de sortie hier et ils ne sont pas venus pour rassurer, bien au contraire. Pour commencer nous avons eu Bill Ackman qui s’en prenait violemment à la FED et l’exhortait à se bouger les fesses face à l’inflation. Le Hedge Fund Manager estimait que tout ce qui se passait était la faute de la FED et que ça ne cesserait pas tant que Powell et ses amis n’auront pas restauré la confiance. Bonne chance à eux. Il y avait aussi Ray Dalio qui disait que posséder du cash n’était pas une bonne solution, mais posséder des actions ; c’était pire. Laissant supposer qu’il n’y a plus aucun endroit pour se cacher. Ou alors peut-être en investissant avec lui.

Chez Goldman Sachs, la stratégiste Vickie Chang pense que le marché arrêtera de baisser lorsque la FED se montrera moins « hawkish » et arrêtera de monter les taux. Autant dire que si elle a raison, on n’a pas fini de baisser. Et puis le plus encourageant et le plus motivant de tous, c’était George Soros qui a déclaré – lors d’un dîner avec toute l’équipe des clowns de Davos – que l’invasion de l’Ukraine par la Russie pourrait bien être le début de la troisième guerre mondiale et que notre civilisation pourrait bien ne pas y survivre. Voilà, c’est avec cette avalanche de commentaires encourageants que nous allons passer à la suite, histoire de voir comment ça se passe en Asie ce matin.

#Asiemêmepaspeur

Pour le moment les marchés de l’autre bout du monde ne s’en sortent pas trop mal. Le Japon ne fait rien et la Chine et Hong Kong sont en hausse de 0.6%. On est préoccupé par la croissance – comme d’habitude – mais comme les futures américains sont en hausse de 0.6% – on parie sur un léger rebond à Wall Street, parce que finalement, ça ne peut pas faire QUE BAISSER…

En attendant, le pétrole est à 111$ et des poussières, l’or est 1861$ et le Bitcoin est à 30’000$. Autrement le blé est en train de redescendre lentement pendant que le bois est en train d’essayer de trouver un fond dans sa chute libre.

Nouvelles du jour

Les nouvelles du jour sont très maigres ce matin. Du côté marché on vit au jour le jour et je dirais que les publications de Nvidia ce soir seront importantes. Que le rebond des futures laisse un peu d’espoir mais que quand on voit le nombre de « nouveaux plus bas sur 52 semaines » sur le S&P500, on n’est pas près de trouver un fond dans ce marché. Il est à noter que 43% du S&P500 est au plus bas depuis un an, que les indicateurs techniques refusent de remonter, que l’on n’a toujours va vu de ventes de panique et que la volatilité N’ARRIVE PAS à remonter en direction des 40% – comme si personne n’avait vraiment peur. On notera aussi que les chiffres du PMI en Europe montrent un ralentissement – sans blague ? – et que Madame Lagarde a déclaré que nous étions à un tournant en ce qui concerne les taux. On se demande qui est-ce qui écrit ses discours…

Pour le reste, au niveau géopolitique, c’est pas très joyeux puisque la Chine et l’Inde sont à nouveau en train de se fritter pour une histoire de frontière au Ladakh – la bonne nouvelle c’est qu’en général, ils règlent ça avec des bâtons et des machettes, ce qui réduit la possibilité d’extension du conflit. Et puis aux USA on a donc eu droit à un « Xième » massacre dans une école. On a également eu droit à un « Xième » discours du Président qui a déclaré que « cette fois, ils allaient vraiment agir sur le contrôle des armes ». Un peu comme les 4 prédécesseurs de Biden ont fait. Et puis ensuite on oublie, parce qu’on a les élections de mi-mandat et au prochain massacre, cet automne on recommencera et Biden dira que : « Là vraiment, cette fois, ils vont agir ».

Les chiffres de la journée

Côté chiffres du jour, nous aurons la confiance du consommateur en France, le ZEW en Suisse, Lagarde qui parlera et les Minutes du FOMC meeting et ça, ça va être drôle, comme à chaque fois. Préparez-vous à de la volatilité – encore.

Pour le moment l’ouverture devrait se faire dans le vert et après ça sera comme d’habitude : pile ou face en fonction des arguments qui vont nous toucher au cœur de la façon la plus intense. En ce qui me concerne, il me reste à vous souhaiter une très belle journée et un très bon jeudi. Pour ma part, je vous retrouve vendredi matin, très bon pont à ceux qui le font !

À vendredi et bonne Ascension.

Thomas Veillet
Investir.ch

“It is never too late to be what you might have been.”

– George Eliot