La lune de miel est en train de se terminer. À moins que l’on arrive à faire baisser le pétrole un peu plus qu’il n’a baissé cette nuit. Un peu plus comme « encore 15% ». Hier les experts en finance mondiaux se sont à nouveau posés la question : « est-ce que le pétrole à 120$ est bon l’économie ? »… Et surtout se sont demandés si ça ne pourrait pas être « une bricole inflationniste. Les indices américains terminaient quand même – pour la plupart – dans le vert pour le mois – en mai, il ne fallait pas être une valeur technologique et puis c’est tout.

L’Audio du 1er juin 2022

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Et soudainement on s’est posé des questions

Après quelques séances de hausse consécutives principalement dues au fait que la FED avait laissé entendre qu’elle pourrait peut-être faire une pause en septembre, voici que RIEN QUE durant la séance d’hier on s’est demandé si la FED ne pourrait finalement pas monter les taux MAIS « QUE » de 0.25% et on a fini par se dire que, finalement, elle ne ferait peut-être même pas de pause. Il faut dire que les commentaires de Christopher Waller qui ont été fait en Allemagne lundi, ainsi que le pétrole qui tapait presque les 120$ le baril n’ont pas aidé à se rassurer sur la possible non-hausse des taux et, indirectement, sur le fait que l’inflation n’est pas prête de baisser alors que l’on est en train d’atteindre des records sur le prix du gallon aux States et qu’en Europe, on a arrêté de compter et que l’on préfère aller piquer de l’essence dans le réservoir du voisin pendant la nuit.

Les intervenants se sont donc contentés de vendre le marché hier, simplement pour exprimer leur mécontentement par rapport au pétrole qui ne fait que monter – et surtout hier après l’annonce de l’embargo européen sur la version russe de l’or noir. Il est tout de même étonnant de voir que le baril est au-dessus des 100$ depuis près d’un mois et que, depuis l’invasion Russe, il n’a plus été en-dessous des 95$ et que là tout de suite, soudainement on commence à trouver ça embêtant. Surtout lorsque l’on sait qu’il n’y a pas besoin d’être ingénieur en aérospatiale pour savoir que c’est une composante importante et non-négligeable de l’inflation et EN PLUS que depuis des décennies, on dit :

« PÉTROLE AU-DESSUS DES 100$, RÉCESSION DANS LE PLACARD »

Mais bon, il est vrai que dans le monde fantasmagorique de la finance au pays de Disneyland, on a tendance à ne rien apprendre et à tout oublier ! Surtout TOUT OUBLIER. À chaque fois que l’on a une esquisse de rebond, on laisse reprendre le dessus au fameux « GREED IS GOOD », ce qui est quand même vachement plus agréable au niveau des perspectives, il faut le reconnaître, mais qui parfois à tendance à nous faire marcher sur la tête et oublier que les frasques des marchés boursiers ne datent pas d’hier.

Tout ça pour dire

Tout ça pour dire que si le marché a baissé hier, c’est parce que le pétrole était trop haut, que l’inflation était trop forte et que Waller était trop méchant. Néanmoins, le rebond qui est le nôtre depuis le milieu de la semaine dernière aura quand même réussi à faire terminer le S&P500 dans une micro-hausse pour le mois pendant que le Nasdaq reculait tout de même de 2% pour fêter le « sell in May and go away » traditionnel.
En Europe, alors qu’hier tout le monde se chargeait de prendre les profits et oubliait soudainement tout le soutien que la Chine a l’intention de donner à sa propre économie, la plupart des indices du continent terminaient dans une belle couleur rouge foncé. Il faut dire que mis à part les pétrolières qui se frottaient les mains comme depuis plusieurs mois, le reste était plutôt déprimant et en mode « courage, prenons les profits. Sur le mois de mai, le DAX prenait tout de même près 3.2%, alors que la France était en hausse de 0.6%. La Suisse étant dans les profondeurs du classement avec une baisse de 3% – merci Roche et Nestlé – mais même si notre indice local faisait pâle figure, c’était quand même mieux que le Bitcoin qui aura tout de même perdu 17% sur le mois. Big up pour l’Espagne qui progressait de 5%, juste derrière le pétrole (encore lui) qui finissait son mois en hausse de 10%, tout en donnant l’impression que ça n’était pas encore terminé si l’on en croit les experts…

Comme une boule de flipper

En tous les cas, il faudra tout de même noter qu’au moindre pas de côté, qu’au moindre repli du marché nous avons instantanément droit au retour des gourous qui viennent nous dire : je vous l’avais dit. Même si hier le S&P500 n’était en baisse QUE de 0.6% – on a déjà vu poindre à l’horizon les messages négatifs et préventifs qui disaient :

« Mesdames et Messieurs, c’est votre commandant de bord qui vous parle ; nous allons traverser une zone de turbulences provoquée par le fait que le RALLYE DU BEAR MARKET est en train de perdre de son énergie et que cette brusque perte d’énergie déclenche des flux d’air verticaux de bas en haut et de haut en bas – mais surtout de HAUT EN BAS. Alors finissez vos verres, attachez vos ceintures et commencez à prier parce que l’on pourrait baisser brutalement. Ou pas. Mais au moins je vous l’aurais dit – merci d’avoir choisi Air Wall Street pour vos investissements »

Vous l’aurez donc compris, l’ambiance était morose et propice aux commentaires négatifs. Mais pas trop quand même. Non, pour être franc, mis à part écouter les commentaires laconiques qui ont été fait par la Maison Blanche après le meeting Biden-Powell et ceux de Madame Yellen qui reconnaissait qu’elle n’avait rien vu venir au sujet de l’inflation depuis six mois, il faut reconnaître que cette dernière séance de mai donnait plutôt l’impression que l’on avait envie que ça se termine, histoire de pouvoir parler de Rallye d’été plutôt que de « sell in May and go away ».

Le baril est le centre du monde

On ne va pas se le cacher, en ce moment et depuis 48 heures, le baril est le centre du monde. Hier on s’est angoissé à l’idée de le voir dépasser les 120$, surtout que le graphique montrait clairement une figure ultra-bullish qui laissait supposer que l’or noir allait monter encore plus haut. Pourtant, dans la nuit, tout a changé. Ou presque. Oui, tout a changé en termes de perception au niveau du pétrole.

Alors qu’avant on ne parlait que d’embargo et de baisse des stocks pendant que la demande montait au ciel, voici que durant la nuit le Wall Street Journal a fait des siennes. La gazette des financiers avertis a publié un article qui disait – en substance – que l’OPEP pourrait éventuellement peut-être envisager de « suspendre la Russie des accords d’encadrement collectif de l’offre », ce qui pourrait inciter certains pays à augmenter leur production. Alors je vais être franc avec vous ; je n’ai aucune idée de ce que « suspendre la Russie des accords d’encadrement collectif de l’offre » pourrait bien vouloir dire. Ni du pourquoi cela entraînerait les autres membres à augmenter leur production. Ce que je sais, en revanche, c’est que cette accumulation d’adverbes qui expriment le doute et qui démontrent que l’on n’en sait rien, ainsi que l’utilisation ABUSIVE du conditionnel à toutes les sauces, aura largement suffit à faire plonger le baril de presque 120$ à 115$ ce matin.

Comme quoi un bon article qui dit clairement qu’il n’en sait rien peut être bien plus efficace que le fait que la Maison Blanche ouvre les robinets de sa réserve stratégique. Rappelons pour mémoire que le jour où Joe POTUS a annoncé la vente d’une montagne de barils tous les mois, le pétrole se traitait à 106$ – on voit clairement que le conditionnel est bien plus efficace que le réel du gouvernement US.

Nouvelles du jour

Ce matin l’Asie est partagée. À ma droite, vous avez le Japon qui monte de 0.7%. À ma gauche, vous avez Hong Kong qui BAISSE de 0.7% et au centre, sur mes genoux, vous avez la Chine qui…ne fait rien. L’or est à 1838$ – rebond terminé – le Bitcoin est à 31’600$, rebond terminé aussi. En ce début de journée tous les médias se sont mis d’accord : on va parler de l’inflation. Il faut dire qu’hier ça a continué de publier des chiffres dans ce sens en Europe. Après les Allemands qui battaient des records que les moins de 49 ans ne peuvent pas connaître, c’était la France qui faisait mieux que les attentes et dans ce cas, « faire mieux que les attentes » n’est jamais une bonne nouvelle. Le pays de Manu et Brigitte a donc annoncé une inflation de 5.2% contre 5% attendu et un PIB de 4.5% contre 5.3% attendu et plus bas que celui du mois dernier. Pas sûr qu’une inflation qui monte avec un PIB qui baisse soit une vraie bonne nouvelle pour l’économie. Dans la foulée de la France ; l’autre pays de Brigitte et Manu : l’Europe a annoncé une inflation de 8.1% contre 7.7% attendu. On sent bien que tout est sous contrôle et que la BCE n’est pas du tout, mais alors pas du tout en retard pour monter les taux.

La BCE c’est comme un type qui saute en parachute et qui refuse d’ouvrir sa voile en disant qu’il a tout le temps de le faire. Quand on le retrouve planté dans un marécage avec la main sur la poignée, le seul truc qu’il trouve à dire c’est qu’il regrette. Dans l’hypothèse où il puisse encore parler. Dans le reste des nouvelles, on retiendra quand même Salesforce qui a publié de bons chiffres, ce qui propulsait son action en hausse de 9% after close. Au chapitre des réactions débiles du jour, il faut aussi signaler qu’AMC – l’opérateur de cinémas adorés des gars de Wallstreetbets – a pris 10% parce que Top Gun 2, le retour de la vengeance de Maverick a fait un carton ce week-end. Bon, heureusement avant la fin de la séance on avait tout reperdu se rendant compte qu’un milliard de capitalisation boursière de plus ne faisait aucun sens, puisque la plupart des recettes iront de toutes façons dans les poches de Tom Cruise.

Et puis il faudra aussi se souvenir qu’en ce premier juin, les USA ont annoncé qu’ils vont fournir des missiles avec des portées plus longues à l’Ukraine. Mais pas des portées assez longues pour tirer sur la Russie en dehors des frontières de l’Ukraine. Seulement pour tirer sur les Russes EN Ukraine. Toujours au chapitre des armes et du fait que lorsque chaque fois que l’on se dit que l’humain ne peut pas être plus con – il y en a toujours un qui se défonce pour faire mieux – voici que la victime d’une fusillade à New York le mois dernier vient d’attaquer le fabricant d’armes GLOCK en justice, l’accusant d’être responsable de ses blessures parce qu’ils ont fabriqué le révolver qui a tiré. Après les procès contre McDo qui vend des cafés chauds sans prévenir, contre les tabatiers qui n’avaient pas expliqué qu’après 35 ans à 2 paquets par jour, ça pourrait mal se terminer. Sans parler du camping car qui n’expliquait pas assez clairement que le « cruise control » ne veut pas dire que tu peux aller dormir derrière pendant que tu roules sur l’autouroute, sans oublier le fait que les fabricants de micro-ondes n’ont pas dit que l’on ne peut pas sécher son chat en le mettant dedans. Voici que la magnifique justice américaine couplée à une bonne dose de connerie humaine préfère poursuivre le fabricant d’armes plutôt que l’imbécile qui a tiré…

Quand je vous dis que l’on peut toujours faire mieux, on peut vraiment.

Les chiffres du jour

Côté chiffres, il y aura des PMI’s dans tous les coins, le Redbook, l’ISM manufacturier et les JOLTS aux USA et puis pour ce qui est des trimestriels, je crois que l’on arrive vraiment au bout et qu’il ne devrait plus y avoir trop de choses importantes dans les prochains jours.

Pour le moment, les futures sont en hausse de 0.2% – on va coller ça sur le fait que Salesforce a publié de bons chiffres et que le pétrole est en baisse, repoussant le SPECTRE DE L’INFLATION et de la RÉCESSION d’autant. En ce qui me concerne, il me reste à vous souhaiter une très belle journée et à vous dire : À DEMAIN !

Thomas Veillet
Investir.ch

“The difference between ordinary and extraordinary is that little extra.”

– Jimmy Johnson