Si l’on doit faire le bilan de la semaine, il faut avouer que vendredi dernier nous aura bien sauvé les fesses. Le Bear Market a été repoussé encore une fois sur le S&P500 et le soudain intérêt pour les « assets risqués », comme on dit dans le jargon, nous aura donc donné l’occasion de finir moins mal que l’on pouvait le craindre. Pourtant, c’était vendredi 13, le marché était au plus mal. On ne pouvait pas lire un journal sans tomber sur l’affolante association des mots stagflation et récession et puis, comme d’habitude, quand tout semble perdu et que la plupart de tes clients te disent qu’ils ne feront « plus jamais de bourse » et ben ça remonte.

L’Audio du 16 mai 2022

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La question

La question que l’on peut donc dorénavant se poser, c’est de savoir si c’était juste pour vendredi dernier ou si quelque chose a vraiment changé dans le monde fantasmagorique de la finance de marché et de la vision à long terme de l’investissement. Je dois vous dire que lorsque l’on regarde les futures ce matin, on a l’impression qu’il ne faut pas non plus se faire trop d’illusions et on a presque le sentiment que les gars ont juste couvert les shorts pour le week-end et que l’on repart pour une série de 4 jours.

On ne va pas se mentir, rien ne s’est réglé entre jeudi soir 23h et vendredi matin à l’heure du petit-déjeuner. L’inflation est toujours là. Le pétrole est toujours à 110$ ou pas loin et les profits d’Aramco et autres Exxon sont toujours aussi faramineux, pendant que nos passages à la pompe sont toujours aussi déprimants et anxiogènes. La FED fait ce qu’elle peut mais ne semble pas capable de faire des miracles, surtout que nous n’aurons aucune indication claire sur l’impact de la hausse des taux dans les douze prochaines heures et que, pour l’instant, faire des prévisions boursières est à peu près aussi facile et efficace que jeter une bouteille à la mer au milieu du Pacifique et espérer voir débarquer les garde-côtes dans les 48 heures.

Pas fini

Si l’on regarde ce qu’il se dit dans la presse du week-end, on a clairement le sentiment que personne ne sait rien et que tout le monde y va à tâtons, bien que la tendance semble quand même à vouloir prêcher la prudence et dire que l’on n’a pas encore trouvé le fond et que ça pourrait secouer encore. En tous les cas, ce que l’on peut retenir – en observant les marchés – c’est que l’instabilité reste de mise et que les mouvements de 2% intraday sont encore un peu trop nombreux pour se dire que l’on a trouvé un semblant de stabilité. Sans compter que la volatilité n’arrive plus à aller au-dessus des 39% ce qui constituerait peut-être un signal intéressant, sans compter que – selon les experts – les ventes de paniques n’ont pas eu lieu et que les investisseurs ont plutôt tendance à serrer les fesses et s’accrocher au bastingage, que craquer lamentablement et de tout vendre au fond du trou.

Et malheureusement, s’il y a une seule certitude dans le monde fabuleux de la bourse et des tous ces gens qui savent, qui achètent au plus bas et qui vendent au plus haut, c’est qu’il n’y aura jamais de plancher final à la baisse tant que l’on n’aura pas eu nos bonnes vieilles ventes de panique. Si, si. Alors loin de moi l’idée me laisser pousser les poils et de commencer à me nourrir uniquement de miel et de saumon frais pêché à la main dans la rivière grâce au fait que je me suis laissé pousser les griffes. Mais disons que pour l’instant, je reste quand même en mode « méfiant ». Sans compter que lorsque je lis mes premiers articles du lundi matin et que ça commence par Lloyd Blankfein, Dark Vador de chez Goldman Sachs, qui dit qu’il y a une très, très, très forte probabilité de voir arriver une récession, même si la FED a une « toute petite chance » d’arriver à un soft landing. Ou que je vois qu’une tripotée d’experts (que l’on prend bien soin de ne plus nommer – pour éviter le ridicule) pensent que l’on n’a pas encore atteint les pires niveaux de l’année, je me dis que cela ne vaut pas vraiment la peine de jouer les héros.

Lundi méfiance

Je vais donc commencer la semaine en me méfiant du rebond massif de vendredi et me demander si on a vraiment la niak de continuer ou si les shorts qui se sont couverts pour le week-end vont venir nous en remettre une couche. Il aura été néanmoins très intéressant de voir que vendredi dernier, tout le monde s’est jeté sur les trucs d’hyper-croissance que plus personne ne voulait depuis des semaines. Je ne suis pas certain que tout le monde soit en train de rebalancer ses portefeuilles pour retourner sur la croissance et se débarrasser de la value, mais il faudra tout de même noter ce soudain regain d’intérêt. Je ne sais pas, on peut noter au hasard les « moves » de Coinbase, qui est passée de 40$ à 67$ en deux séances. Dans le même temps, on a eu Shopify qui a repris 100$ en 48 heures. De 300$ à 400$. Ou encore des boîtes comme AMD ou Nvidia dont plus personne ne voulait mercredi soir, qui ont soudainement retrouvé des couleurs.

Reste donc à voir si tout cela peut durer encore. Ce matin très tôt, les futures laissaient supposer que c’était possible. Mais étonnement, depuis que je suis debout, ça ne fait que baisser. À l’heure actuelle, le S&P500 pointe en direction d’une ouverture en baisse de 0.6%, mais il n’est que 5 heures du matin et l’ouverture new-yorkaise est prévue dans plus de 10 heures, ce qui nous laisse assez de temps pour tourner la veste plusieurs fois d’ici-là.

L’Asie

En ce lundi, les marchés asiatiques ont entamé la séance en se disant que ça allait bien se passer et ils ont tenté de surfer sur la vague de vendredi. Vague qui les aura portés sur une très courte durée, puisque dès que l’on vu sortir les chiffres économiques chinois et que l’on a eu confirmation du ralentissement de l’économie en avril, on s’est brutalement dégonflé. C’est vrai qu’il faut dire que c’est une ÉNORME SURPRISE et qu’on ne l’avait pas vue venir. La moitié des grandes villes chinoises ont été sous « lockdown » tout le mois d’avril à cause du COVID et, soudainement on est tout surpris que ça ralentisse l’économie. Heureusement que j’étais assis sur ma chaise, sinon j’aurais pu tomber de surprise.

Toujours est-il que le Japon est en hausse de 0.25%, que Hong Kong est passé de solidement dans le vert à légèrement dans le rouge et que la Chine recule de 0.25%. Le pétrole se calme un peu ce matin et se traite à 106.84$ pour le WTI et à 109$ et des poussières sur le BRENT. L’or… Oui, non, je ne vais même pas en parler, de l’or. Parce que franchement, ça intéresse qui ? Les cryptos sont toujours sur le fil du rasoir et on ne sait pas si les 30’000$ du Bitcoin vont définitivement casser à la baisse ou si cela sera la pierre d’achoppement pour aller aux 100’000 prévus pour la fin de l’année, comme toutes les années. Pour le moment, le Bitcoin est à 30’333$ et l’Ether à 2’075$, pour ceux que ça intéresse encore, même si c’est plus à la mode.

Dans les nouvelles du jour

On parle du fait que les Suédois et les Finlandais vont rejoindre l’OTAN. Et que ça va être vraiment intéressant de voir ce que ça va donner. Surtout que les Russes n’avaient pas l’air super-contents que l’OTAN se rapproche toujours un peu plus de ses frontières. Les Américains continuent d’avancer leurs pions dans la région et ça va sûrement bien se finir. Surtout avec un type complètement sénile au pouvoir. Pendant que l’OTAN s’agrandit on notera aussi un entrefilet dans le FT qui dit que les Hedge Funds « long/short » qui sont supposés ne pas perdre trop d’argent dans les marchés qui baissent, ont perdu en moyenne 18.3% depuis le début de l’année et certains commencent à réduire leurs expositions en actions « parce que c’est trop dur ».

On en arrive aux news sur Elon Musk. Oui, parce que dorénavant il va falloir une section spéciale pour ne parler que de lui, puisqu’il ne se passe pas un seul jour où le patron de Tesla ne fasse pas une douzaine de tweets pour donner son avis sur tout et n’importe quoi. Pour le moment on s’excite passionnément sur le sujet de Twitter, puisque depuis la semaine dernière, il n’est plus aussi certain de vouloir racheter la boîte qui aurait « comme par hasard » trop de faux comptes. Chose que l’on ne savait BIEN ÉVIDEMMENT PAS la semaine d’avant. Musk s’est aussi pris la tête avec le département légal de Twitter parce qu’il n’aurait pas respecté la clause de confidentialité signée dans le cadre du rachat. Le seul truc que le département « légal » n’a pas compris ; c’est que la loi ne s’applique pas à Elon Musk. Elon Musk est la loi. Comme d’habitude, le CEO de Tesla règle ses comptes sur Twitter.

Et puis ça n’est pas tout, Musk a aussi félicité Netflix pour avoir encouragé leurs employés qui n’aimaient pas le contenu du champion du streaming à donner leur congé. Par contre Musk n’a pas encore donné son avis sur la météo, le résultat des votations en Suisse et sur la reproduction des escargots de bourgogne en captivité, mais ça ne saurait tarder.

Chiffres à venir

La semaine qui nous attend donnera lieu à pas mal de publications dans le secteur du retail, il y aura aussi Cisco en milieu de semaine et le New York Empire State Manufacturing Index aujourd’hui. Au moins, il n’y aura pas de Meeting de la FED ou de chiffres type CPI ou PPI, ça nous fera des vacances.

Pour le moment, les futures sont en baisse de 0.7% et Musk n’a pas tweeté depuis 2 heures. Je vous souhaite un excellent début de semaine et on se revoit demain, à la même heure !

Très bonne journée à tous !

Thomas Veillet

Investir.ch

 

“If you don’t make mistakes, you’re not working on hard enough problems.”

– Frank Wilczek