Il y a des journées qui ne servent à rien. Et il y a des journées qui servent à faire une introspection sur nous-mêmes, histoire de savoir ce que l’on va faire dans le futur et ce que l’on a fait du passé. En l’occurrence, mon prof de médiation m’avait dit qu’il fallait vivre l’instant présent et hier, ça n’était visiblement pas le cas. L’avant-dernière séance de cet abominable premier semestre de 2022 aura donc été dédiée à l’écoute des banquiers centraux et à l’analyse des 120 dernières années boursières pour essayer de savoir ce qu’il adviendra de nos performances à Noël. Mis à part que le Bitcoin sera à 100’000$, bien sûr.

L’Audio du 30 juin 2022

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Les statistiques

En observant la clôture des indices américains, on peut dire que ça n’était pas la folie sur le marché. En observant les indices européens, on va dire que les gars ont simplement rattrapé le retard accumulé la veille à cause du décalage horaire. En résumé, on n’a pas fait grand-chose, mais il faut dire à notre décharge que les GROSSES NOUVELLES n’étaient pas légion. Il est vrai que l’on a beaucoup écouté Powell et on y reviendra, mais qu’à la fin nous n’étions pas plus avancés qu’hier matin et que la motivation, à 48 heures du début du mois de juillet, n’était pas non plus à son apogée. Et comme d’habitude, quand on ne sait plus quoi faire ou plus quoi dire ; on plonge dans les statistiques, histoire d’avoir un truc à raconter à l’apéro de jeudi soir.

Si l’on fait l’état des lieux, ça n’est pas terrible et, apparemment cela fait donc plus de 50 ans que l’on n’avait plus vécu un premier semestre aussi merdique. Pourtant, moi qui suis là depuis le début des années 90, j’ai quand même bien l’impression d’avoir vécu des moments bien plus pourris que celui que nous vivons. Et pourtant. Pourtant si l’on se base sur tous les premiers semestres de chaque année depuis 1900, ça faisait 52 ans que les six mois courants du 1er janvier au 30 juin n’avaient pas été si pourris. Admettons. Là où tout cela devient intéressant, c’est quand nous regardons ce qui s’est passé ENSUITE. Et si l’on prend les premiers semestres de toutes les années de bourse depuis plus de 120 ans, on se rend compte que chaque fois que le marché a baissé de plus de 15% durant les six premiers mois de l’année calendaire, le reste de l’année aura été spectaculaire.

On reste calme

Alors on ne va pas s’emballer. Depuis le 31 décembre 1899, il n’y a eu que 5 années qui correspondent à cette description. 1932 – je n’étais pas là – 1939, je n’étais pas là non plus – 1940 – là encore : absent – 1962 ; toujours pas présent et 1970 où là je n’étais carrément même pas né. Difficile donc d’en tirer la moindre expérience personnelle. Il a donc fallu aller regarder ce qui s’est passé durant LA SECONDE partie de ces années qui avaient commencé avec des semestres tous pourris…

C’est là que se trouve LA BONNE NOUVELLE DE LA JOURNÉE !!! Comme quoi il nous en faut peu pour être excité comme des fans de foot à la veille d’une coupe du monde où t’auras pas le droit de faire la fête, pas le droit de boire de l’alcool et principalement le droit de choper la crève dans des stades climatisés. La bonne nouvelle est donc que SUR CES CINQ ANNÉES QUI ONT MAL COMMENCÉ – en 32, en 39, en 40, en 62 et en 1970 – à CHAQUE FOIS, le second trimestre aura été à la hausse. Avec une moyenne de 26% de hausse les six derniers mois de l’année. Merci à l’année 1932 qui aura vu un rallye de 55% et qui a fait péter la moyenne à la hausse.

Bull market forever

En me plongeant dans ces statistiques ce matin, j’ai donc immédiatement senti monter en moi une boule d’optimisme et une envie de réclamer le statut de bullish qui me caractérise depuis pas mal d’années. Sauf qu’après j’ai regardé les mêmes statistiques en tenant compte des années où l’on a baissé de plus de 10% sur les 6 premiers mois de l’année et non pas 15% et du coup, le taux de réussite n’est plus de 100% à la hausse, mais de 66% et qu’en 1926, on a quand même réussi à perdre 26% DE PLUS dans les six derniers mois de l’année. Si on devait remettre ça en 2022, le S&P500 terminerait l’année à 2’800. Brrrrr, je préfère ne pas y penser.

En résumé : quand tu prends les statistiques du passé, tu peux toujours leur faire dire ce que tu veux suivant comment tu les observes. Ce que l’on sait pour sûr c’est que sur le long terme, les marchés ont tendance à monter plus qu’à baisser. Qu’il y a plus de Bull Markets que de Bear Markets, que ces derniers durent moins longtemps et qu’à la fin c’est toujours les Bulls qui gagnent. Même s’il y a des moments difficiles. Maintenant, on retiendra tout de même que plus les six premiers mois sont merdiques, plus la seconde partie de l’année est meilleure. Vous ajoutez à cela que les années des élections de mi-mandat aux USA, ces années sont 40% plus volatiles que les autres et QU’EN GÉNÉRAL, le « bottom » se fait entre le 1er juillet et le 30 septembre ET que le stratège de Morgan Stanley dit que le S&P500 doit encore baisser de 10% avant de redémarrer, on a tout ce qu’il faut pour bien faire.

LA STRATÉGIE à appliquer

La stratégie de l’été est donc la suivante :

1) Vous mettez des limites à l’achat sur le S&P500 autour de 3’425 – ou 3422.5 environ
2) Vous partez en vacances sur un yacht à 100’000 Euros la semaine
3) Vous annoncez au service de location que vous paierez à la fin de l’année quand le S&P500 sera remonté à 4’850 pour faire un nouveau plus haut historique et le tour est joué
4) Reste juste à que les statistiques fonctionnent
5) N’oubliez jamais que c’est facile la bourse
6) Et voyez comment on arrive à meubler deux pages de chroniques quand on n’a strictement rien à dire

Un festival de banquiers centraux

Pendant que vous comptez les heures pour partir en vacances, tous les banquiers centraux du monde en ont profité pour aller se faire une semaine de vacances au Portugal avant la grosse transhumance des juilletistes. Hier Lagarde et Powell ont fait le show pour le festival annuel des banquiers centraux AVANT les traditionnels festivals musicaux de l’été. Il est clair que c’était un peu moins festif, qu’il y avait moins d’alcool et de substances prohibées, mais par contre personne n’a dû se résoudre à dormir sous une tente dans un terrain boueux. Ou pas. En revanche, hier Jerome Powell a parlé et c’est à peu près la seule chose qui a fait vaguement réagir les marchés et les chroniqueurs boursiers. Il faut dire que contrairement à un groupe de musiciens, la foule ne vient pas pour entendre Powell chanter la même chanson encore et encore histoire de pouvoir hurler le refrain avec lui. Mais plutôt pour entendre une nouvelle chanson à chaque fois.

Le problème, c’est que quand t’es banquier central, tu ne peux pas À CHAQUE FOIS trouver une nouvelle histoire à raconter. Sans compter que ton champ lexical est relativement limité. Donc Powell s’est surtout contenté de répéter ce qu’il a déjà dit plusieurs fois. En gros, il a dit qu’il y avait un risque que la hausse des taux fasse ralentir l’économie, mais que ça n’est pas pire que de laisser l’inflation s’installer durablement. Il a dit que la probabilité de soft-landing était réaliste mais que le hard-landing l’était aussi (la bonne vieille théorie du « si ce n’est pas l’un ça sera l’autre », appelée aussi « la stratégie du « je couvre mon cul »). Puis Powell a également dit qu’il n’avait pas pour but de planter l’économie et que d’ailleurs cette dernière allait plutôt bien. Et puis finalement, lorsque vous avez tout relu soigneusement, vous vous rendez compte qu’il n’y a strictement rien de neuf, que le boulot des banques centrales n’offre aucune garantie de quoi que ce soit et que s’il n’était pas venu à Sintra, ça n’aurait strictement rien changé. Comme le marché hier. Rien n’a changé.

Les nouvelles du jour

Ce matin l’Asie est partagée. Partagée entre le Japon qui s’effondre de 1.4% après des chiffres de la production industrielle que l’on qualifiera de « tout bonnement dégueulasses ». Et la Chine monte de 1.3% après avoir montré des chiffres de la production manufacturière qui étaient meilleurs que prévus. Quant au Hang Seng, il ne fait strictement rien. Rien comme le Bitcoin qui est à 20’000$. Rien comme le pétrole qui tourne autour des 110-111$. Rien comme l’or qui est à 1817$.

Si l’on veut aussi parler des choses importantes de l’économie, on retiendra que l’inflation en Allemagne hier N’A PAS fait de nouveau record et semblait même se calmer un peu à 8.2%, contre 8.7% le mois dernier. Mais selon les EXPERTS en inflation, on n’a pas encore fait le pic, parce que la baisse d’hier est principalement due aux mesures gouvernementales misent en place pour éviter de totalement détruire le consommateur – on y verra, on devrait y voir plus clair en septembre. Les chiffres du PCE aux USA ont également été révisés à la hausse, laissant supposer que l’inflation ne monte plus vraiment, mais qu’elle n’est pas encore entrée dans sa courbe descendante qui obsède Powell et ses amis. Il y a aussi Gediminas Simkus, membre du conseil des gouverneurs de la BCE – en gros, un type que personne ne connait mais qui est très bien payé pour brasser de l’air à la Banque Centrale Européenne – qui a déclaré que les 0.25% de hausse des taux attendus en juillet ne sont pas gravé dans le marbre et que, selon lui, il faudrait envisager une hausse de 0.5% d’un coup d’un seul pour montrer à l’inflation que la BCE ne se laissera pas faire.

Les chiffres du trimestre n’augurent rien de bon

Hier il y a Bed Bath & Beyond qui ont publié des chiffres EN-DESSOUS des attentes et annoncé que son CEO avait donné son sac suite au mauvais trimestre. Le titre s’est fait défoncer de 25%. Autrement dit : « avec l’avalanche de publications qui va nous tomber dessus en juillet, on a meilleur temps de partir en vacances dans un endroit où y a pas de Wi-Fi, ça nous évitera tout risque cardiaque en cas de publication trimestrielle décevante ». On notera aussi le downgrade de Morgan Stanley sur Carnival. Le titre valait pas loin de 10.25$, l’analyste avait un target à 13$, il passe à 7$ d’objectif et le titre se faisait défoncer de 14% pour finir sous les 9$… Autrement, il y a un autre analyste qui pense qu’Amazon peut tripler grâce au Cloud, que Microsoft peut monter à 370$, grâce au Cloud, reste plus qu’à faire ce foutu bottom une fois pour toute et on pourra faire du shopping. Et puis il y a un autre analyste qui estime que le pétrole va rapidement monter à 200$ à cause de la gestion désastreuse de la crise du côté de l’Europe. On se réjouit déjà. Bon, en même temps, tant que c’est pas trop inflationniste, ça ira.

Aujourd’hui, nous aurons un wagon de chiffres à surveiller. À commencer par le CPI en Europe, ainsi que les dépenses de construction aux USA, l’ISM Manufacturing et le Manufacturing PMI tout seul – même si on ne sait plus trop qui est qui. Et puis du côté des trimestriels, il y aura Walgreen, Constellation Brands et Micron. Pas que c’est super important, mais on a vu que les sanctions n’étaient pas faites pour les amateurs. Ni pour les professionnels, d’ailleurs.

Pour le moment les futures sont en baisse de 0.4% et quand on voit le graphique du S&P500 ou du Nasdaq, ça ressemble à la trajectoire d’un avion qui vient de décoller et qui se rend compte qu’il a trois moteurs sur quatre qui sont en feu. Mais heureusement, les statistiques parlent en notre faveur, tout espoir n’est pas perdu. Passez une excellente journée et on se voit demain, comme d’habitude, histoire de commencer un trimestre qui devrait monter… Statistiquement.

À demain.

Thomas Veillet
Investir.ch

« The purpose of our lives is to be happy. » -Dalai Lama