Le plus compliqué n’est pas d’acheter ou de vendre des actions. Le plus compliqué est de savoir où est-ce que l’on va et surtout – ce que la FED va bien pouvoir faire. Ou pire ; ce qu’ils pensent. La journée d’hier aura vraiment été une journée d’interrogations absolues, une journée durant laquelle nous avons reçu une quantité hallucinante d’informations, mais durant laquelle nous avons été incapables d’en tirer des conclusions, tellement les unes étaient contradictoire avec les autres. On aurait dit un missile ukrainien qui tombait « par hasard » sur la Pologne.

L’Audio du 17 novembre 2022

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Dans le doute, vendons

Je pourrais faire la longue liste de tout ce qui a été dit ou fait hier, ce qui serait une bonne stratégie pour résumer toutes les informations que l’on nous a donné, mais le plus intéressant reste cependant le résultat. Hier sur l’avalanche d’informations qu’il nous aura fallu gérer, le plus important à retenir, c’est qu’à la fin les intervenants ont tout vendu en se disant que ça ne serait pas facile de trouver l’énergie pour aller plus haut après un tel rebond. Il semble évident que même si les choses vont un peu mieux depuis le dernier rapport du CPI, il n’est pas simple non plus de faire monter le marché verticalement. Nous ne sommes pas en pleine crise du COVID avec les taux à zéro et du pognon qui pleut sur nos têtes comme si ça ne coûtait rien. D’ailleurs à l’époque ça ne coûtait rien.

Mais aujourd’hui, c’est un poil plus compliqué. Cela parait fou de dire qu’aujourd’hui, dans un monde où la pandémie n’est plus qu’une information et mis à part quelques irréductibles porteurs de masques tout est revenu (presque) à la normale, nous sommes dans un monde plus compliqué qu’à la veille du confinement, mais force est de constater que durant des séances comme celles du 16 novembre, il n’est pas simple de séparer le bon grain de l’ivraie et qu’à la fin il est quand même plus simple de tout vendre et de se casser en week-end – même si nous ne sommes que jeudi.

Les tergiversations de la FED

Nous allons donc essayer de tout prendre dans l’ordre. Il y avait déjà les interventions de certains membres de la FED. Madame Daly et Monsieur Waller étaient de sortie et ont donné de informations qui ont été prises et interprétées de façons diverses et variées. Madame Daly était sur le plateau de CNBC et elle s’est fendue d’une phrase qui a laissé les marchés un peu songeurs, elle a déclaré que certains signes montrent que les consommateurs commencent à se montrer plus prudents et qu’ils se préparent pour un ralentissement économique.

On ne sait pas trop ce que ça veut dire, puisqu’elle n’a pas livré le mode d’emploi qui va avec. Cette phrase pousse cependant à se poser des questions. Tout d’abord, est-ce que le consommateur sait mieux que la FED où se dirige l’économie ? Ou alors, doit-on supposer que c’est la réaction du consommateur qui va diriger l’économie droit dans le mur et que la FED doit se méfier des gens qui préfère économiser plutôt que d’acheter le dernier iPhone 14 X Max Pro avec un écran d’un mètre carré de surface et qui se transporte avec une brouette ? La réponse n’est pas très claire, mais le marché a interprété la chose comme étant une nouvelle moyennement bonne et sur l’échelle des bonnes nouvelles, elle aurait reçu un 5, sachant que l’échelle en question comporte 10 niveaux. Quant à Monsieur Waller, il a laissé entendre que la FED avait pris note que l’inflation avait ralenti et qu’ils allaient agir en fonction pour les taux. Le marché a immédiatement interprété ça comme étant une phrase alambiquée pour dire qu’ils allaient baisser les taux. Chose qui aura provoqué des soubresauts à la hausse. Waller a ensuite passé le reste de la séance à dire que ce qu’il avait dit ne voulait pas dire qu’ils allaient arrêter de monter les taux… Mais les indices étaient déjà partis sur autre chose.

Économie et chiffres trimestriels

En dehors de notre propension maladive à écouter les gens de la FED et à interpréter à volonté leurs paroles, il y avait aussi les chiffres des ventes de détail. Des chiffres qui étaient nettement au-dessus des attentes et qui laissaient à penser que l’économie était encore forte. Et qui rendaient encore une fois la chose très difficile à interpréter. Oui, parce que si les chiffres sont forts, c’est que le consommateur est fort. Et si le consommateur consomme, ça veut aussi dire que c’est inflationniste et que la FED va continuer à serrer la vis du côté des taux. Alors oui, avec l’inflation qui baisse, on va monter MOINS les taux, mais les monter quand même. Il semblerait qu’hier nous avons enfin compris qu’une hausse de 0.5% reste quand même une hausse.

Donc les ventes de détails étaient fortes, ce qui laissait supposer que le consommateur va bien. Sauf qu’en même temps, Target a publié des chiffres pas terribles et à prévenu que le reste de l’année ne serait pas terrible non plus. L’espèce de vision toute pourrie qu’ils nous ont vendu hier a fait chuter le titre de 13% et les commentaires qui allaient avec, nous ont fait se poser des questions sur le consommateur. En effet, on s’est demandé CE QU’IL CONSOMMAIT. Et il semblerait que ça fasse toute la différence. Hier Target a expliqué que leurs clients se concentraient surtout sur les choses de première nécessité et la nourriture. En revanche, les gadgets qui ne servent à rien, si ce n’est à se faire reluire en société, étaient quelque peu délaissés. Ce qui tend à confirmer les déclarations de Madame Daly : le consommateur est en mode défensif. Il a peur. Et sa peur pourrait bien précipiter l’économie en récession. Les indices ont donc terminé en baisse en se disant que le fait que l’inflation baisse, c’est bien. Mais si c’est pour se jeter dans les bras de la récession, ça ne vaut pas non plus la peine.

En Asie

Ce matin l’Asie est dans le rouge également. Le Japon recule de 0.35%, Hong Kong plonge de 1.65% et la Chine abandonne 0.65%. Il faut dire que le fait qu’un tanker ait été attaqué dans le Golf d’Oman mardi et que l’annonce faite par les Américains ce matin en désignant les Iraniens comme responsables – n’aide pas forcément à apaiser les choses. On entend parler de tensions militaires un peu partout et si en plus on donne des raisons aux Américains pour envahir l’Iran, ça ne va pas simplifier les choses. Tout en se souvenant que Biden reste encore le seul Président Démocrate de l’histoire à n’avoir pas encore envahi un pays. Il doit atteindre un niveau de frustration inouï – pour autant que sa mémoire lui permette de se souvenir de ce genre de choses. On notera aussi que les marchés asiatiques ont peur que la FED reste hawkish et que le COVID reparte de plus belle en Chine. C’est tout de même incroyable que ça ne soit que chez eux que ça reparte, je les soupçonne de continuer à manger du pangolin.

Du côté du pétrole, on continue à baisser en direction des 84$ – et pendant ce temps, le prix de l’essence monte. C’est ce que l’on appelle les vases NON-communicants. C’est un peu comme si en été on nous faisait payer le chauffage que l’on n’utilise pas en prévision de l’hiver de dans deux quand il fera très froid. L’or est à 1766$ et le Bitcoin est à 16’500$ et il paraît qu’il y a un autre exchange qui s’appelle Genesis qui a également stoppé les retraits, ce qui doit sûrement être une bonne nouvelle. Pendant ce temps, les autorités américaines se demandent si cela serait une bonne idée d’arrêter SBF. Pour l’instant, cela semble hyper-compliqué de trouver une réponse.

Nouvelles du jour

En plus des tensions militaires actuelles, nous avons eu droit à Ray Dalio qui est venu nous dire que selon lui la Chine devrait s’attaquer à Taïwan dans les 24 prochains mois, ce qui devrait donc également déclencher l’intervention de l’armée US et de Warren Buffet parce que ça n’arrangera pas ses investissements en Taïwan Semiconducteurs. Et puis on a aussi parlé du missile qui est tombé sur la Pologne. Après les hurlements de vierge effarouchée de Zelensky qui a insisté toute la matinée pour que Poutine soit considéré comme un terroriste-assassin et un boucher sanguinaire, et qu’il fallait que l’OTAN rase la Russie à l’arme nucléaire, puis vienne finir Poutine à coups de pieds. On a finalement appris que le missile assassin russe pourrait finalement être un gentil missile Ukrainien qui s’est bêtement perdu en Pologne.

Mais ça n’est pas tout, on notera aussi que Cisco a publié de bons chiffres, que Micron a plus ou moins averti que le reste de l’année ne serait pas simple et qu’ils allaient se faire démonter. Ce qui a vraiment simplifié la vie de leurs concurrents. Hier soir Nvidia a publié des chiffres plus que corrects et le titre montait de 2% after close, laissant espérer que le pire était derrière eux. On entend aussi dire ici et là qu’Elon Musk aurait identifié un CEO pour Tesla – je vous rassure, ça n’est pas moi – et qu’il chercherait également un CEO pour Twitter. Donald Trump serait sur les rangs, vu que Président des Etats-Unis semble un peu mal barré à voir le nombre de médias qui se foutent de sa candidature et le nombre de procureurs qui lui courent après. Et puis, les Républicains ont donc gagné leur partie des élections et on va pouvoir commencer à parler de « gridlock » et de plafond de la dette.

Autrement, l’inflation en Angleterre est sortie à 11.1% et c’est le plus haut jamais vu depuis 41 ans. Elle n’est visiblement pas aussi contrôlée qu’aux USA. Il y a aussi la patronne du FMI qui a déclaré que la guerre en Ukraine sera le « facteur négatif le plus important » pour l’économie mondiale cette année, et probablement l’année prochaine. C’est impressionnant. Surtout sachant qu’à peu près tout ce qui se consomme sur terre provient d’Ukraine. Que ce soit des voitures ou de la moutarde. Des avions, des bateaux de croisière, du pétrole ou du cuivre, tout vient de là-bas. L’Ukraine est le poumon de la planète et Zelensky et pratiquement le Premier Ministre français, tellement il est copain avec Manu.

Chiffres du jour

Côté chiffres du jour, il y aura le CPI en Europe – chiffre qui devrait baisser après les frappes chirurgicales de Madame Lagarde. Et puis il y aura les Jobless Claims et le Philly FED aux USA. Pour le moment les futures sont en hausse de 0.24% et franchement, je ne sais pas pourquoi. Mais comme nous avons tendance à passer du côté hawkish et du dovish toutes les cinq minutes avec une telle facilité, que je crois que c’est par là qu’il faut chercher.

Mis à part ça, il me reste à vous souhaiter une excellente journée et à vous remercier d’avoir été avec moi ce matin. En ce qui nous concerne, on se retrouve demain !!!

Thomas Veillet
Investir.ch

“Would you like me to thank your face with my fist?”

-Harvey Specter.