Le plus dur, dans ce job, c’est de raconter des trucs le lendemain d’un jour férié aux States. Tu te lèves à 2h30 du matin et tu te rends compte que c’était fermé hier soir à New-York et que du coup, y a presque pas de news. Pas de gourous qui sont venus à la télé pour dire qu’on allait tous mourir, pas de grande banque d’affaire qui corrige ses attentes économiques ou ses vues sur l’inflation. Rien. Enfin, presque rien. On nous a bien trouvé une nouvelle maladie : la grippe de la tomate – et c’est pas une plaisanterie - mais pour le reste, il n’y a plus qu’à se concentrer sur l’Europe et parfois, c’est pas suffisant.

L’Audio du 31 mai 2022

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La Chine et le luxe

On va donc essayer de faire court, simple et concis. Tout d’abord on retiendra que le CAC40 vient d’aligner sa quatrième séance de hausse consécutive – ce qui est assez rare pour être signalé. C’est en tous les cas, assez rare cette année, puisque nous sommes le 31 mai, que demain on entame le 6ème mois de l’année et que c’est la première fois de 2022 que le CAC monte 4 jours de suite. On voit tout de suite l’efficacité du nouveau gouvernement qui n’est certainement pas étranger à tout ça. Depuis que Manu le magicien à mis sa copine en place à Matignon, tout est plus simple. Enfin, il faut profiter tant que Mélenchon n’est pas là. Parce qu’après, les séances de hausse à la suite, ça va être plus compliqué, quand il aura pendu les patrons du CAC40 aux grilles du Palais Brongniart.

Mis à part ça, il faut retenir que c’est le luxe qui tire encore à la hausse. Depuis que la Chine n’arrête pas d’annoncer des plans de soutien économique pour le pays, les Hermès, Kering, LVMH ou autre Remy Cointreau, ne cessent de galoper à la hausse. On dirait presque que les soutiens financiers mis en place par la Chine n’ont pour but unique d’aller passer le week-end à Paris dans les boutiques de luxe. Ce week-end, les autorités chinoises ont annoncé qu’elles allaient accélérer les autorisations pour les projets immobiliers – soudainement on se fout totalement de la spéculation immobilière et du surendettement des sociétés du secteur – je rappelle au passage qu’il y a quelques mois, la Chine et le monde paniquaient totalement à l’idée qu’Evergrande puisse faire faillite et entraîner l’économie mondiale avec elle. Et puis là, tout d’un coup, ça n’est plus un problème. On peut construire dans tous les sens en espérant que ça va relancer la croissance. Et tout le monde applaudit des deux mains. On entend aussi qu’ils vont également augmenter les quotas pour le nombre de voitures par habitants, les taxes pour les voitures de tourisme vont baisser et des subventions vont être mises en place pour encourager l’achat de voitures électriques.

En ligne directe

À voir le comportement de certains titres hier, on avait clairement l’impression que c’était eun encouragement personnel à remonter. Il faut dire que depuis quelques années, les entreprises françaises ont un lien tout particulier avec la Chine – un lien qui s’appelle l’argent. On va voir ce que ça donne encore aujourd’hui, puisque le PMI chinois est sorti ce matin. L’indice de l’industrie manufacturière chinoise pour le mois de mai a été annoncé à 49.6. Ce qui est mieux que ce que l’on nous avait annoncé en avril avec un chiffre à 47.4. Cependant, cela ne veut pas dire non plus que tout est réglé, puisque la ligne rouge entre croissance et contraction se situe sur les 50. Ce qui veut dire que l’économie chinoise se contracte encore. Moins, mais elle se contracte encore.

Hier nous avons aussi eu droit aux chiffres de l’inflation en Allemagne. Alors que l’on s’attend à voir la BCE intervenir sur les taux dès le mois de juillet, le pays d’Angela Merkel a annoncé une inflation à 8.7%, soit le plus haut depuis 50 ans. S’il y avait encore des gens qui croyaient que Lagarde attendrait septembre pour bouger, je crois que c’est clair. Aujourd’hui nous aurons les chiffres de l’inflation en France – on attend 5% – encore une fois, on voit que les Français sont plus forts dans tous les secteurs, puisque la hausse des prix est nettement plus maitrisée dans l’hexagone. Bon, ceci dit, il faut aussi reconnaître que sans les aides gouvernementales massives, le chiffre serait le même qu’en Allemagne. Mais politiquement, ça fait quand même nettement plus classe. Surtout quand on est le patron de l’Europe.

L’Europe ferme le robinet

Toujours à propos de l’Europe, ils se sont mis d’accord sur de nouvelles sanctions contre la Russie. L’accord annoncé ce matin par la Présidente non-élue Ursula von der Leyen, a pour but de réduire d’environ 90 % les importations de pétrole de la Russie vers l’Union Européenne d’ici la fin de l’année. Les dirigeants de l’Union européenne sont parvenus à un compromis pour imposer un embargo pétrolier (PARTIEL) à la Russie. Comme c’est un compromis, la « PUNITION » ne concerne que le pétrole acheminé par bateaux. PAR CONTRE, il y aura une dérogation temporaire pour les importations acheminées par pipeline. En gros, selon les stars de Bruxelles, l’accord couvre plus de deux tiers des importations de pétrole russe. Qui sait, sur le tier qui reste, il y aura peut-être moyen de moyenner et de toucher des commissions, on peut rêver.

Toujours est-il qu’il y a quelqu’un qui a super-bien pris la nouvelle, c’est les Saoudiens. À l’heure où je vous parle, où je vous écris, le baril est en train de passer la barre des 118$ et si l’on est optimiste, on peut largement imaginer que le graphique pointe en direction des 130$ atteints l’autre jours, quand « Poutine le Sanctionné » a passé la douane ukrainienne sans montrer son passeport. Il est certain qu’un baril à 130$ va nettement aider la problématique inflationniste à laquelle nous faisons face. Quand on voit que le prix du kérozène vient de doubler ces derniers mois, on imagine assez bien ce que ça va faire sur les billets d’avion. Et ça n’est que le premier exemple. Je n’ose même pas penser au prix du litre à la pompe dans trois semaines – surtout que les aides gouvernementales de certains pays ne vont rapidement plus suffire à masquer le volume des taxes qu’ils ramassent au passage sur les carburants pour pouvoir se payer de petits fours au prochain cocktail mondain de l’Union Européenne à Bruxelles.

Bref le baril est à 118$ et ne semble plus vouloir s’arrêter.

En attendant Wall Street, le Japon est en légère hausse mardi après avoir été dans le rouge pendant la majeure partie de la séance du matin. Ce qui prolonge les gains des séances précédentes, le Nikkei restant sous le niveau des 27 400. Du côté de la Chine et de Hong Kong, c’est pareil, il ne se passe rien et tout le monde attend de voir si New-York continue sa route en direction des 4’400 ou si le leitmotiv des prises de profits va reprendre le pouvoir après une hausse de près de 10% sur les indices principaux.
Pour le reste, mis à part le pétrole qui est en mode post-combustion, il y a l’or qui est à 1853$ et le Bitcoin qui remonte au-dessus des 31’000$ – ça respire un peu mieux du côté de la crypto où l’on sent vraiment que la barrière psychologique des 30’000 est importante pour les intervenants. L’Ether est aussi en forte hausse et vient rejouer avec les 2’000$.

Nouvelles du jour

Pour ce qui est des nouvelles du jour, il faut reconnaître que l’annonce de l’Union Européenne de couper les importations de pétrole prend pas mal de place dans les médias de la nuit. Le PMI chinois est passé au second plan. On peut également retenir le discours de Christopher Waller, membre du conseil de la FED, qui pense que la hausse des taux doit continuer jusqu’à que l’inflation courbe l’échine. Il estime que cela ne freinera pas l’économie et n’impactera pas l’emploi. Il est donc en faveur de plusieurs hausses consécutives de 0.5% SANS FAIRE DE PAUSE EN SEPTEMBRE – le traître. Il est intéressant de noter toutes ces affirmations et ces certitudes de la part d’un type qui n’a rien vu venir au niveau de l’inflation en fin d’année dernière. Je vais garder précieusement l’article du FT de ce matin pour le ressortir à l’occasion de l’annonce de la récession en décembre.

Ce mardi, en plus des chiffres de Salesforce qui seront publiés ce soir, en plus du CPI et du GDP en France, il y aura aussi le CPI en Europe, puis le chômage en Suisse et en Allemagne. Aux USA, nous aurons le Chicago PMI et la confiance du consommateur et en plus, Biden va rencontrer Powell pour parler de l’inflation. Reste à voir s’il ne va pas le confondre avec Greenspan. Pour le moment, les futures sont en baisse de 0.3% depuis que l’Europe a annoncé son deux-tiers d’embargo sur le pétrole russe et on attend de voir ce qu’on va faire après le 8ème café du matin.

En ce qui me concerne, je vous souhaite une excellente journée et je vous retrouve demain à la même heure et au même endroit.

À demain.

Thomas Veillet
Investir.ch

“Remember that happiness is a way of travel, not a destination.”

– Roy M. Goodman