Encore une semaine pourrie. Selon les indices que l’on observe en priorité, nous en sommes à la septième ou la huitième semaine de baisse consécutive. Le Nasdaq s’enfonce toujours un peu plus dans son Bear Market et le S&P500 est en train de lutter pour ne pas y entrer. C’est encore ce niveau fatidique qui nous a permis de nous en sortir vendredi dernier, puisque l’indice américain s’est retourné dès qu’il a mis les pieds sur le territoire des ours. La clôture de vendredi laisse donc un peu d’espoir en ce début de semaine. Les futures sont même clairement en hausse, mais il n’est que 4 heures du matin et rien n’est encore gagné. Serait-ce un nouveau rebond dans un Bear Market ?

L’Audio du 23 mai 2022

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Bottom or not bottom ?

Ce matin, tout le monde se demande s’il faut croire à la continuité de ce nouveau rebond potentiel qui semble vouloir se dessiner. Rien n’est moins sûr, surtout que ces derniers temps, on a toujours été déçu et que ça casse un peu la motivation. Néanmoins, le retournement de vendredi dernier pourra être considéré comme un signal intéressant pour un trader qui a un horizon temps de quelques jours, voire de quelques heures. En revanche, pour l’investisseur qui est sur le banc de touche et qui attend le bon moment pour rentrer dans le marché, rien n’est moins sûr.

En effet, il faut d’abord bien comprendre que rien n’a changé. L’inflation est toujours bien réelle, les mesures prises par la FED n’ont pas encore pris effet dans l’économie et les dernières données qui ont été publiées la semaine dernière ne semble laisser que peu d’espoir : le consommateur est en train de lâcher prise. Pour le moment, il consomme encore, donne encore de la dynamique à l’économie, mais l’augmentation des prix d’à peu près tout laisse craindre le pire pour les semaines à venir. Et pourtant, le problème du marché ne situe peut-être pas dans le fait que tout est en train de s’arrêter, mais peut-être plus dans ce qui est déjà « intégré » dans les prix du marché.

Des avis sur tout, mais surtout des avis

Si l’on écoute la presse du moment, si l’on se concentre sur les dires des experts de la finance mondials, si l’on se concentre sur les objectifs des techniciens et tous ces Dieux de l’investissement qui savent vraiment de quoi ils parlent, on en arrive à la conclusion que l’entrée en Bear Market du S&P500 n’est qu’une question de temps et que rien ni personne n’empêchera dorénavant l’indice d’y aller. Bon, il y a bien Tom DeMark, qui avait prédit le rebond de mars 2020 qui estime que l’on doit encore vivre « un sell-off » pour aller clôturer sous les 3’863 sur le S&P500, avant de vivre un rebond massif et violent. Mais pour le reste, la question n’est plus de savoir si on va aller en Bear Market, mais plutôt quand est-ce que nous y serons.

Pendant la séance de vendredi, nous avons vécu une nouvelle rebuffade des traders qui refusaient de rendre les armes, ce matin les futures sont en hausse de près de 1% – mais en même temps, on a l’impression que nous n’y sommes pas encore vraiment. Que les catalystes ne sont pas encore là et que les investisseurs n’y croient pas vraiment. On entend ici et là que les niveaux extrêmes ne sont pas encore atteints, que les ventes ne sont pas encore arrivées à leur paroxysme. Pour exemple, ces dernières semaines, nous avons vu des liquidations dans les fonds qui ont atteint plus de 45 milliards. Mais en mars 2020, au fond du trou, nous étions à plus de 90 milliards. Si l’on doit utiliser ça comme base de comparaison, nous sommes encore loin du compte.

Récession intégrée ? Bear Market accepté ?

Si l’on se base sur ce que l’on sait du passé et si l’on part du principe que l’on a tendance à répliquer le même genre de comportement au travers les âges, on peut déjà se rendre compte que ce genre de phase de marché a tendance à durer dans le temps. En résumé ; quand on a déjà perdu plus de 18% sur un indice, on a tendance à aller chercher ce fameux Bear Market et qu’ensuite ça peut durer près d’un an – en moyenne – et c’est toujours là que le bât blesse : c’est une moyenne et pour avoir une moyenne, il faut toujours plusieurs données – ce qui veut dire que si la moyenne est de 300 jours de Bear Market, il en faut de plus longs et des plus courts.

Reste donc à savoir si l’on va entrer dans une période courte ou une période longue. Malheureusement, ça, c’est impossible de le savoir. Ce que l’on sait actuellement, ou que l’on croit savoir, c’est que les niveaux extrêmes que l’on peut atteindre sur le S&P500 – en se basant sur les données des précédentes périodes similaires – sont de 3’000 au plus bas. Bien que la majorité parie plutôt vers un point bas autour des 3’450, ce qui correspondrait à la moyenne mobile des 200 semaines. Ce qui semblerait aussi vouloir dire que le marché aura déjà pricé une récession et qu’à partir de là, on devrait pouvoir commencer à trouver un fond. Il faut aussi dire que si l’on va jusque-là, sur un malentendu on aura vite fait d’aller tester les 3’000 pour voir comment ça fait et nettoyer les derniers irréductibles bullishs qui se seront accrochés jusqu’ici.

Taux de probabilité ? Pile ou face.

Ce qui est assez intéressant, c’est qu’en ce lundi matin, tout le monde semble avoir passé le week-end à réfléchir et tous les experts sont de retour avec des prévisions qui semblent mûrement réfléchies et bien écrites avec des beaux graphiques avec plein de couleurs, afin que même le dernier des idiots comprenne ce qu’ils veulent dire. Bon. Le problème c’est qu’ils n’ont pas vu grand-chose de ce qui s’est produit ces derniers temps et que, basé là-dessus, on se demande bien pourquoi on les croirait cette fois.

Malheureusement. Ou plutôt heureusement ; dans le monde de la finance on a besoin de se raccrocher à l’opinion de ceux qui savent et de ceux qui peuvent prédire ce qui va se passer. Même si on sait qu’ils ont à peu près autant de chance d’être juste que vous, de choper 4 bons numéros à l’Euro-Millions. Ça fait partie de la mentalité de l’investisseur : croire qu’il y en a qui « savent » ce qui va se passer rassure. Passer son temps à trouver le bon analyste, celui qui sait et qui a raison à tous les coups, fait partie du job. Si on se pose 5 minutes et que l’on reste logique, on arrive rapidement à la conclusion que ça ne sert pas à grand-chose. Mais pourtant on va quand même continuer à les écouter et à se demander si par hasard, dans tout ce monde magique de l’investissement, il n’y n’a pas un qui sait mieux que les autres et qu’il pourrait enfin nous aider à faire tout juste, tout le temps. À acheter au plus bas et vendre au plus haut à chaque fois. On sait que c’est impossible, mais on cherche quand même.

En résumé, ce matin on est tous plus ou moins convaincu que le retournement de vendredi soir ne durera pas, que nous ne sommes plus dans une phase de « buy the dip », mais plutôt une où il faut vendre sur force. Que nous allons entrer en Bear Market tout prochainement (sur le S&P, le Nasdaq c’est fait depuis longtemps) et qu’ensuite on va aller chercher des points bas et qu’à un moment donné « tout sera dans les prix » et on pourra commencer à racheter pour parier sur le fait que l’on va s’en sortir. Reste à ne pas oublier de se souvenir que quand c’est évident, c’est évidemment faux.

L’Asie

Ce matin l’Asie est partagée. Partagée entre le fait de voir les futures S&P en hausse de 0.9% et le fait que l’inflation est toujours là et que rien n’est réglé. Oui, c’est fou comment nous sommes capables d’être bipolaires – d’un côté de la planète, on s’excite parce qu’on se dit que « peut-être » que tout est dans les prix et de l’autre, on se dit que l’inflation ; c’est quand même la merde. En résumé, le Japon est en hausse de 0.5%, Hong Kong est en baisse de 1.4% et la Chine recule de 0.4%, malgré la récente baisse d’un de ses taux directeurs.

Pour ce qui est des matières premières, le pétrole est toujours au-dessus des 110$, l’or est à 1853$ et même si l’on ne peut pas dire que ça soit « explosif », on retiendra au moins le fait qu’il refuse de rendre les armes sur le support des 1800$ – on dirait presque le S&P500 quand il arrive sur la « limite du bear market ». Du côté des Cryptos, le Bitcoin est à 30’000 et l’Ether à 2’000 et pendant ce temps, il y a aussi des experts qui disent que le rallye sur le blé est en train de se terminer et que c’est complètement suracheté. Après, c’est vrai que quand tu regardes le graphique du blé, ça donne un peu l’impression que l’on a fait un double top de rêve.

Dans les nouvelles du jour

On ne peut pas dire que l’on croule sous les nouvelles ce matin, mais il faudra retenir que les grands de ce monde et les amis de Monseigneur Klaus Schwab vont se rencontrer à Davos pour voir ce qu’ils vont faire nous, pauvres mortels. On se réjouit de voir ce qu’ils nous préparent et ce que tous ces gens qui savent mieux que le reste du monde, ont à nous dire. On retiendra aussi que Broadcom semble se préparer à faire un take-over du VMware. On a aucune idée du prix et du quoi quand comment, mais vu la tronche du graphique, le rebond pourrait être spectaculaire. Il y a aussi un nouveau truc qui est en train de nous tomber dessus : la variole du singe. Alors que l’on vient à peine de retrouver un semblant de liberté, voici que l’on nous sort un nouveau truc et que tous les experts en COVID qui étaient devenus experts en Ukraine, sont en train de se re-spécialiser pour devenir expert en variole du singe. Pour l’instant, il n’y a semble-t-il pas encore lieu de paniquer, mais il faudra tout de même noter que le très très vieux Président américain en parle déjà et qu’il parle déjà de vaccin. D’ici à que l’on trouve une utilité au vaccin anti-covid contre la variole du singe, il n’y a qu’un pas à franchir qui permettrait du même coup d’écouler les stocks.

Les nouvelles d’Elon Musk

Comme d’habitude, on parle d’Elon Musk. Alors que ce dernier est en train d’essayer de se dépatouiller se son histoire d’hôtesse de l’air, voici que l’on revient sur le sujet de Twitter. En l’espace de quelques heures, le fantasque CEO de Tesla aura donc soufflé le chaud et le froid sur Twitter. En effet, vendredi dernier, au début de la journée il avait dit que le deal était en « attente » et le soir qu’il était toujours en cours… Bref, on peut quand même se demander – des fois – si tout est en ordre dans sa tête.

Toujours est-il que ses frasques sexuelles n’ont que moyennement plu aux investisseurs, puisque Tesla a encore fini au plus bas vendredi dernier et qu’il faudra retenir que le titre a perdu 40% depuis l’annonce du rachat de Twitter. Soit 340 milliards de capitalisation boursière pour racheter un truc qui en vaut à peine 30 aujourd’hui. On peut se demander s’il n’aurait pas eu meilleur temps de partir en jet privé se faire masser à la place d’acheter le réseau social.

Les chiffres

Aujourd’hui nous aurons quelques chiffres économiques qui valent la peine d’être surveillés. Il y aura l’IFO en Allemagne, le Chicago Fed Activity et puis évidemment, le rassemblement des clowns à Davos. Pour ce qui est des sociétés, ça publie encore avec Xpeng et ZOOM. Xpeng ce matin et ZOOM ce soir after close. On se concentrera aussi sur NVIDIA, qui publiera mercredi soir et qui est victime d’une mauvaise presse assez folle à l’approche des publications. Le titre a perdu 50% en 6 mois. Il faudra donc faire attention quand même.

Pour le moment, les futures sont en hausse de 0.75% – quand j’ai commencé la rédaction de cette chronique, nous étions à 1% de hausse. On espère que ça va tenir ! Pour le reste, je vous souhaite un excellent lundi en ce début de semaine raccourcie et tronquée et je vous retrouve demain pour voir si les espoirs de ce début de semaine font du sens ou pas.

Très bon lundi !

Thomas Veillet
Investir.ch

“Everything has beauty, but not everyone can see.”

– Confucius