Après un long week-end de trois jours où les Américains n’ont pas arrêté de traiter et où le pétrole n’a pas arrêté de monter, il est temps de se remettre dans le bain et de se demander : qui suis-je, où vais-je et dans quelle étagère. On a un peu d’ouvrage à remettre sur le métier, puisque la semaine dernière nous avons eu droit aux chiffres de l’emploi qui ont définitivement plombé l’ambiance jusqu’à Noël, ainsi qu’au retour d’Elon Musk qui a fini de faire le paon sur la Côte d’Azur et a retrouvé son password pour tweeter à nouveau sans relâche. Twitter n’a pas aimé et l’on sait dorénavant que l’homme le plus riche du monde est AUSSI économiste et analyste financier.

L’Audio du 7 juin 2022

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La pause, c’est du passé

Mais avant de revenir sur les frasques et les avis de l’homme le plus riche du monde qui licencie plus vite que son ombre ; commençons par nous intéresser aux chiffres TANT ATTENDUS de l’emploi américain. Tout d’abord je voudrais dire que même si on en parle dans cette chronique, c’est un peu « has been » puisque la publication date de vendredi après-midi. C’est-à-dire près de 96 heures dans le passé – ce qui veut dire une éternité pour les marchés boursiers qui ont tendance à se souvenir des choses seulement pendant les 12 prochaines minutes.

Peu importe, comme on est passé par trois jours de congé, je suis obligé d’y faire un petit détour parce que cela va forcément laisser des traces dans la semaine qui nous attend. Il faut dire que ça a même déjà commencé. Déjà commencé parce que vendredi dernier on nous a annoncé que L’ÉCONOMIE AMÉRICAINE avait créé 390’000 emplois. Alors bon, c’est moins que ce qu’elle avait créé en avril, mais c’est PLUS que ce que les stars, les visionnaires, les DIEUX de l’économie et de la finance avaient prévu, puisque l’on était censé être plus proche des 300’000 que des 400’000. Mais pour être franc avec vous ; ON S’EN FOUT. Après tout, c’est quoi 100’000 personnes ? Un petit stade de football américain à côté de la plaque, y a pas de quoi se rouler par terre non-plus.

L’interprétation, c’est ça qu’est bon !

Au-delà d’être juste ou faux, ce qui était le plus important à observer, c’était L’INTERPRÉTATION que l’on en faisait.

Parce qu’en fait, quand on est entre les attentes du marché et les chiffres du mois dernier, on se dit toujours que ça ne pas va pas être simple à en tirer des conclusions. Si on considère que c’est mieux que les attentes, c’est bon pour les marchés, parce que ça veut dire que l’économie va bien. Mais en même temps, si l’économie va trop bien, c’est que c’est inflationniste et ça, on n’a vraiment pas besoin de l’entendre en ce moment. En même temps, on a quand même besoin de savoir que pendant que les taux montent, l’économie tient le coup. Mais pas trop. Oui, pas trop parce que trop, c’est inflationniste. Et trop peu c’est récessionniste (oui, je sais ça n’existe pas comme mot, mais c’était pour que ça rime).

Donc le monde merveilleux de la finance se retrouve et s’est retrouvé dans une position très complexe : est-ce que des bons chiffres c’est bon ou est-ce que des bons chiffres c’est pas bon. Autant vous dire qu’il y a encore un paquet de boulot pour les psychiatres et autres psychologues qui sortent de l’école cette année avec leur diplôme en poche. En tous les cas, vendredi dernier, nous avons estimé que le problème n’était pas tant de savoir si c’était bon ou pas bon, mais plutôt de se dire qu’AVEC DES CHIFFRES PAREIL DU CÔTÉ DE L’EMPLOI, ON POUVAIT CLAIREMENT OUBLIER l’éventualité d’une pause dans la hausse des taux au mois de septembre. Pause qui, je le rappelle était LA SEULE et unique raison d’avoir vu monter les marchés la semaine d’avant – la seule semaine de hausse sur les 9 dernières aura donc été clairement pipée, puisque la pause de septembre n’aura pas lieu.

Musk, le gourou

Donc L’INTERPRÉTATION des chiffres n’était pas bonne. Oui, parce qu’entre vous et moi, le fait que 390’000 personnes aient trouvé un emploi n’a strictement aucune importance sur la performance de nos portefeuilles, puisque nous, nous sommes plus dans la VISION long terme des impacts de ces chiffres qui seront – je le rappelle – encore une fois corrigés le mois prochain parce que l’on aura « oublié » quelque chose ou que l’on aura rajouté quelque chose. Cette interprétation décevante aura donc mis les marchés sous l’eau vendredi et, malgré une ouverture en fanfare hier lundi, tout s’est à nouveau dégonflé parce que le rendement du 10 ans n’a pas pu s’empêcher de monter taper les 3% de rendement À NOUVEAU !

Ça, mais aussi le fait qu’Elon Musk – qu’on appelle aussi « le couteau suisse » – s’est donc improvisé économiste en venant faire des déclarations qui font encore du bruit aujourd’hui. Je crois que jeudi dernier, il s’est fendu d’un « j’ai un très très mauvais pressentiment pour l’avenir de l’économie et pour fêter ça, je licencie 10% du staff de Tesla » – attention, il ne fait pas ça parce que Tesla aurait le moindre problème économique. Il anticipe, c’est tout. À partir de là, les bourses mondiales qui sont, je le rappelle encore, des marchés de professionnels aguerris et surentraînés pour traiter et investir dans des conditions extrêmes et pouvoir réagir à la vitesse de la lumière sur une information qui va leur changer la vie pendant les deux prochaines heures. Eh bien à partir de là, on n’arrive plus à parler d’autre chose que de la vision de Musk qui, notons-le, est un vendeur de voitures. Et de voitures électriques en plus.

Et Twitter en plus

Tout ça pour vous dire que les paroles de Musk de la semaine dernière font encore écho dans nos têtes, vous rajoutez à cela le fait que la FED ne fera pas de pause en septembre après les chiffres de l’emploi de vendredi et si vous cherchez du « icing on the cake », vous pouvez encore noter sur votre liste des trucs pourris, que Musk est en train de laisser entendre que peut-être il ne va pas racheter Twitter. Finalement. Même si le titre a relativement bien supporté la nouvelle hier – ce qui n’était pas très compliqué, sachant que plus personne n’y croit depuis un moment – ce n’est pas non plus le genre de nouvelle que l’on aime entendre. Pendant que Twitter baissait, que Tesla montait, parce que si Musk se désintéresse de Twitter, c’est qu’il va s’intéresser à Tesla, l’Europe finissait largement en hausse, comme si elle devenait immunisée aux girations du marché US et à celles d’Elon Musk. Quant aux indices américains, on a vu des réunions des alcooliques anonymes bien plus drôles que la séance d’hier.

Séance qui aura été à nouveau animée par les doutes que nous avons au sujet du baril – baril qui ne fait que monter et qui commence à laisser de moins en moins de doutes sur l’avenir futur de l’inflation et des taux d’intérêts. Taux d’intérêts qui pourraient avoir de plus en plus de proximité avec le prix du baril, puisque l’on va bientôt tous devoir prendre une hypothèque supplémentaire pour faire le plein. Ce matin le baril est à presque 120$ sur le WTI, le Brent est déjà au-dessus des 120$ et moi je commence à me demander si je ne devrais pas acheter une Ford Interceptor et commencer à rouler pour chercher de l’essence.

En Asie et ailleurs

Ce matin l’Asie ne fait rien, les futures sont dans le rouge et largement dans le rouge, quant à l’or, il est à 1843$ pendant que le Bitcoin, qui avait montré quelques velléités haussières hier, se fait violemment renvoyer sous les 30’000$ pour la 212ème fois de suite.

Dans les nouvelles du jour, on retiendra qu’Apple a fait plein d’annonces. Il y a un nouveau Mac Book Air, un nouveau Mac Book Pro, un nouveau software pour l’iPhone et un nouveau système de paiement « acheter maintenant payez plus tard » un peu comme Affirm. Affirm a pas aimé la concurrence, hier soir le tire a perdu près de 6%. Meta Platforms/Facebook pourrait rentrer dans les indices « value » ces prochains temps selon une banque d’affaire américaine. Et puis Jim Cramer recommande d’acheter les pétrolières sur faiblesse… Hummm, sauf qu’il n’y a pas de faiblesse. Et puis, du côté politique, Boris Johnson est toujours Premier Ministre après le vote d’hier et il semblerait que ça soit à peu près aussi excitant que de regarder un match de championnat suisse. La seule nouvelle un peu marrante du moment, c’est que De Lorean va (peut-être) faire une IPO pour lancer la production de la version électrique et remasteurisée de la légendaire caisse de « retour vers le futur ». On leur souhaite plus de succès que Rivian et je me dis que si un jour je dois acheter une voiture électrique, ça sera celle-ci.

Chiffres du jour

Côté chiffres du jour, nous aurons le Trade Balance aux USA ainsi que le sentiment des investisseurs en Europe. Chiffre qui est passionnant devant l’éternel, puisque l’on sait depuis longtemps que le sentiment des investisseurs est aussi volatile que l’âme d’un politicien qui veut VRAIMENT être élu. Pour le moment les futures sont en baisse de 0.5% et quand on regarde les charts, on a l’impression que le ton est donné pour le reste de la semaine et l’on va devoir aller plus bas, avant d’espérer remonter encore une fois.

Passez une excellente journée et on se retrouve demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

« I have a super-bad feeling about the economy”

– Elon Musk (and plenty other people on Earth that are not BILLIONAIRE)