C’est tout bonnement incroyable comme nous avons une vision à court terme et la capacité de se concentrer sur une seule chose à la fois, comme si plus rien n’existait ailleurs. Alors que depuis des semaines on ne parle que d’inflation, de hausse des taux et de ce que va faire Powell dans un mois, soudainement en l’espace de quelques heures, nous sommes passés du statut d’experts en économie capables d’utiliser le moindre chiffre économique pour anticiper ce que sera la décision de la FED en mars 2034 à experts en « qu’est-ce qui va se passer si le Congrès Américain est à majorité Républicaine ? ». Depuis lundi matin ce n’est que sondage et théories géopolitiques.

L’Audio du 9 novembre 2022

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Et maintenant ? Ben maintenant rien

Que sondages et théories géopolitiques depuis ce week-end, et ce matin nous ne sommes toujours pas plus avancés qu’avant. Les premiers sondages laissent à penser que les Républicains sont plutôt bien partis pour empêcher Biden de faire ce qu’il veut pour les deux prochaines années. Enfin, quand on dit « empêcher Biden de faire ce qu’il veut », c’est surtout « empêcher ceux qui pilotent Biden de faire ce qu’ils veulent ». Parce qu’il faut bien reconnaître que Biden ne fait plus grand-chose depuis longtemps, sachant que ça fait un moment qu’il ne sait plus reconnaître sa droite ou sa gauche si ça n’est pas écrit en bas de page de son discours du jour. Mais toujours est-il qu’une victoire des Républicains DEVRAIT être – selon les experts, les mêmes experts qui ont si bien vu venir le problème de l’inflation – permettre au marché de déclencher son rallye de fin d’année.

Oui, parce qui dit Républicain, dit baisses d’impôts à la mode Trump et serrage de vis au niveau des dépenses dans tous les sens. Alors vous me direz : « oui, mais le marché aime bien quand le gouvernement dépense plein de dollars !!! » Et vous aurez raison, sauf que là tout de suite, trop de dépenses veut dire plus d’inflation et en ce moment, on n’a pas trop envie ne serait-ce que d’imaginer que l’inflation puisse remonter encore un peu plus haut. En résumé, les sondages donnent les Républicains vainqueurs du Congrès et les Démocrates garderaient le Sénat. Pour faire simple, on va rapidement parler de « Gridlock » et « plafond de la dette ». Et en saupoudrant tout ça de taux qui montent et d’inflation qui ralentit (ce qui devrait être confirmé jeudi), ça devrait être pas trop mal. On devrait même pouvoir profiter sereinement du rallye en l’honneur du gros avec la barbe blanche et les rennes qui bossent un fois par année.

Le pire des scénarios

Toujours selon les médias financiers qui sont toujours très bien informés par des sources qui préfèrent rester anonymes, en cas de victoire des Démocrates et dans le cas où ces derniers ramasseraient toutes les médailles, ça serait une catastrophe. Il y a aussi un autre cas de figure qui pourrait créer des sueurs froides à Wall Street. En cas de non-publication des résultats dans certains états disputés. Si ce cas devait se présenter et que l’on restait trop longtemps dans l’inconnu et le doute, il se pourrait que les marchés n’aiment pas trop. D’ailleurs les marchés n’aiment pas ne pas savoir. Quand ils ne savent pas, ils inventent des trucs et ils spéculent ce qui pourraient éventuellement se passer et ça ne se finit jamais bien.

Hier on a donc pris le choix de se dire que les Républicains allaient gagner clairement et que l’on serait dans le mood rallye de fin d’année et puis c’est tout. C’est en tous les cas le sentiment que cela donnait. Reste à voir comment nous allons nous comporter durant la séance. Il faut dire qu’en général quand on essaie de prédire l’économie, on n’est pas très bon, mais je crois que la politique, c’est pire. Pour mémoire, je rappellerai simplement que l’élection de Trump nous avait été vendue comme la seconde plus grosse catastrophe boursière depuis l’invention des krachs boursiers et qu’à la fin ça aura été tout de même une performance de 70% sur la durée du mandat.

Peu importe

Mais peu importe, pour le moment on s’accroche au fait que les Républicains vont gagner et que ça nous permettre de bien finir l’année et que 2023 ne sera que champagne et toasts au caviar. Donc, si j’ai bien tout compris, ça fait des semaines qu’on nous les brises pour que l’inflation baisse et que Powell devienne moins agressif sur la hausse des taux, alors qu’en fait, à entendre le monde de la finance ce matin, il aurait suffi que les Républicains soient au pouvoir pour que tout soit réglé. Si ça se trouve, dès qu’ils auront la main sur le Congrès ; la guerre va s’arrêter en Ukraine, Kim Jong Un va œuvrer pour la paix, l’Iran permettra aux femmes de faire ce qu’elles veulent, les Chinois vont lever les lois anti-COVID et ils vont déplacer la coupe du monde de Foot du Qatar en l’Ukraine pour que ça fasse plus de sens.

L’inflation devrait ensuite retourner à 2% afin que la FED puisse mettre la pédale douce sur les taux. Taux qui vont rebaisser dans la foulée, ce qui permettra au marché de l’immobilier de se stabiliser et aux loyers de revenir à la normale. À entendre la presse, les Républicains sont LA SOLUTION à tous les maux. Si ça se trouve, ils vont réussir à régler le conflit Israélo-Palestinien en moins de deux semaines. Évidemment que j’ironise, mais quand on voit ce qu’on voit, on se rend quand même compte que l’on a la mémoire très très courte et qu’il fût un temps, on vomissait sur la politique de Trump qui était « atypique » et « déstabilisante ». Et là, on est à deux doigts de lire que sans lui, l’Amérique est foutue.

Il se passe autre chose, ou bien ?

Alors pendant que l’on scrute les urnes et que l’on essaie de penser à autre chose qu’au fait que la FED continue de monter les taux et que Powell est méchant avec nous, il y a des sociétés qui continuent de publier. Hier nous avons eu Lyft, le concurrent d’UBER qui s’est complètement vautré, chiffres décevants et perspectives pas terribles, le titre s’est fait déglinguer de 23% pour terminer autour de 10$. Pas mal pour un titre qui valait 88$ après son IPO. Il a aussi Take-Two qui s’est montré très prudent pour l’avenir qui perdait plus de 13%. Mais le plus important de tous était probablement Disney.

La boîte à Mickey a publié le meilleur trimestre de son histoire. Il faut dire qu’avec la stratégie des Chinois qui enferment les gens dans les parcs d’attractions tant qu’ils ne sont pas soit 1) guéris du COVID, soit 2) morts du COVID, ça permet de forcer les gens à consommer. Mais au-delà du trimestre qui vient de se terminer, la souris géante a déclaré – un peu comme Roubini – que l’avenir serait très dur et que c’est probablement les forces du mal et le côté obscur de la force qui devraient prendre le pouvoir dans les prochains mois (oui, parce que Disney a AUSSI les droits sur la guerre des étoiles). Le titre perdait jusqu’à 10% hier soir after close mais remontait pour n’en perdre que 6.8%, à la fin.

En Asie ailleurs

Ce matin l’Asie semble vouloir parier sur le fait que les Démocartes vont gagner, puisque l’ensemble des indices sont dans le rouge. Le Japon baisse de 0.5%, la Chine de 0.35% et Hong Kong de 1.5%. Il faudra aussi noter que plusieurs médias parlent du fait que les investisseurs étrangers ne croient pas au changement de politique de Pékin sur le COVID, ce qui fait que la hausse déclenchée par les rumeurs du Wall Street Journal et de Bloomberg sont en train de faire long feu. Mais le sujet de la nuit et du matin, c’est surtout les développements dans l’affaire Binance/FTX. Hier matin on nous disait que Binance liquidait ses tokens de FTX (le FTT) et en fin de journée, on apprenait que, finalement, le jeune génie de la crypto, Bankman-Fried, a appelé au secours pour des problèmes de liquidités. Du coup, le patron de Binance a proposé le rachat. L’ensemble des cryptos se sont fait taper dessus par peur « de liquidité réduite ». Le Bitcoin est à 18’200$ après avoir retesté les plus bas du mois de juin. Mais attention, restester n’est pas casser.

Le FTT a donc perdu 85% de sa valeur – et la fortune de Bankman « serait passée » de 15 milliards à…2… Alors vous me direz : oui, il lui reste 2 milliards. Et c’est vrai. Mais quand même, ça doit faire bizarre. J’imagine qu’il n’a pas dû trop bien dormir. Toujours est-il que le tremblement de terre a fait des victimes collatérales, puisque Coinbase a perdu 11% sur la nouvelle – la peur de la concurrence sans doute. Pendant ce temps, le baril hésite et se traite autour des 89$ et sur un coup de tête et dans un vent de folie, l’or est remonté au-dessus des 1700$. À 1711$ pour être précis.

News of the day

Dans les nouvelles du jour on épluche toujours les résultats des élections US. En attendant, rien ne se passe. Nous allons probablement voguer toute la matinée au gré du dépouillement. On notera aussi que tout le monde s’interroge sur le fait que Musk a vendu pour 4 milliards de dollars en Tesla APRÈS avoir finalisé le deal avec Twitter. Ce qui paraît étrange à certains. A-t-il besoin de cash pour les cadeaux de Noël ou a-t-il besoin de cash pour faire tourner Twitter ? Telle est la question. Une chose est certaine, de plus en plus de gens ont peur qu’il délaisse Tesla. Le graphique fait peur.

Du côté économique – tout de même – on notera que Rosengren, Président de la FED de Boston, estime que nous nous dirigeons vers une « légère récession » en 2023. Alors ça va. Ça va si c’est que légère. Aujourd’hui nous aurons également les chiffres des hypothèques aux USA. Et puis il y aura aussi la BCE qui se verra, mais qui ne devrait rien faire, il se voient juste pour boire un café. Et tout2 en fin de journée, il y aura encore les inventaires pétroliers. Pour le moment les futures oscillent depuis 2 heures entre moins 0.25% et plus 0.25%.

Pour être franc, je ne suis pas certain que tout ce bazar va nous changer la vie, mais certains semblent y croire. Pourvu que ça dure, je dois dire que si l’on peut s’abstenir de parler taux, FED et inflation jusqu’à jeudi après-midi, je suis preneur. D’ici-là, il me reste à vous souhaiter une très belle journée et on se revoit demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

Love the life you live. Live the life you love. -Bob Marley