Quand on regarde la séance de vendredi dernier, on se dit que c’est tout de même spectaculaire et que c’est quand même génial quand ça monte aussi facilement, surtout lorsque l’on sait que strictement rien n’a changé. Que ce soit du point de vue inflation, que ce soit du point de vue économique ou que ce soit du point de vue géopolitique. Sauf que vendredi dernier on a trouvé le moyen de se dire que SI LA FED montait encore une fois les taux en juillet et que l’inflation commençait à se calmer, PEUT-ÊTRE que LA FED allait renoncer à monter les taux à l’automne et que finalement, on pourrait se faire une fin d’année plutôt chouette. Ça fait beaucoup de conditionnel, je le conçois.

L’Audio du 27 juin 2022

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Toujours une question d’interprétation

Sur la semaine, le Dow, le S&P 500 et le Nasdaq ont progressé respectivement de 5,4 %, 6,45 % et 7,5 %. Il faut dire que lorsque Powell a déclaré au Congrès qu’il allait « surveiller si la croissance économique et l’inflation ralentissaient, auquel cas le rythme des hausses de taux ralentirait », aura fortement aidé le marché à « espérer » à nouveau. Il n’y a rien qui est écrit dans le marbre, mais entre la fin du semestre qui approche, les « ajustement de positions » qui vont se faire à cette occasion et le fait que nous étions TELLEMENT BAS aura donné l’énergie nécessaire au marché pour rebondir violemment vendredi dernier et laisser planer le doute dans l’esprit des investisseurs.

Non, parce qu’il faut tout de même savoir raison garder. Tout d’abord, si l’on part du principe que nous sommes montés parce que Powell POURRAIT réduire le rythme de la hausse des taux SI les choses se calment du côté économique et du côté de l’inflation, on est quand même en train de prendre un pari sur du « pas grand-chose », mais qui est cependant basé sur une logique imparable. En effet, il est peu probable que la passion de Powell dans la vie, soit de faire monter les taux pour mettre l’économie en récession. Dans un monde logique et rationnel, on dirait qu’il semble assez logique que son intention soit de manœuvrer aussi délicatement que possible pour générer suffisamment de croissance pour que l’économie ne rentre pas en récession, tout en ne laissant pas l’économie partir dans un délire inflationniste incontrôlable. Déjà que là tout de suite, c’est pas mal…

Pas notre ennemi

On est donc en train de se rendre compte que Powell n’est pas l’ennemi de la finance et qu’il doit faire ce qui doit être fait pour que tout ne parte pas en vrille et que ça devienne hors de contrôle. Le rebond de vendredi peut donc être associé au fait que l’on est en train de se dire que « peut-être que la FED n’est pas notre ennemi » et que s’ils font bien leur boulot, on pourrait avoir de bonnes surprises dans le futur. Reste donc à voir si nous avons déclenché quelque chose de concret vendredi dernier ou si ça n’est « encore une fois » qu’un rallye dans un Bear Market. On sait que dans les cycles baissiers, c’est toujours extrêmement fréquent de vivre ce genre de phase de rebond très courtes, parce que l’on veut y croire. On veut se convaincre que le pire est derrière et surtout, on ne veut pas rater le train du prochain Bull Market qui emmènera le S&P500 à 6’000.

Sauf que l’on n’en sait rien. Comme d’habitude. La finance, c’est comme la météo – ça n’est pas une science exacte. Sauf que depuis 50 ans, la météo a fait des montagnes de progrès et a augmenté sa précision de 50% d’acuité à près de 85%. En finance, on est toujours à 50/50. Et à moins d’être mieux informé que les autres, c’est plus compliqué de dépasser les 60% de taux de réussite. Néanmoins, depuis vendredi, le ton des médias financiers a clairement changé. Alors qu’il y a 5 jours on se demandait quelles étaient les probabilités de tomber en récession. Probabilités que l’on qualifiera d’ÉNORMES si l’on en croit toute la tripotée de gourous, d’analystes et de stratégistes qui sont passés sur CNBC, dans le Wall Street Journal ou encore dans PurePeople.com ou sur TikTok avec la dernière influenceuse de finance à la mode ; il y a de bonnes, même de très bonnes chances qu’il faille un miracle pour éviter la récession.

Sauf que depuis le rebond de vendredi et – en se basant sur le fait que les futures sont en hausse ce matin – on est presque en train de se dire qu’il vaut mieux être prudent et de ne pas rater le train. On ne sait jamais. Et puis si on se goure, on pourra toujours dire que l’on a vendu au top du rebond et que l’on est reparti short derrière. De toutes manières, personne ne viendra vérifier ce que vous avez fait, l’important c’est de se faire reluire et de montrer aux autres que NOUS, on avait fait juste. C’est tellement facile la bourse, après tout.

L’Asie dans le sillage

Ce matin c’est la fête au village en Asie. Le Nikkei est en hausse des plus de 1%, tout comme la Chine et c’est Hong Kong qui ramasse la cocarde avec une hausse de plus de 2.3%. On est à fond dans le sillage de Wall Street et tout le monde est en train de se dire que si « par le pur des hasard », nous avions droit à un rebond de 7 à 10%, comme certains médias et autres gourous le relayent déjà, ça serait quand même couillon de le rater. Une chose est certaine, nous avons une capacité folle à tourner la veste à la première occasion et à vouloir se laisser facilement convaincre que le pire est derrière. C’est ce qui me fait peur et ce qui aurait tendance à me faire dire que ça n’est pas encore terminé.

Si l’on en croit le cycle de l’investissement, le bouton panique a été actionné quelques fois ces derniers temps, mais les investisseurs n’ont pas encore rendu les armes et veulent toujours croire que ça ira mieux demain. Lorsque ces espoirs et ces croyances auront été définitivement nettoyées, alors là, peut-être que l’on pourra se jeter dans le grand bain. Mais là tout de suite, j’ai le sentiment qu’il faille peut-être encore un peu raison garder. Mais bon, on va suivre ça gentiment mais sûrement et regarder si l’on est capable de conserver notre « positionnement bullish » plus de 24 heures sans revenir demain en hurlant à la mort parce qu’il y a un chiffre économique qui montre que l’inflation n’a pas faibli. Pour résumer tout cela, je suis tombé sur une phrase dans un article ce matin. Cette phrase provient d’un analyste comme il en existe des centaines dans les banques d’affaires américaines et le gars disait la chose suivante :

« À l’heure actuelle, toute mauvaise nouvelle économique pourrait être favorable au marché des actions, parce que cela signifierait que la FED pourrait être amenée à réduire le rythme de sa hausse des taux ».

Si on en est réduit à espérer des news toutes pourries pour que ça aille bien, j’ai quand même des doutes sur le fait que l’on ait toutes les tasses sur le même tablard.

Nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour on notera tout d’abord que le pétrole est à 107$ et que le stratège de Bank of America pense que le baril peut aller à 75$ ou à 150$. À 75$ si on entre en récession ou à 150$ si les sanctions européennes mettent la Russie à mal dans ses exportations. Ce qui paraît à peu près aussi probable que je gagne à l’Euromillion ce week-end, surtout quand on sait que je ne joue pas. Donc voilà, le pétrole qui était un « coup à sûr » à 150$ il y a encore une semaine, est en train de devenir une grosse daube que plus personne ne veut si on entre en récession. On notera au passage que plusieurs pays européens sont en train de redémarrer leurs centrales à charbon – dans une stratégie qui est à fond dans l’écologie et le non-polluant – un peu comme la coupe du monde au Qatar dans des stades climatisés. On voit bien que les sanctions contre la Russie fonctionnent super-bien. Surtout contre…PAS la Russie.

Autrement, l’or est à 1837$ – en attendant les nouvelles sanctions du G7 contre l’or russe qui devraient tomber mardi selon les informations secrètes communiquées par des personnes bien informées qui préfèrent garder l’anonymat. Le Bitcoin est figé à 21’000$ et Elon Musk licencie à tour de bras chez Tesla, alors que tous les employés virés viennent sur Twitter pour dire qu’il a été méchant avec eux et que les méthodes de licenciement ne sont pas très « fair ». D’ailleurs, Musk n’a toujours pas racheté Twitter. Fair ou pas fair. Pour le reste, on parle du fait que la fin du semestre pourrait provoquer des vagues d’achats sur les marchés. Ou pas. Et que les premiers indices sur les chiffres trimestriels vont commencer à apparaître cette semaine. Il y aura entre autres Nike aujourd’hui et Bed, Bath and Beyond mercredi. Attention aux déceptions et aux prévisions sur l’avenir qui seront communiquées. On notera encore que le marché immobilier américain est toujours en train de ralentir et que ça n’augure rien de bon. À moins que l’on ait une mauvaise nouvelle économique qui laisse espérer que la FED va baisser les taux. C’est beau l’espoir.

Les chiffres du jour

Aujourd’hui, il y a aura le nombre de chômeurs en France, Elisabeth Borne n’en fera pas partie puisque le Roi de France l’a confirmée dans ses fonctions. Et puis aux USA ; nous aurons les « Pending Homes Sales » qui seront publiés. Pour le moment, les futures sont en train d’éroder l’avance qu’ils avaient très tôt ce matin. On verra si le rebond est solide et si l’on peut y croire un peu plus que 25 minutes.

D’ici-là, il me reste à vous souhaiter un très bon lundi et un excellent début de semaine, nous on se revoit demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

“It takes courage to grow up and turn out to be who you really are.”

– E.E. Cummings