Attendre, toujours attendre et parler des mêmes choses encore et encore en utilisant des mots différents pour faire croire qu’on en sait plus qu’hier et moins que demain. Il est impressionnant de voir Ô combien on ne sait plus quoi faire ni quoi penser par rapport à l’avenir incertain auquel nous faisons face. L’important n’est pas la séance d’hier qui n’aura servi virtuellement à rien, puisque mis à part la micro-baisse, le reste n’est qu’une vaste interrogation par rapport à ce qui va se passer aujourd’hui, demain et l’interprétation que l’on va en faire dans la foulée. Soyons clair on attend la BCE et le CPI dans les 36 prochaines heures et après, comme d’habitude : ON SAURA. Enfin.

L’Audio du 9 juin 2022

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Résumé (inutile) de la séance d’hier

Commençons par les choses simples. Les choses que l’on peut rationnaliser et mettre de côté pour parler des réflexions à venir l’esprit clair et la tête vide. Tout d’abord, hier les marchés mondiaux ont baissé. Pas de grand-chose, mais ils ont baissé. La pire performance de la séance – si l’on se concentre sur les grands indices – c’est le S&P500 qui perdait 1.08% – la faute à Philip Morris qui a été downgradé par Morgan Stanley parce que les Dieux de la finance ont peur que les gens puissent se retrouver face à un choix cornélien : faire le plein d’essence ou acheter un paquet de clopes.

Evidemment, ça s’adresse à ceux qui fument. Vous n’avez pas forcément besoin de vous y mettre (à fumer), pour faire comme tout le monde et avoir le droit d’aller à la pompe en vous disant : « hhhmmm, est-ce que je fais le plein pour pouvoir me déplacer avec ma voiture pour aller circuler dans une ville où ne veut pas forcément de moi et où je ne trouve pas de place pour me parquer (ndlr : je parle pour ceux qui habitent la région de Genève) ou alors est-ce que je ne fais pas le plein et je ne vais pas en ville, mais par contre, je m’achète des clopes pour aller les fumer à la maison alors que je ne fume pas ??? ».

Bref, on a baissé (à peine)

Tout ça pour dire que les marchés ont baissé un peu à cause de Philip Morris et aussi beaucoup à cause du fait que les intervenants sont, je cite : « de plus en plus inquiets au sujet de l’inflation qui ne cesse de menacer le consommateur, surtout depuis que le WTI est passé au-dessus des 120$ en clôturant à 122$ et que le Brent est à 124$ »… Alors, je précise bien que le baril n’est pas arrivé là par hasard et qu’on ne s’est pas réveillé un matin pour constater qu’il est passé de 55$ le baril à 122$. Non. Mais là, allez savoir pourquoi, hier on était soudainement très préoccupé par cela. Est-ce que c’est parce qu’il n’y avait particulièrement rien à dire que soudainement on se foutait pas mal de ce qui se passait en Ukraine et qu’un Xième confinement en Chine ne nous intéressait plus ? Ou est-ce que c’était parce que l’on venait de se rendre compte que tant que le baril restait au-dessus des 100$ – endroit où il se trouve confortablement installé depuis début avril – nous étions quand même à risque de récession ???

Difficile de le dire. Ce que l’on sait surtout – au sujet de la séance d’hier – c’est que comme on n’avait pas grand-chose à dire et que passer la séance à regarder le compte Twitter d’Elon Musk, ça devient rapidement très chiant comme activité, il fallait bien se rendre intelligent vis-à-vis des gens qui ne comprennent rien à la finance, alors on a réchauffé un truc qui nous tient à cœur depuis un petit moment : L’INFLATION, ses conséquences et son histoire d’amour interminable avec le pétrole. Pour faire simple, on a analysé la situation pour se rendre compte que (pour l’instant et jusqu’à preuve du contraire) elle est toujours super élevée, que les problèmes des chaînes d’approvisionnement qui passent TOUTES, SANS EXCEPTION par l’Ukraine, ne va pas arranger nos affaires et que si l’on rajoute le pétrole là-dessus : on est mort. C’est pas que l’affaire soit nouvelle, mais dans le désœuvrement dans lequel nous nous trouvions, fallait bien justifier nos salaires.

On ressort les vieux dossiers

Une fois que nous eûmes compris que la journée n’allait pas être des plus passionnantes, que nous n’allions pas connaître le dénouement de l’affaire Twitter avant l’apéro (même si les choses semblaient s’arranger un poil) et que Powell n’avait pas prévu une conférence de presse pour nous dire qu’il allait faire Wathever it takes to sauver l’économie et les marchés, même si cela voulait dire qu’il fallait engager Draghi. Nous avons vite ressorti les vieux dossiers.

Tout d’abord on a été chercher Ray Dalio, le plus gros Hedge Fund Manager du monde qui déteste à peu près tout ce qui se négocie sur les marchés régulés. Le patron de Bridgewater n’est pas venu pour nous rassurer. D’ailleurs si tu fais venir Ray Dalio c’est un peu comme emmener un type allergique aux chats au milieu du championnat du monde de brossage félins pendant toute une journée. Dalio a donc maintenu son discours habituel ; pour faire simple, on va tous mourir dans d’atroces souffrances, la FED a tout fait faux, il n’y a rien de bien à acheter dans le marché et en 2024, la MÊME FED devra massivement baisser les taux pour faire sortir l’économie de la Stagflation dans laquelle elle sera en train de se noyer.

Et puis on a fait des projets

Après avoir bu les paroles de Ray Dalio et que nous comprîmes que les deux années à venir allaient être bien pourries, on a pris un peu de temps pour relire les déclarations que Yellen avait faites devant une tripotée de politiciens américains et obèses, histoire se remémorer son mea-culpa au sujet de l’inflation et du fait que ni elle, ni Powell n’avaient vu venir quoi que ce soit. Mais que par contre, là tout de suite, elle sait que ça va être la merde et elle sait que LÀ, ni elle, ni Powell ne se trompent. Oui, parce que là ils savent vraiment lire dans l’avenir. Et dans le marc de café accessoirement. Ensuite, puisque l’on parlait de lire dans l’avenir on s’est projeté ce jeudi et aussi un peu vendredi.

Oui, parce que tout à l’heure, pendant que vous serez en train de finir votre traditionnelle fondue au fromage des jeudis pluvieux et que vous hésiterez à prendre un triple tiramisu ou un fondant au chocolat avec 8’000 calories dedans, Christine Lagarde descendra sur scène dans son habit de lumière pour annoncer ce qu’elle a l’intention de faire en ce qui concerne les taux. On ne va pas se le cacher, à force d’attendre que ça se passe, on commence à avoir très peur que la BCE soit des années en retard sur la courbe… La question que tout le monde se pose n’est pas de savoir si Lagarde va monter les taux en juillet, mais plutôt de savoir de combien elle va les monter. Et on mentirait si l’on disait que l’on pensait que ça allait se faire tout en douceur. Hier les experts commençaient à respirer dans un sac en papier afin de réduire les angoisses qui les assaillaient rien qu’à l’idée que la hausse de juillet pourrait être massive, violente et de loin pas parcimonieuse et délicate.

Mais c’est pas tout

Mais on ne s’est pas arrêté là dans notre volonté d’anticiper et de voir loin. Les intervenants ont également passé beaucoup de temps à se demander ce que le CPI qui sera publié demain à 14h30, pourrait leur réserver. Il est clair que l’on ne s’attend pas à le voir se diviser par deux, mais je dois dire que déjà s’il ne montait pas, ça serait pas mal. Cependant, comme d’habitude, on n’en sait rien mais on arrive quand même à se perdre en conjectures et à se projeter dans ce qui pourrait EVENTUELLEMENT se passer demain.

Ceci tout en gardant un œil sur ce que fait le pétrole et quand on voit ce qu’il a fait hier, on a de quoi commencer à trembler pour la suite des évènements, parce qu’étonnement, comme je le disais plus tôt dans cette chronique : on commence à se rendre compte que la hausse parabolique, mais presque du pétrole, n’allait pas aider à nous simplifier le coût de la vie. Même si sponsoriser les vacances d’été des majors pétrolières est un hobby fort agréable, il y a tout de même des limites. Tenez, l’an dernier j’ai acheté une voiture et quand je faisais le plein, ça me coûtait 100 balles – hier, ça frisait les 180 frs. Du coup, j’ai fait que la moitié du plein et je me suis mis à fumer. Histoire de répartir les risques.

En Asie et le reste

En résumé, hier on a baissé à cause de l’inflation. Et à cause de la BCE à venir et à cause du fait que l’inflation, c’est pas rigolo et que le pétrole qui monte ne fait pas plaisir. En tous les cas, une chose est certaine, c’est que la thématique de l’inflation et tous les experts qui vont avec et qui ont une opinion ferme et définitive sur le sujet, confirme clairement que c’est les mêmes qui étaient experts en COVID qui ont dû se recycler. Ce matin l’Asie est en baisse comme le reste du monde et ce, pour les mêmes raisons que le reste du monde.

Le pétrole est donc à 122.31$ sur le WTI et à 123.88$ sur le Brent. L’or est à 1854$ et on entend de plus en plus de gens qui sont résolument bullishs sur l’or, même s’il se traine comme jamais depuis des mois. Le Bitcoin est à 30’000$ et les futures américains sont en baisse de 0.16%. De la folie, je vous le dis, il y a une ambiance là dehors, on se croirait à Ibiza le jour où la coke est à 50%.

Nouvelles du jour

Pendant ce temps, tout le monde a les yeux rivés sur Twitter depuis qu’ils ont annoncé qu’ils allaient donner les documents que Musk leur réclamait depuis des semaines. Pas forcément parce qu’ils aiment bien Musk, mais c’est surtout qu’ils aimeraient bien que Twitter se traite à 54$ plutôt qu’à 40$ – c’est parce qu’il faut bien payer les traites du yacht, surtout. Alors que les gens de chez Twitter gèrent leurs problèmes de riches, il y a Robert Shiller un autre prix Nobel d’économie. Je dis « autre » parce que mardi on a déjà eu Krugman qui est venu donner son avis. Et là, Shiller pense que nous avons 50% de chances de rentrer en récession. En fait quand tu deviens Prix Nobel, ton job c’est d’aller faire l’analyste financier quand les marchés sont en train de se déglinguer de par eux-mêmes, histoire de venir dire que ça peut monter, mais que ça peut aussi baisser. Ceci si l’on exclut le cas d’un marché qui ne fait rien. On notera au passage les commentaires de Monsieur Art Cashin. Art Cashin qui est un peu la mémoire de Wall Street et qui doit être là depuis environ 143 ans. Le Monsieur a déclaré hier que le S&P500 était au bord d’une forte hausse OU d’une forte baisse. Mais il y a une certitude, c’est qu’un truc de fort nous attend. Perso, je prédis de la neige en décembre, du soleil cet été et la probabilité très élevée que l’or soit à 1854$ dans les six mois – à moins bien sûr qu’il bouge d’ici-là.

Du côté chinois on s’attend à de nouveau confinements dans la région de Shanghai alors que le gouvernement Xi-Jinping persiste dans sa stratégie de zéro COVID contre l’économie. Il y a eu cependant deux-trois signes de détentes de par là-bas, vu que l’on a autorisé certains jeux vidéo et que du coup, tout ce qui est chinois et qui traite à l’étranger montait avec l’espoir de redevenir une entreprise comme les autres, un jour peut-être. Puisque l’on parle du COVID, il y a Moderna qui annonce que sa dernière version de son booster 3.0, protège beaucoup mieux contre le variant Omicron. Ils donnent un peu l’impression qu’ils viennent prêcher dans le désert pour vendre ce qui leur reste alors que tout le monde s’en fout et que le gouvernement américain vient de publier des nouvelles recommandations pour la variole du singe. C’est à mourir de rire. Les gars recommandent de ne pas fréquenter des gens infectés et d’éviter tout contact avec ceux qui ont des boutons purulents sur le corps. Au cas où vous hésitiez, juste que vous sachiez dorénavant.

Autrement on notera que l’OCDE a fait le même discours et les mêmes prévisions de croissances pour la planète qu’on fait la WorldBank hier. C’est tellement pareil que l’on se demande qui a copié sur qui. Il y a aussi Cathie Wood qui rachète du Tesla sur faiblesse, et puis on ne peut plus se passer de parler du Crédit Suisse, puisque le géant américain State Street serait sur le point de faire une offre de rachat à 9 CHF sur l’ex-géant bancaire suisse. C’est 30% plus haut pour ceux qui se demandent. Reste à que le Conseil Fédéral et Guy Parmelin soient d’accord. Ah oui, et que la rumeur soit vraie.

Chiffres du jour

Aujourd’hui nous aurons donc droit à la BCE et au discours magistral de Madame Lagarde qui va se lancer dans un jeu de piste fantastique et nous laisser des indices un peu partout afin que l’on se lance dans le jeu des spéculations débridées pour la hausse des taux de juillet. Et puis, il y aura les Jobless Claims aux USA.

Pour le moment, tout est calme et nous sommes prêts comme jamais à prendre des décisions immédiates au sujet de choses qui vont se passer dans 2 ans, tout en sachant qu’entre deux on aura 287 fois l’occasion de changer d’avis. En attendant, je vous souhaite une joyeux Bircher, ainsi qu’un jus d’orange sans OGM et un café bio cultivé sur les hauts plateaux andins.

Très bonne journée à tous, merci d’être là tous les matins, enfin pour ceux qui sont là tous les matins – les autres, vous devriez revenir demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

“Success is liking yourself, liking what you do, and liking how you do it.”

– Maya Angelou