Claude François disait : « ça s’en va et ça revient ». Là tout de suite, ça revient. Je ne sais pas quand est-ce que l’on va passer au stade du « ça s’en va », mais pour l’instant nous avons soigneusement tourné la veste et on se dit que tout n’est pas perdu et que – peut-être – la bonne vieille théorie du « buy the dip » est encore d’actualité. Les chiffres que nous avons dû digérer hier sont tous plus ou moins contradictoires les uns des autres, mais le marché semble avoir décidé de regarder le côté des Jedis plutôt que le côté obscur de la force. Jusqu’à quand ? Telle est la question…

L’Audio du 18 mai 2022

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Les chiffres qui disent tout et son contraire

On ne va pas se mentir : il n’y a rien de changé par rapport à ces trois derniers jours, c’est juste la manière d’observer les choses qui font que les marchés se comportent plus ou moins bien et que le niveau de « peur » est plus ou moins élevé. Les craintes de récession qui nous obsédaient il y a encore 48 heures se sont un peu estompées, la faute au consommateur. Le consommateur qui est le dernier rempart contre la fin du monde économique. Le consommateur qui est la dernière ligne de défense avant que le château tombe aux mains de l’ennemi. Le consommateur qui est, comme tout le monde le sait ; le moteur de la croissance américaine. Le consommateur qui a visiblement encore une fois fait son job au mois d’avril.

Hier les chiffres des ventes de détail aux USA étaient meilleurs que les attentes. Preuve, s’il en est que Joe American – autrement dit : le consommateur – ne baisse pas les bras. Les données publiées hier laissaient à penser que les Américains consomment sans compter, qu’ils vont dans les magasins, qu’ils dépensent sur le net, qu’ils prévoient des vacances en avion et qu’ils vont manger au resto à la première occasion. L’inflation qui nous terrorise depuis le début de l’année ne semble pas faire tant de mal que cela et les données annoncées ont quelque peu rassuré les investisseurs qui se sont donc lâché sur des valeurs que l’on ne voulait plus avoir il y a encore une semaine, les valeurs de croissance. Le Nasdaq reprenait 2.76% rien que pour la séance d’hier, alors que le SOX est remonté de 10% en une semaine. AMD elle-même a repris près de 10% juste sur la séance d’hier. On est en plein short-covering massif et tout le monde commençait à se dire que le pire était peut-être derrière nous…

Peut-être, c’est même pas sûr

Il est vrai qu’il y a quelques signes d’amélioration qui peuvent laisser poindre quelques espoirs à l’horizon, même si ces signes ne sont que techniques et que les fondamentaux restent encore très problématiques et sont susceptibles de nous péter à la figure d’un jour à l’autre. Si l’on observe rapidement les graphiques, on verra que le DAX est sorti de son canal baissier et qu’il est en train de construire un semblant de tendance haussière. Il y a également des bons signes sur le SMI – par exemple – restera à voir comment l’Europe réagira lorsque la BCE commencera à monter les taux cet été. Hier les indices européens semblaient avoir retrouvé goût à la vie en se basant sur le fait que la Chine était en train de se rouvrir au monde après des mois de confinements. Toujours cette capacité de prendre les mêmes nouvelles et de les réinterpréter différemment. Ce même type de nouvelles qui ont fait swinguer le pétrole ces trois derniers jours. On a le sentiment que la Chine peut tout faire bouger en ne faisait tout simplement rien du tout, uniquement avec des attentes et des théories adossées à ces attentes.

Aux USA on a donc fini en fanfare à cause des chiffres des ventes de détails et de la production industrielle qui étaient meilleurs que les attentes. Mais on a aussi eu Wal-Mart qui a perdu 11% parce que les chiffres étaient moins bons que les attentes et que le géant des supermarchés semblait peiner à répercuter l’inflation sur le consommateur. Traditionnellement, Wal-Mart c’est le supermarché des gens qui sont dans la classe moyenne, voir en-dessous. Ce qui fait que c’est plus difficile d’augmenter les prix dans des période comme maintenant. En revanche, du côté de Home Depot, c’était nettement mieux.

Attention quand même

Toujours est-il que nous nous sommes globalement réjouis de ces « bonnes nouvelles » et les marchés n’ont donc pas boudé leur plaisir. Cependant, il faudra tout de même ajouter un bémol sur la séance d’hier. Ce bémol tient en un mot : inflation. Oui, encore elle. Il ne faut pas oublier que si les gens continuent de consommer, cela veut aussi dire que la demande est forte et que le pouvoir d’achat reste élevé… Ce qui peut aussi poser problème et maintenir l’inflation à un haut niveau et donc… forcer la FED à monter les taux de façon plus agressive encore. Hier soir on commençait déjà à entendre parler du fait que la FED pourrait monter les taux à coup de 0.75% pour calmer le jeu et Powell, qui a fait un discours hier a aussi exprimé son intention d’être ferme face à l’inflation.

Pour faire simple, les ventes de détails sont bonnes, le consommateur consomme, mais le fait que les prix montent pourrait quand même avoir – à terme – des conséquences sur le panier de la ménagère et sur le fait que l’Américain consomme mais que sa limite de carte de crédit va bientôt plafonner. Et c’est à cet instant que les choses pourraient se compliquer. Je dis « pourraient » parce que pour le moment – comme un expert le disait hier :

« c’est pas avec des ventes de détail comme ça que l’on va rentrer en récession »

En conclusion : la FED va continuer à monter les taux. Mais même à coup de 0.75%, ça ne fait même plus peur au marché. Les niveaux de cash dans les portefeuilles n’ont jamais été aussi élevé que depuis le 11 septembre 2001, les expositions en action n’ont plus été aussi bas qu’en mars 2020 et les actions technologiques n’ont plus été shortées comme ça depuis 2006… Je ne sais pas si ça veut dire que tout est aligné pour que l’on commence à remonter, ce que je sais c’est qu’il n’y a pas eu de panique, pas eu de faillite majeure, pas entendu de client me dire « c’est juré plus jamais je fais de la bourse »… qui auraient été des signes comme quoi nous avons effectivement touché le fond de la correction. Alors vous me direz qu’en 2020 on n’a pas attendu très longtemps pour remonter. Et vous auriez raison, sauf qu’en 2020, la FED était notre amie, l’inflation était sous contrôle et on imprimait des billets de banque à tout va dans l’imprimerie de la Maison Blanche. Que celui qui pense que c’est pareil aujourd’hui me jette la première pierre.

L’Asie

Il est intéressant de noter que l’Europe est remontée hier en pariant sur le retour de la croissance en Asie et que ce matin, la même Asie est en baisse parce qu’ils se demande si la croissance va vraiment revenir un jour. Seul le Japon parvient à grapiller quelques points. Pour ce qui est du pétrole, on se maintient à 110$ et faire le plein hier restera une expérience longue, pénible et douloureuse qui risque de se reproduire encore et encore, à moins que je ne roule plus qu’en descente. L’or est à 1808$ et est toujours aussi dynamique qu’un spaghetti trop cuit, quant au Bitcoin, il repasse sous les 30’000 à l’heure où je vous parle alors que tout le monde s’interroge sur la pérennité des cryptos – ce qui est donc plutôt un bon signe pour ces dernières.

Dans les nouvelles du jour, on va passer la journée à évaluer ce que l’on sait depuis le début de la semaine et à se demander ce qui va se passer ensuite. Il y a toujours pas mal de news à venir sur les géants du retail. Autrement la Chine semble avancer pas à pas en direction d’une solution pour les titres traités à l’étranger. On attend aussi les données de l’inflation en Angleterre et les chiffres de l’immobilier aux USA. Et puis Citigroup est devenue la nouvelle banque dans laquelle on veut investir depuis que Warren Buffet l’a fait. Sans oublier qu’American Airlines a augmenté ses prévisions de chiffres de trafic pour les mois à venir. Malgré le prix du kérozène.

Comme d’habitude on parle de Musk dans la presse du matin, puisque le marché semble avoir acquis la certitude qu’il ne paiera pas 54.20$ pour racheter Twitter et que ce n’est pas demain que ça se fera de toutes manières, puisqu’Elon Musk vient de faire appel à la SEC pour qu’elle s’occupe du problème des faux comptes qui faussent les chiffres chez Twitter. Il faut tout de même avouer que le mec est vraiment trop fort… ça fait des mois et des années qu’il vomit sur la SEC, qu’il les humilie et qu’il les fait passer pour des cons en se moquant d’eux… Et là, tout d’un coup, il veut leur aide. Pas que je sois un fan de la SEC, de l’AMF ou de la FINMA, mais sur ce coup-là, le patron de Tesla ne manque pas d’air et n’a pas peur du ridicule. En même temps, quand t’as plus de 250 milliards sur le compte, t’as plus peur de grand-chose.

Pour le moment

À l’heure où je vous parle, les futures sont en baisse de 0.3% et on se demande toujours si le fait que le consommateur consomme à fond est rassurant ou si c’est son dernier tour de piste et qu’il n’a presque plus d’essence.

Passez une excellente journée et à demain !!!

Thomas Veillet
Investir.ch

“Life shrinks or expands in proportion to one’s courage.”

– Anais Nin