Bon. On ne va pas revenir sur ce que l’on sait déjà. L’inflation est un problème, on sait. Les banques centrales doivent monter les taux pour freiner l’inflation, blablabla, tout ça on sait déjà. On sait aussi que les mêmes banques centrales ne doivent « pas trop monter les taux » au risque de nous mettre en récession. Ça, on sait aussi. ON EST également au courant que pour le moment, les banques centrales sont plus en faveur de monter les taux qu’autre chose et se foutent pas mal d’une éventuelle récession. Mais notre job à nous, maintenant, et depuis trois semaines. C’est de trouver le moment où la FED va arrêter d’avoir envie de monter les taux. Ou alors de monter moins fort.

L’Audio du 24 octobre 2022

Télécharger le podcast

La spéculation, toujours la spéculation

La semaine dernière aura donc été la MEILLEURE semaine du marché US depuis le mois de juin. Vous savez, le mois de juin. Ce mois où on a démarré un rallye qui nous a fait monter, monter et monter encore. Jusqu’à que l’on se rende compte que l’inflation n’avait toujours pas ralenti, bien au contraire et que la hausse des taux de la FED n’avait servi à rien depuis le mois de mars. Oui. On se souvient. Bon, on se souvient vaguement parce que deux mois en arrière, c’est quand même le paléolithique pour les marchés boursiers qui ont, comme tout le monde le sait : une mémoire de poisson rouge. Le temps de faire le tour du bocal et HOP ! Y a plus rien dans le cerveau et on repart à zéro.

Non, mais là, la semaine dernière c’était pas pareil qu’au mois de juin. C’était pas pareil parce que c’était différent. Oui c’était différent parce que c’est le Wall Street Journal qui nous a sauvé la fin de semaine avec un article bourré de conditionnel, de « si », de « éventuellement » et de « peut-être » qui nous ont laissé croire que « le plus gros de la hausse des taux était dans les prix ». Alors je dois vous avouer que je trouve que l’on vit dans un monde formidable. On vit dans un monde formidable, parce qu’il y a plus de 40 ans, Coluche avait écrit un sketch dans lequel il parle des médias. Dans ce sketch, il y a un passage qui dit : « on s’autorise à penser dans les milieux autorisés, qu’un accord secret « POURRAIT » être conclu ». Phrase que l’on peut facilement retrouver dans l’article du Wall Street Journal de vendredi dernier – article qui a déclenché un rallye de plus de 2.5% en trois heures – le journaliste disait : « On s’autorise à penser dans les milieux autorisés, que les certains responsables de la FED pourraient avoir envie de monter les taux moins vite à partir de décembre ».

Il y a 40 ans, dans son sketch, Coluche décortiquait la phrase en disant : « les milieux autorisés c’est un truc, de toutes façons vous y êtes pas, donc ça ne vous concerne pas et on ne vous dira rien ». Ensuite, un accord secret, c’est qu’on vous ne le dira pas, puisque c’est secret. Et « pourrait être conclu », c’est MÊME PAS SÛR !!! Et il concluait la chose en disant que quand un journaliste, il en sait aussi peu : il a quand même meilleur temps de fermer sa gueule !!!

Ne pas gâcher le plaisir

Alors moi, je ne veux pas gâcher le plaisir d’une belle journée de hausse, je ne veux pas me priver de fêter une belle semaine de bourse où les indices terminent au plus haut après avoir frisé la correctionnelle depuis trois semaines. J’adore quand ça monte et ça me déprime profondément quand ça descend. Autant vous dire que je suis déprimé depuis le premier janvier et que j’en peux plus de me nourrir aux XANAX, donc je tuerais pour le retour d’un bull market avec des technos qui inventent des produits qui n’existeront que dans 5 ans, mais qui seront tellement géniaux que l’one pourra plus jamais s’en passer. Comme de nos smartphones pourris qui nous pourrissent nos journées à scroller comme des idiots pour lire des fakes news sans arrêt. J’adorerais ne vous parler que de titres qui prennent 35% par jour parce que « ceci est une révolution » et que « les supra-conducteurs, c’est mieux que les semi-conducteurs ».

Mais quand je vois que ce marché complètement débile est capable de reprendre presque trois pourcents en autant de temps qu’il vous faut pour manger une fondue au fromage, une soupe moules et six douzaines d’huîtres. Et ce sur la base qu’un journaliste a torché un article écrit au conditionnel avec des sources qu’il ne peut pas citer parce que s’il donnait les noms des Présidents de FED qui sont en train de se demander si « hawkish », c’est VRAIMENT bien, ils se feraient tous virer pour violation du secret de fonction. Et bien je me dis qu’on est tombé bien bas et qu’il serait quand même pas mal que l’on prenne un peu de temps pour la réflexion, plutôt que de laisser les machines prendre des décisions à notre place, tout simplement parce qu’il y a les mots « pourraient » – « moins monter » – et « les taux » – dans le même article et pas forcément dans le même ordre.

Allô la terre, t’es un marché et t’as pas de shampoing ?

Ce marché est complètement déglingué et fonctionne sur base de bricolage et d’interprétations de mots et de sources qui ne sont pas forcément vérifiés. Et puis surtout, quand tu as Jerome POWELL qui te dis QU’IL NE BAISSERA PAS LES TAUX AVANT 2024, 22 minutes plus tard on ne peut pas s’empêcher de trouver une justification du style : « oui, mais la tante de mon cousin par alliance qui est divorcée de son troisième mari, et bien elle connait un type qui est ami avec son deuxième mari, et bien il s’est fait virer. Ça veut bien dire que le marché du travail va moins bien et si Powell savait ça, peut-être qu’il monterait moins les taux »…

Oui, vous l’avez compris. On est capable de s’inventer à peu près n’importe quoi comme excuse pour se la jouer Bull Market et se laisser croire que l’on est les premiers à racheter. Jusqu’au prochain chiffre du CPI qui te fait comprendre que « oups I did it again » et que les méthodes de la FED ça fait pas baisser l’inflation en 8 secondes comme la barre ovomaltine. Et on se reprend une claque en se disant que l’inflation c’est la merde, que les Banques Centrales vont nous mettre en récession, qu’on va tous mourir et qu’en plus Poutine est méchant et que du coup, on a oublié d’aller dans la forêt pour couper du bois pour se chauffer. Parce que oui, ça nous est sorti de la tête que cet hiver y va faire froid et qu’on n’aura pas d’électricité à cause de Poutine. Encore lui. Mais qu’heureusement, on a la cinglée d’Ursula à Bruxelles qui veille sur les intérêts militaires de l’Europe.

Bref, vendredi on est monté parce que la FED pourrait avoir moins envie de monter les taux une fois que les 4.25% seront atteint juste avant le sapin et que selon les stars des médias qui EUX savent ce qui va se passer, le PLUS GROS DE LA HAUSSE EST DERRIÈRE NOUS ! Oui, parce qu’en fait 8.5% sur les FED Funds, ça paraît pas plausible.

En Asie, on prend les mêmes et on recommence

Ce matin en Asie on fête la démocratie. XI Jinping a été réélu après avoir réécrit la constitution pour avoir le droit de briguer un troisième mandat et ceux qui n’étaient pas d’accord avec ça ont été pendus haut et court, ce qui semble assez logique dans une démocratie. Je soupçonne le gouvernement genevois de s’inspirer des méthodes de XI-Jinping, sans les pendaisons, bien sûr. Enfin, toujours est-il que la réélection du leader maximo qui a plus ou moins les mêmes méthodes que Staline quand on n’est pas d’accord avec lui, a moyennement inspiré le monde merveilleux des investisseurs qui ont tout vendu lorsqu’ils ont pris conscience que la politique zéro COVID allait perdurer et que ça ne serait pas une aide pour la croissance chinoise, ni pour la croissance mondiale. Le PIB chinois vient de sortir à 3.9% et pour être franc, c’est loin de rassurer les investisseurs qui préfèrent se rabattre sur les commentaires du Wall Street Journal et espérer que les délires de Musk à propos d’un éventuel « shares-buy-back » ne sont pas des délires.

Là tout de suite, le Hang Seng est en baisse de 5%, Shanghai de 1%, mais c’est surtout parce que les vendeurs seront exécutés sur place par la police et le Japon, lui profite de l’occasion pour monter de 0.6%. Le pétrole est à 84.62$ et ne bouge plus depuis 3 jours, comme le Bitcoin qui est paralysé à 19’300$. L’or, quant à lui, il remonte. C’est de la folie. Il a repris 60 balles, ça sent le bull market. On a tellement besoin de valeurs refuges en ce moment.

Les nouvelles du jour mis à part celles au conditionnel

Dans les news du jour, on notera que le Muppet Show va continuer en Angleterre, la course au Premier Ministre est en toujours ouverte, même si Boris Johnson s’est dégonflé pendant le week-end. Autrement, on parle beaucoup de la Chine, de Hong Kong qui se fait démonter et puis, l’autre chose qui obsède le marché en ce moment, c’est les chiffres du trimestre. La semaine sera énorme avec 165 sociétés du S&P500 qui publieront – on attend surtout les stars de la techno, puisqu’elles seront toutes de sortie et c’est justement ce qui fait peur aux médias financiers en ce lundi : et si les chiffres étaient mauvais ???

Il est clair que vu la peur du moment, tous les analystes sont en train de revoir leurs attentes à la baisse, histoire de ne pas avoir l’air trop cons lors des publications. On a vu comment ça a fait avec Netflix. À force de baisser, baisser et baisser encore ; soudainement les attentes sont nettement en-dessous de la réalité. Et on se retrouve avec Netflix qui était un paria et qui redevient une lumière dans la nuit. Il n’est pas exclu que la situation se reproduise quelques fois cette semaine. On va aussi parler de la BCE qui sera de sortie jeudi et du PCE aux USA. Le PCE c’est LA MESURE de l’inflation que regarde la FED, alors autant vous dire qu’en fonction des chiffres, on va se la jouer experts en décision de Powell, même si l’ensemble des banquiers centraux américains sont soumis au régime du silence jusqu’au 2 novembre, date de la fin du FOMC Meeting. Mais c’est pas grave, on est tellement forts pour spéculer sur ce qu’ils vont faire ou ne pas faire, que l’on n’a pas fini de rigoler.

Les chiffres du jour

Pour le moment les futures US surfent sur la vague de l’article du Wall Street Journal et nous sommes en hausse de 0.3% – l’Europe doit rattraper le retard, parce que le fabuleux article est sorti juste avant la clôture et on n’a pas eu le temps de remonter. Puis il y aura aussi les PMI’s des services un peu partout dans le monde et ce soir, il y a Yellen qui va parler. Alors attention parce qu’actuellement, elle est presque aussi pointue que Biden dans ses discours, alors on ne sait jamais. Du côté des sociétés, on commence en douceur avec Philips, Logitech et Huber & Suhner en Suisse. Pour les grosses berthas, va falloir attendre demain, mais vous pouvez déjà vous préparer, ça va être chaud.

D’ici-là, je vous souhaite un excellent lundi, un très bon début de semaine et n’oubliez pas de renouveler votre abonnement au Wall Street Journal, on dirait qu’en ce moment, c’est eux qui sont dans les milieux autorisés.

Thomas Veillet
Investir.ch

« Les technocrates, c’est des mecs tu leur donnes le Sahara, dans 5 ans ‘faut qu’ils achètent du sable ailleurs! »

Coluche