Je dois dire que c’est complètement fou de voir comment un week-end – 48 heures – a la capacité de changer la psychologie de l’investissement qui plane sur Wall Street actuellement. Vendredi dernier les indices américains ont fini au fond du trou en courant dans tous les sens parce que « la récession arrivait à grands pas » et ce matin, lorsqu’on lit la presse dominicale, on a presque l’impression que tout est calme et paisible et les intervenants sont juste en train de se demander si « finalement la guerre contre l’inflation n’est pas déjà gagnée et que l’on est à l’aube d’un mois d’octobre qui marquera le début de la fin de la période pourrie.

L’Audio du 3 octobre 2022

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Ô rage, Ô désespoir

Dans le cycle de vie de l’investisseur, sur ce fameux graphique que l’on ressort à chaque fois pour montrer comment l’investisseur fonctionne pour passer du désintérêt post krach boursier à l’euphorie totale et l’auto-conviction que l’on est devenu soi-même l’empereur de la finance, avant de rentrer dans la peur, la capitulation, puis la dépression – instant où l’on jurera que plus jamais on fera de la bourse. Sur ce même graphique, si l’on essaie de savoir où nous sommes aujourd’hui, il est clair que l’étape de la capitulation a été atteinte. La logique voudrait que l’on rentre donc encore en phase de désespoir. Mais visiblement, avant d’y passer – au désespoir – ce matin on a déjà l’impression que l’on veut déjà essayer de croire que l’on est passé à la phase du rebond et que l’on va pouvoir commencer à passer à la phase du « Christmas Rally » qui est quand même plus sympa à vivre que celle de « la saison des krachs » qui est imagée par les mois de septembre et d’octobre.

Justement octobre, vient juste de commencer et on peut largement se demander si l’on n’est pas en train de mettre la charrue avant les bœufs et que l’on va peut-être vite en besogne. Il est vrai que si l’on se base sur les statistiques du passé – pour autant que cela veuille dire quelque chose – on se rend compte que lorsque le mois de septembre a été totalement catastrophique, généralement, octobre est le mois de la cicatrisation et le mois de la reconstruction. Il est vrai aussi que lorsque l’on regarde comment certains titres se sont fait littéralement défoncer ces derniers mois – dans la techno surtout – on se demande s’il n’est pas temps de remettre un pied dedans si l’on part du principe que l’on va continuer à se développer technologiquement et que l’on ne retournera pas à l’âge de pierre là tout de suite. Dépendant de ce que Poutine décide, bien sûr.

Vent d’optimisme ce matin

Quoi qu’il en soit, on sait tous que dans le monde merveilleux de la finance, nous avons tendance à vivre de façon très tranchée avec peu de nuances. Nous sommes soit BEARS, soit BULLS. Il n’y a pas d’animal entre deux qui représente l’investisseur qui est « entre les deux », on est soit dans le camp de ceux qui pensent que ça va monter, soit dans le camp des dépressifs chroniques qui s’attendent au pire parce que rien ne va et que le monde se dirige à sa perte en courant à toute vitesse. Bon, là tout de suite, on peut largement admettre qu’ils n’ont pas complètement tort, tellement les arguments négatifs sont légion.

C’est d’ailleurs assez fou de voir qu’à chaque fois que l’on tente un rebond, on vient se raccrocher à des petits détails comme :

« Oh vous avez vu comme des fois le mois d’octobre est bon après un mois de septembre pourri ??? Peut-être faudrait-il acheter !!! »

Ou encore :

« Oh mais vendredi nous nous sommes arrêtés pile-poil sur la moyenne mobile des 200 semaines à 3585, ceci ne serait-il pas un signe comme quoi il faut racheter et que le pire est fini ??? »

Par contre, pendant que l’on est à la recherche d’arguments solides pour « Y CROIRE » – comme le stratège américain qui disait ce week-end que la lutte contre l’inflation était déjà largement gagnée et que l’on était à quelques semaines de voir la FED changer de stratégie. AH BON ???? Visiblement, il vit dans le monde de la science-fiction, parce que moi si je me base sur les paroles des banquiers centraux, c’est pas tout à fait ce que l’on entend. J’espère que le Monsieur en question est un bon visionnaire, parce que sinon sa stratégie se rapproche plus d’une bouteille à la mer. Non, parce qu’il faut être franc entre nous : même si l’on peut essayer de tenter le coup et de jouer le rebond sur la moyenne mobile des 200 SEMAINES, il y quand même pas mal de choses qui continuent à nous ramener à la réalité tous les matins. Des choses comme :

– Problèmes d’inflation
– Risques de récession
– Problèmes de chaînes d’approvisionnement
– Problèmes de raréfaction de certains produits technologiques et alimentaires
– Guerre en Europe
– Tensions entre la Chine et les USA
– Tensions entre la Corée du Nord et les USA,
– Les menaces qui pèsent sur Taïwan,
– L’approvisionnement en gaz qui devient inexistant pour certains pays européens
– La montée de l’extrême droite un peu partout,
– Poutine qui brandit encore et encore la menace nucléaire
– Poutine qui annexe des régions Ukrainiennes
– Zelensky qui veut devenir membre de l’OTAN le plus rapidement possible.
– L’Angleterre qui tente de freiner l’appauvrissement des ménages et qui fait s’effondrer le cours de sa dette et de sa monnaie
– L’Allemagne qui commence à faire de même
– Et la saison des trimestriels qui commencent prochainement et à voir ce que Nike ou Micron nous ont annoncé, ça risque de ne pas être drôle

Et puis y a le Crédit Suisse

Et puis, last but not least, depuis ce week-end, il y a des rumeurs persistantes comme quoi le Crédit Suisse serait au bord du dépôt de bilan. Alors on est bien d’accord que venant du Crédit Suisse, ça n’est pas la première fois qu’ils nous font le coup. Mais même si on en a vécu des vertes et des pas mûres, ils n’ont jamais été plus loin que « la rumeur de dépôt de bilan ». En tous les cas, si c’était vrai ça ne serait peut-être pas forcément négatif – enfin, je veux surtout dire « pas négatif pour les marchés », parce que l’on sait qu’à la fin de chaque cycle de bear market, on doit avoir une GROSSE FAILLITE pour pouvoir commencer à dire qu’un BOTTOM est en train de se construire. Pour ce qui est de la banque en elle-même, cela serait bien sûr catastrophique, et pour la Suisse, je ne vous dis même pas. Bon, pour être franc, je ne sais pas où en est le Crédit Suisse. Aux dernières nouvelles, la banque est en train de parler à tous les gros investisseurs pour leur dire que « tout va bien, mais qu’ils ne seraient pas contre une « petite augmentation de capital ». Notons quand même que le CDS du Crédit Suisse – en gros la prime d’assurance que l’on peut acheter si on a peur que ça parte en vrille – est au même niveau que quand Lehman est parti en faillite à l’époque.

Mais pour être franc avec vous, lorsque l’on fait la liste de ce qui ne va pas, on n’a vraiment pas besoin d’une faillite du Crédit Suisse en plus. Alors on va essayer de penser de manière optimiste, se dire qu’en Suisse y en n’a point comme nous et que le Conseil Fédéral va sûrement nous trouver une solution magique une peu comme ils l’ont déjà fait en 2008-2009 avec une « autre banque suisse ».

L’Asie

Tout ça pour vous dire que ce matin, il y a comme un vent d’optimisme, mais que l’on a tendance à oublier ce qu’il se passe dans le monde et même en Suisse… Merci au Crédit Suisse de nous le rappeler. Ce matin en Asie, la Chine est fermée et le restera pour quelques jours et non, ça n’est pas un confinement – en revanche Hong Kong est ouvert et en baisse de 1.2%, pendant que le Nikkei remonte de 0.6%. Du côté du pétrole, il y a de multiples rapports qui disent que l’OPEP va se réunir cette semaine pour couper les quotas de production. Le fait qu’ils vont se réunir, c’est vrai, c’est un fait. Le fait qu’ils vont couper les quotas, c’est le même pipeau qu’ils nous jouent avant chaque réunion et puis après, quand ils se voient, ils jouent le truc à pile ou face. Ou ils tournent la veste parce que papy Biden est venu leur hurler dessus pour leur dire que ça ne l’arrangeait pas à cause des élections de mi-mandat. Toujours est-il que l’on n’en sait rien et que le baril se traite à 81.60$ – c’est pas l’explosion non plus.

Pour le reste, l’or est à 1670$, le cuivre est en train de repartir à la baisse et que ça serait bien qu’il ne casse pas les bas d’il y a trois jours. Pour ce qui est des cryptos, si l’on part du principe que le Bitcoin est un indicateur d’appétit au risque, les envies de rebond affichées par certains ne doivent pas être de fortes convictions, parce que le Bitcoin est à 19’100$ et qu’il est plus en train de se demander s’il ne va pas aller retester les 18’500$ pour la 112ème fois depuis la fête de l’Indépendance, que de se demander si c’est en 2022 qu’il touchera les 100’000$ pour Noël.

Nouvelles du Crédit Suisse et d’ailleurs

Du côté des nouvelles du jour, mis à part une montagne d’interrogations au sujet de la solidité du support des 3585 sur le S&P500, d’ une montagne d’interrogations au sujet du Crédit Suisse et du fait que Biden a dit à Poutine que l’OTAN défendrait chaque centimètre de ses territoires et que c’est vraiment intéressant d’entendre un type qui ne saura plus ce qu’il a dit dans trois minutes faire des menaces à propos de territoires sur lesquels il n’a aucun pouvoir et sur lesquels il ne vivra jamais.

On notera aussi que Tesla a annoncé qu’ils ont livré 343’000 voitures pour le troisième trimestre 2022 – c’est pratiquement 100’000 de plus que l’an dernier à la même période, mais c’est « un poil moins » que ce qu’attendaient les « experts en Tesla » et les « experts en nombres de voitures livrées par Tesla ». Autrement, selon une dernière étude faite aux USA, les Américains sont fatigués de la récession dans laquelle ils ne sont pas encore selon leur magnifique Président et sa non-moins magnifique Secrétaire du Trésor. Bref, tout ça pour vous dire que ce matin y a pas des masses de news et que les futures sont au point mort. Un peu comme le Crédit Suisse.

Chiffres du jour

Pour cette semaine qui commence, ce mois qui commence, nous allons commencer avec les chiffres du CPI en Suisse, le budget du gouvernement français qui risque de souffrir des achats de fourrures polaires et de cols roulés pour les Ministres. Puis il y aura les PMI’s manufacturiers en France, en Allemagne et aux USA. Aux USA on rajoutera encore le Construction Spending.

Pour le moment les futures sont inchangés et je rappelle une dernière fois que nous sommes sur un support plus que délicat – c’est le dernier support – et que ça serait bien que l’on commence la semaine dans le vert et qu’on y reste. Sinon les quelques notes d’optimisme que j’ai essayé d’instiller dans ma chronique vont se transformer en prédictions dignes d’Halloween demain matin.

Excellent début de semaine, de journée et de mois à tous ! On se voit demain au même endroit.

Thomas Veillet
Investir.ch

“Focus on making yourself better. Not on thinking that you are better.”

-Harvey Specter.