La dernière fois que j’ai rédigé une chronique, c’était vendredi dernier. On venait de vivre la première séance post-Powell. Séance durant laquelle il nous avait dit qu’on pouvait aller se faire voir avec nos désirs de pivot. Ou même de « dovishness ». On était en train d’attendre les chiffres de l’emploi de vendredi en se basant sur le fait que si c’était trop fort on était mal parce que cela forcerait la FED à être encore plus méchante. Et les chiffres sont effectivement sortis bien plus forts que prévu. Sauf qu’on nous a sauvé les fesses en nous inventant une nouvelle neuve : « On s’est autorisé à penser dans les milieux autorisés, que la Chine arrêterait sa politique zéro COVID ».

L’Audio du 7 novembre 2022

Télécharger le podcast

Garcimore

Et ce fût magique. Magique parce qu’en quelques secondes on a tout oublié : la hausse des taux, l’inflation, la guerre, les chaînes d’approvisionnement, le fait que Biden va se faire botter le cul aux mid-term, la dissolution éventuelle du gouvernement Macron. Même la démission de Madame Sommaruga a été mise de côté. Soudainement, rien que le fait que la Chine puisse stopper sa politique « zéro-COVID » du jour au lendemain, juste après que la MÊME Chine ait enfermé des milliers de visiteurs dans un Disneyland local parce qu’un canard et une souris avaient été testé positifs, pouvait instantanément résoudre tous les problèmes.

Instantanément on s’est dit qu’un milliard de Chinois allaient débarquer par charters à Paris pour aller acheter des sacs à mains. Oui, parce que si vous êtes Chinois et que l’on vous a enfermé chez vous pendant presque 3 ans, la première chose que vous rêvez de faire, c’est d’aller faire la queue devant la boutique LVMH avec 350 Japonais pour aller acheter un sac en plastique. Du coup, les marchés se sont envolés comme un seul homme, l’Europe explosait de joie, les USA étaient un peu plus sur la retenue, parce que quand même 260’000 créations d’emploi quand on en attendait 200’000, ça fait beaucoup. Mais c’est pas grave, on allait trouver des solutions pour dire que c’était beaucoup, mais qu’il y avait quand même des signes de faiblesse. Et puis on se raccrochait vraiment à cette EXCELLENTE NOUVELLE qui venait du côté de la Chine.

Des fissures apparaissent

Non, aux USA on s’est accroché au fait que des fissures étaient en train d’apparaître dans l’économie. Des fissures qui commençaient à laisser à penser que le plan machiavélique de la FED pour pourfendre l’inflation, commençait à fonctionner sans accroc. Ceux qui ont pris le temps d’analyser les chiffres de l’emploi en détail se sont rendus compte que, bien que le chiffre ait été meilleur que prévu, il a tout de même marqué le plus faible rythme de progression de l’emploi depuis décembre 2020. C’était peut-être la bonne nouvelle du jour qui aura permis aux marchés de faire l’inverse de ce qu’ils auraient dû faire dans cette période où ils ont tendance à faire l’inverse de ce que l’on penserait qu’ils feraient instinctivement.

Et puis n’oublions pas non plus qu’Apple a annoncé qu’ils gelaient leurs engagements, tout comme Amazon. Il y a aussi Twitter qui licencie massivement pour le plus grand plaisir du maître du monde qui se prend toujours un peu plus pour un Dieu vivant. Et ce week-end, le Wall Street Journal nous a abreuvé d’une de ces nouvelles que l’on adore. Une de ces nouvelles qu’ils ont apprise de source sûre auprès d’un anonyme qui préfère ne pas donner son nom parce que sinon, ça serait trop facilement vérifiable comme « source journalistique ». Cette fois on a appris auprès des DIEUX de l’information boursière que sont le Wall Street Journal, que Facebook/Meta Plateform/Instagram/WhatsApp allaient procéder pour la première fois de leur histoire ; à un plan de licenciement massif. C’est dire si l’emploi est en train de ralentir et que l’on commence à ressentir les bienfaits du plan magique de la FED. Ce qui justifiait parfaitement la réaction inversée de vendredi soir. Ça et le plan Chinois d’arrêter la stratégie zéro-COVID.

Elle court, elle court. La rumeur.

Cette fois la rumeur venait de chez Bloomberg. On avait trouvé quelqu’un quelque part qui ne voulait pas dire son nom, mais qui croyait savoir via le cousin du beau-frère de sa meilleure amie qui avait parlé à une connaissance croisée dans la rue qui pensait avoir entendu quelqu’un proche du gouvernement chinois qui laissait à penser qu’ils allaient annoncer un plan de levée de restrictions. Et puis, ce week-end, on apprenait de la part des sources officielles chinoises que ceux qui croyaient que le Zéro Covid allait se terminer, se fourraient le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Par contre, ce qui est assez fou, c’est qu’à voir les réactions des marchés ce matin : tout le monde s’en fout du démenti. On s’accroche à la rumeur. On ne sait jamais.

Ce qui me permet de rebondir sur un article du Wall Street Journal qui a été publié il y a un peu plus de deux semaines. Alors oui, je sais, un peu plus de deux semaines, c’est une éternité. Mais toujours est-il que lors de la publication de l’article en question, le journaliste avait écrit qu’il avait eu vent d’une source anonyme inconnue, mais proche de la FED, qui avait déclaré que Jerome Powell se préparait à changer de politique et d’adoucir son cycle de hausse des taux. Ce changement devait être annoncé le 2 novembre lors du FOMC Meeting.

Sur cet article, les marchés mondiaux s’étaient emballés et avaient pris l’ascenseur en plein délire en se disant que « c’est bon, cette fois c’est la bonne !!! ».

Évidemment, rien ne s’est passé de tel le 2 novembre, comme vous le savez. À ce jour, je n’ai vu personne se plaindre de cet article qui était un tissu de mensonges non-vérifiés, je n’ai vu aucune intervention des autorités pour dire que ce genre d’info étaient « bordeline », je n’ai vu, ni lu, aucun expert de Wall Street se plaindre de tels mouvements qui sont induits par un ramassis de conneries. C’est devenu le « new normal ». Et le rebond de vendredi sur la Chine doit, pour l’instant, être également classé dans le même carton de rumeurs pourries à deux balles qui font réagir les algos et les systèmes de trading électroniques. On n’est pas loin du même niveau intellectuel et financier de ce que l’on a vécu avec la folie des « Wallstreetbets »… Encore un rallye de 3% qui aura été fait sur du vent, mais auquel on continue encore de croire.

En conclusion, on ne sait tellement plus quoi penser, ni qui croire que dès qu’une source officielle d’un quelconque journal un peu connu, raconte n’importe quoi, on y croit comme si c’était inscrit dans la constitution. Et surtout, surtout on ne prend pas le temps de vérifier, de contrôler ou de se faire une vraie opinion. NON ! On court comme des bœufs pour acheter tout et n’importe quoi. Puisque tout le monde le fait, même si les 3% de hausse sont fait sur du vent et des mensonges, c’est toujours 3%. Le pognon reste du pognon.

Ce matin en Asie

Ce qui est fou, c’est que ce matin, tout monte en Asie parce que je cite : « les investisseurs observent les signes qui laisseraient à penser que la Chine va détendre sa politique COVID ». Du coup, Tokyo monte de 1.3%, le Hang Seng continue de cartonner avec une hausse de 3.4% et la Chine progresse de 0.45%. Donc le gouvernement chinois nous dit clairement que rien ne change, mais nous, les experts, on s’en fout, on continue à chercher quand même. J’ai quand même des fois l’impression que l’on vit dans un monde un peu bizarre où la pensée est devenue unique et irrationnelle. Ou alors c’est peut-être juste que je suis devenu trop vieux pour ces conneries.

Du côté du pétrole, ce matin ça rebaisse un peu. Ben oui, vendredi c’était monté très fort parce que les Chinois allaient déconfiner. Le baril était monté à 92.87$ et ce matin, comme ils ne déconfinent plus, mais qu’on n’y croit pas encore vraiment, le baril rebaisse et le WTI se traite à 91.41$. Cette récente hausse à 2 jours des élections de mi-mandat a dû faire très plaisir à grand-papa Biden qui fait tout pour que ça baisse depuis un mois. On verra le résultat des urnes mercredi matin. Si ça se trouve, tout ça n’est qu’une manipulation de la Chine pour mettre Biden dans la panade. Ça, ça serait rigolo. Du côté de l’or, on est à 1676$ et le Bitcoin se traite autour des 21’000$, sans trop avoir vraiment envie de casser à la hausse visiblement, peut-être qu’une bonne rumeur en provenance du Wall Street Journal lui permettrait enfin de s’envoler vers le firmament.

Les nouvelles du jour

Du côté des nouvelles du jour, ce matin on attend toujours confirmation de la rumeur comme quoi la Chine se détend. La Chine a démenti, mais on n’est toujours pas très sûr. C’est quand même Bloomberg qui l’a dit. Et Bloomberg est quand même plus fiable que le gouvernement chinois. Autrement, je sais bien que tout le monde s’en fout des tensions militaires à droite et à gauche, mais Kim Jong Un et demi menace à nouveau les Américains qui font joujou avec leurs avions dans la région. Menace à l’arme nucléaire, on s’entend bien. Parce que sinon c’est pas drôle. Il y a aussi Zelensky qui n’ira pas au G-20 si Poutine y va. Ça tombe bien parce que l’Ukraine ne fait pas partie du G-20, sauf erreur.

Autrement on notera que Foxconn a coupé ses prévisions pour le reste de l’année, ce qui a poussé Apple à prévenir que ça ne va pas être simple de trouver un iPhone à 1’500 balles pour les fêtes de Noël et que vous avez intérêt à courir dans le premier Apple Store qui passe pour y planter votre tente Quechua et attendre les prochaines livraisons. Je rappelle aussi que le Wall Street Journal nous annonce une vague de licenciements chez Zuckerberg. Peut-être que sur ce coup-là, ils auront raison. Cette fois. On notera aussi que Musk qui est le spécialiste mondial de la liberté d’expression a fermé tous les comptes Twitter qui se sont nommés « Elon Musk ». Chez les milliardaires on veut bien être décontractés du slip, mais faut quand même pas trop qu’on se foute d’eux. Et puis n’oublions pas qu’il y a la COP27 qui commence et que tous les grands de ce monde vont nous expliquer comment il faut faire pour ne pas polluer, le tout en y allant en jet privés avec 12 limousines chacun pour se déplacer. On se réjouit qu’on nous prenne encore un peu plus pour des idiots.

Les chiffres du jour

Pour le reste, on va se concentrer sur les chiffres du jour. En plus des rumeurs qui proviennent des médias. Alors oui, je sais, c’est beaucoup moins drôle, mais au moins on va se concentrer sur un peu de concret. Côté économique, la Chine a foiré ses chiffres d’exportation ce matin, mettant du côté un coup de frein momentané aux espoirs de croissance et maintenant on attendra les chiffres de l’emploi en Suisse, la Production Industrielle en Allemagne, le sentiment des investisseurs en Europe et il y aura aussi Madame Lagarde qui parlera. On ne sait jamais. Côté chiffres du trimestre, il y aura Palantir, BioNTech, Activision, Mosaic, Lyft ou encore TripAdvisor.

Pour le moment les futures sont en baisse de 0.10% et on attend visiblement de voir qui, d’entre Bloomberg et le gouvernement chinois ont raison sur la nouvelle stratégie COVID. Le suspense est intenable. Bon. Moi je vais jouer au Powerball et si jamais je gagne, je ne serai pas là demain matin.

Alors peut-être à demain.

Thomas Veillet
Investir.ch

“I’m getting too old for this”

Roger Murthaugh