Lorsque que tu arrives devant tes écrans à 4 heures du matin et que tu te rends compte que le journaliste du Barron’s n’a pas trouvé un meilleur titre que « Wall Street termine fortement en baisse pour sa pire journée depuis DEUX SEMAINES ». Tu te demandes comment tu vas faire pour ne pas utiliser le terme « mémoire de poisson rouge » pour la 214ème fois dans une de tes chroniques. Quand on en arrive à faire des statistiques pour savoir depuis combien de temps on n’a pas baissé de 2%, c’est qu’il est temps de partir en vacances. Ou d’arrêter de faire des statistiques débiles qui ne servent à rien. Si ce n’est à foutre la trouille à tout le monde.

L’Audio du 29 juin 2022

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À boire et à manger

Lorsque l’on fait le bilan de la séance d’hier, on peut ENCORE UNE FOIS se rendre compte que nous vivons dans une bourse à deux vitesses. Deux vitesses qui sont rythmées par le fait que la planète tourne sur elle-même et que l’on n’a pas les mêmes informations à Tokyo quand il est encore minuit à Paris. Et pas les mêmes données à Paris, quand il est 11h45 à New York et qu’il est temps d’aller au Déli pour acheter un sandwich de 8 étages avec du pastrami partout. Hier encore, nous avons commencé la séance en pleine (presque) euphorie parce que les Chinois ont réduit les règles de quarantaine. Donc pour tous ceux qui n’ont qu’un rêve, celui de partir en vacances d’été à Pékin, vous n’aurez plus que 7 jours de quarantaine, ce à quoi s’ajoutent 3 jours d’observation dans un lieu choisi, dans un centre géré par le gouvernement. Je crois que c’est surtout les trois derniers jours qui doivent être passionnants – « dans un centre géré par le gouvernement chinois » – j’imagine l’ambiance. Ça doit se rapprocher du Club Med, mais sans les bracelets à boules pour payer les cocktails.

Toujours est-il que Mister Market a interprété cette nouvelle comme étant EXTRAORDINAIRE, ce qui a naturellement fait monter l’Europe comme un seul homme. Améliorant du même coup le PEA de Monsieur Bernard Arnault, puisque l’ensemble du secteur du luxe s’enthousiasmait sur le sujet. C’est assez rigolo de voir que les Chinois se décoincent et que sur la Côte d’Azur, on envisage de remettre les gestes barrières en place, parce que les cas de COVID sont en train d’exploser. C’est vraiment très, très intéressant et on presque envie de prendre les paris pour voir à quelle date exactement Macron va confiner la France pour se venger de ne pas avoir eu la majorité à l’Assemblée Nationale.

C’est toujours ça de pris

Quoi qu’il en soit, la Chine aura permis à l’Europe se faire une petite journée de hausse. Petite journée de hausse durant laquelle nous avons réussi à oublier momentanément l’inflation et la récession. Cependant, ça n’aura pas duré longtemps puisque dès l’ouverture de New York, nous sommes retombés dans nos vieux travers et nos anciennes obsessions qui ont la vie dure. Tout d’abord, même si la Chine réouvre ses portes et autorise ses citoyens à sortir de chez eux, on n’a pas perçu le même optimisme dans les chiffres de Nike. Nous en avons déjà parlé hier, l’ex-sponsor de Roger Federer (ancien tennisman suisse pour ceux qui ont oublié) a en effet publié des chiffres trimestriels en-dessus des attentes. Mais comme c’est un peu LE PREMIER CHIFFRE du second trimestre, le monde merveilleux de l’investissement avec toute sa vista, sa vision et ses compétences de lecture dans la boule de cristal et donc, dans l’avenir, a interprété les choses à sa sauce.

En effet, si pratiquement l’ensemble des chiffres étaient meilleurs que les attentes, on a tiqué sur le fait que cela devenait un peu tendu du côté de la Chine et que ça devenait crispant au niveau des marges. Faisant fi de la détente chinoise annoncée le matin même et du fait que l’on allait pouvoir passer trois jours merveilleux dans un centre gouvernemental à se faire curer le nez 8 fois par jour avec un coton tige, les intervenants en ont déduit que l’avenir de Nike était tout pourri et qu’à moins que Michael Jordan revienne sur les parquets, les mois prochains ne seraient pas roses. Le titre – qui avait déjà perdu plus de 30% depuis le début de l’année, s’est donc REFAIT démonter de 7% hier soir. Mais ça n’était pas tout.

Tous de sortie !

Ça n’était pas tout, parce qu’hier il y avait du monde au balcon et il fallait savoir choisir son camp. Le camp des bêtes à cornes ou le camp des plantigrades. Je dois dire qu’en regardant comme ça du coin de l’œil, j’ai quand même l’impression qu’hier c’était plus simple d’être pessimiste qu’optimiste. Bien que rien n’est gravé dans le marbre et au regard de notre grande difficulté à garder notre concentration sur le même sujet pendant plus de 12 minutes, je ne serais point étonné que la séance de ce mercredi soit l’exact reflet de ce que nous avons vécu mardi.

En plus de Nike qui terminait au plus bas depuis l’été 2020, il faudra donc retenir que nous avons eu les chiffres de la confiance du consommateur qui étaient en-dessous des 100 et SURTOUT, surtout, en-dessous des attentes des analystes. Ce qui est tout de même très étonnant, puisque ces derniers temps, les analystes en question sont quand même plutôt justes. En tous les cas, justes la moitié du temps. Donc Wall Street attendait un chiffre à 100 tout rond et c’est sorti à 98.7 au plus bas depuis 16 mois. Il semblerait, je cite : «que les Américains sont de plus en plus préoccupés par les prix élevés de l’essence et des denrées alimentaires et par la santé de l’économie ». Ce qui est, vous en conviendrez, relativement étonnant. Compte tenu de ce qu’on lit dans la presse, les journaux, de ce qu’on entend à la télévision et de ce que les influenceuses finance sur TikTok racontent, on aurait pu croire que les Américains étaient bien plus confiants que ça et qu’ils étaient prêt à Make America Great Again. Par contre, pas un mot sur le fait que les juges de la Cour Suprême sont complètement cons au sujet de l’avortement et qu’ils sont tout aussi cons au sujet des armes. Mais apparemment, ça n’entre pas dans la confiance du consommateur.

Confiance en berne et récession en avance

Alors que la confiance du consommateur frappait le marché de plein fouet parce que l’on ne s’attendait pas UNE SECONDE au fait que l’Américain moyen puisse en avoir marre de payer 5 dollars le gallon et qu’il soit fatigué de voir que les problèmes de chaînes d’approvisionnement n’en finissent pas de monopoliser l’attention dans les journaux. Cathie Wood était de sortie et profitait d’exprimer sa vision auprès des mêmes Américains, en leur disant solennellement que le pays était DÉJÀ en récession. Les mecs ils sont bord du gouffre niveau confiance, ils avaient donc bien besoin qu’on leur en rajoute une couche. Du coup, l’ensemble de la techno – surtout les gros titres se sont faits allégrement taper dessus – et on en profitait pour nous ressortir une statistique qui dit que les années d’élections de mi-mandat sont toujours des années pourries. 40% plus volatiles que les autres années. Et qu’en général, on ne trouve pas le « bottom » de l’année avant le troisième trimestre. Troisième trimestre qui commence vendredi. Par contre la statistique ne dit pas à QUEL MOMENT DU TRIMESTRE ON FAIT CE putain de BOTTOM !!!

Alors que l’on se rassure, il n’y a pas que du mauvais. Même si Jeremy Siegel est aussi motivé que Cathie Wood sur le sujet de la récession, il y a aussi un peu de bon. Mais par contre va falloir être patient. Tout d’abord il y a Michael Burry qui pense qu’en effet la récession, on va se la prendre de plein fouet (attendez, le positif et le côté optimiste arrive), mais que, DU COUP, la FED va devoir rapidement baisser les taux à la fin de l’année. SI ça c’est pas de la bonne nouvelle de la mort qui tue, je ne sais pas ce que c’est !!! Et puis ça n’est pas tout, il y a une société de gestion américaine, spécialisée dans la techno et les semi-conducteurs qui dit que le secteur (et le SOX en particulier), va doubler sous 24 mois. Si jamais c’est un coup sûr, je veux bien tout mettre sur un tracker avec un levier de 4 et revenir dans 24 mois, puis faire comme le boss de la société Jupiter Fund Management, Andrew Formica (rien à voir avec les tables des années 70) qui a annoncé sa démission pour partir « ne rien faire d’autre que s’asseoir à la plage ».

Optimistes vs Pessimistes

Pour faire simple, autant il y a 24 heures ont sentait un peu d’optimisme et les plus courageux pariaient sur un rebond dans un bear market, mais un rebond qui pouvait encore aller plus haut. Autant ce matin, on se demande bien ce que l’on fait là et quand est-ce que le week-end commence. L’Asie entame sa séance dans le rouge foncé, puisque Hong Kong recule de 1.6%, Tokyo de 1% et la Chine abandonne 0.6%. Les raisons sont à chercher du côté de la date du début de la récession et du fait que l’on s’inquiète que la « croissance pourrait ralentir ». Il paraît aussi qu’il se pourrait qu’entre maintenant et le 12 octobre 2023, nous ayons de fortes chutes de neige et des canicules terribles. Mais pas en même temps.

Le pétrole est à 111$ et les Américains ont arraisonné un tanker russe chargé de pétrole qui se rendait à la Nouvelle Orléans. Je dois dire que je suis halluciné de savoir qu’il y a des mecs qui ont affrété un tanker en se disant qu’on n’allait pas le remarquer. L’article ne mentionne pas le taux d’alcoolémie du capitaine. L’or est à 1821$ et le Bitcoin se demande toujours si sa place est sous les 20’000$ ou au-dessus des 20’000$.

Nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour, il faudra tout d’abord noter le fait que Novartis a annoncé son intention de virer 8’000 personnes sur les 110’000 qui sont employés. En Suisse, cela représente 1’400 postes. Le but sera d’économiser un milliard par année d’ici 2024. Les personnes licenciées seront heureuses de participer à cet effort de guerre. Et puis en même temps, il fallait trouver le vaccin anti-COVID avant Pfizer. Toujours au sujet des licenciements, Elon Musk est sous les feux de la rampe, puisque 500 employés qui se sont fait virer sont en train de le poursuivre en justice et que l’on apprend aussi que 200 personnes remerciées viennent de la division « voitures autonomes », comme quoi ça doit vraiment SUPER-BIEN fonctionner.

Côté écologie et énergie à profusion, il faut tout de même signaler que le patron de l’EIA – l’Energy Information Administration – estime que si les Russes coupent le gaz à 100% en Europe, il va falloir réduire la consommation de 30%. Emmanuel Macron à d’ores et déjà annoncé que ses Ministres se déplaceraient dorénavant en vélo et que l’Élysée sera délocalisée en Guadeloupe pour éviter les charges de chauffage.

Et puis, hier il y a Christine Lagarde qui a parlé. Son discours se résume en trois phrases :

« L’inflation dans la zone euro est excessivement élevée et devrait le rester pendant un certain temps encore »

« C’est un grand défi pour notre politique monétaire »

« Les pressions inflationnistes s’élargissent et s’intensifient »

En dehors du fait que l’on peut se demander comment elle fait pour être aussi bronzée au mois de juin et que l’on se demande si elle est souvent au bureau. On peut aussi se demander si son discours ne pourrait pas être utilisé pour le Bac Philo de l’an prochain pour démontrer comment enfoncer des portes ouvertes. Vous avez une heure pour répondre.

Chiffres du jour

Pour ce qui est des chiffres du jour, nous allons énormément nous amuser, puisqu’il y aura la confiance du consommateur en Europe aussi. Le CPI en Espagne et en Allemagne, ce qui promet d’être drôle. Il y aura aussi le ZEW en Suisse, puis le GDP aux USA, ainsi que les hypothèques et le PCE – chiffre lié à l’inflation TRÈS regardé par la FED et donc, dorénavant, TRÈS regardé par nous. Et puis, comme il n’y aura sûrement pas assez de quoi s’occuper, nous aurons aussi Jerome Powell qui parlera… sans compter les chiffres de Bed, Bath and Beyond – même si je SUPPOSE que le discours du patron de la FED prendra un peu le dessus sur Bed, Bath and Beyond.

Actuellement, les futures sont en hausse de 0.15%, mais je ne prendrais pas ça pour une indication fiable et encore moins pour de l’argent comptant. Voilà, voilà et voilà. Il me reste à vous souhaiter une très belle journée au fond de notre bocal, à tourner en rond et à oublier à chaque tour ce qui s’est passé hier.

Passez une excellente journée et on se retrouve demain, en pleine forme et en couleur.

À demain.

Thomas Veillet
Investir.ch

« It is during our darkest moments that we must focus to see the light. » -Aristotle