Hier j’ai fait un bref calcul. Depuis que j’ai commencé à rédiger ces chroniques boursières, que ce soit depuis mon mail professionnel en 2006 ou via le Morningbull dans la Tribune de Genève dans les années de crise, j’en suis à pratiquement 4'750 chroniques. Autant vous dire qu’il y a forcément des cycles qui se répètent et le sentiment de « déjà vu », revient régulièrement. Il y en a un qui revient souvent, c’est celui de la journée qui ne sert à rien. Pour ceux qui n’ont pas compris, la journée qui ne servait à rien, c’était hier. Peu importe ce qui est sorti, que ce soit lié à la Chine, à l’inflation ou aux prédications diverses et variées des gourous, ça ne servait à rien.

L’Audio du 30 novembre 2022

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Le CPI ? On s’en fout

Hier matin nous étions tout motivés parce qu’il y avait des données du CPI qui sortaient en Allemagne et en Espagne. Il semblait plus qu’évident que cela devait être un « game changer ». En plus, que ce soit en Allemagne ou en Espagne, dans les deux cas, l’inflation a chuté massivement. Le CPI Allemand était attendu à 10.4% et il est sorti à 10%. Quant à l’Espagne, il était attendu à 7.4% et il est sorti à 6.8%. Quand on voit que lorsque les Américains ont amélioré leurs chiffres à eux de 0.2% et que le marché a pris 10% dans la foulée, on aurait pu s’attendre à une vague de feux d’artifices au travers de l’Europe et à voir Madame Lagarde entamer une danse de la victoire en arrivant au poteau de corner, comme si elle avait marqué le but victorieux de la Coupe du Monde.

Pourtant il n’en fut rien. Alors on nous dira que oui, bien sûr, nous avions déjà tout « pricé » en montant lors de la publication des chiffres américains. Parce que tout visionnaires que nous sommes, nous savions déjà que ça serait meilleur et que dans notre besoin OBSESSIONNEL de tout anticiper…eh ben… on avait tout anticipé. Les chiffres de l’inflation en Allemagne et en Espagne ne nous auront donc absolument rien apporté de neuf et je suis pratiquement certain que les MÊMES chiffres qui seront publiés par la France et l’Europe ce matin, ne nous avancerons pas plus. Ceux de la France, parce qu’ils sont magouillés avec leurs boucliers tarifaires et ceux de l’Europe ne devraient être qu’une interpolation mathématique de ceux de la France, de l’Allemagne et des autres. En gros ; on sait, on savait et on saura.

La Chine ? On s’en fout aussi

Un des autres sujets de la journée, c’était la Chine. En ce moment, la Chine est clairement une des grosses interrogations du moment. Nous sommes partagés entre révolution, stimulation économique et allègement des mesures anti-COVID. C’est d’ailleurs comme cela que l’on peut résumer les 48 dernières heures en Chine. Lundi on se révolte. Mardi matin le gentil gouvernement de Xi-Jinping nous invente un 243ème stimulus économique qui ne va pas fonctionner. Dans la nuit de mardi à mercredi, on parle de rumeurs qui laisseraient supposer que le toujours aussi gentil gouvernement de Xi-Jinping pourrait éventuellement peut-être alléger les mesures anti-COVID – rumeur qui a probablement été dégotée par le Wall Street Journal.

Mais peu importe le rythme des infos qui proviennent de là-bas et peu importe qu’elles soient complètement à l’opposé les unes des autres, on dirait que les intervenants s’en foutent comme de leur première publication des Minutes du FOMC Meeting à l’époque où les bourses électroniques n’existaient pas encore. Et puis ça n’est pas tout puisque ce matin on apprend que les chiffres du PMI chinois sont nettement en-dessous des attentes. Ils ont annoncé un chiffre de 48, contre 49 attendu et contre 49.2 le mois dernier. Si l’on avait encore un doute sur le fait que la Chine était en « contraction », il est clairement levé. Pourtant, malgré ce nouveau chiffre tout pourri au pays des dragons et des raviolis à la vapeur – d’ailleurs je prendrais bien un 39, un 56 et un 42 pour midi – oui, malgré ce chiffre tout pourri, le marché ne fait strictement rien. J’en suis à me demander s’il ne serait pas plus simple de fermer les bourses mondiales en attendant le FOMC Meeting du 13-14 décembre – de les rouvrir pour fêter l’annonce de Powell et de fermer jusqu’au 2 janvier 2023.

Le pétrole ? Complètement égal.

Au chapitre des rumeurs, il y avait aussi celle qui disaient que « selon une personne proche du dossier mais qui préfère rester anonyme aurait laissé entendre que l’OPEP serait sur le point de réduire la production de l’or noir ». Le baril, qui s’était fait déglinguer sur les rumeurs et les craintes de voir la Chine entrer en révolution ET en ralentissement économique, a donc rebondi massivement pour aller titiller les 80$ sur le WTI. Les analystes et autres diseurs de bonne aventure sur le sujet se sont tous jetés sur le sujet pour revenir avec des nouvelles « visions » pour les mois à venir.

À ce stade, je pourrais me moquer de l’analyste de Goldman Sachs qui est revenu avec la même théorie qu’il y a deux semaine mais avec un price target différent – 110$ au lieu de 115$ en 2023 – ce qui va clairement tout changer à la pompe – je pourrais aussi me moquer des multiples avis divergents à ce sujet que l’on trouve dans la presse de ce matin et dire que quand on en sait aussi peu, on a peut-être meilleur temps de fermer sa gueule, mais en l’occurrence, je vais me contenter de dire que l’on n’est pas plus avancé qu’avant et que la rumeur n’aura fait que péniblement remonter certains titres pétroliers qui ne semblent plus pouvoir aller en avant après deux ans de « bull run ».

La FED ? On ne sait plus quoi penser de tout façon

Et puis, le dernier sujet qui nous occupait, c’était la FED. La FED et ses multiples présidents qui parlaient dans tous les coins pour dire que la hausse des taux c’est pas fini et que la FED ne renoncera pas tant que l’inflation n’est pas en train de crier grâce et qu’il ne faut pas s’attendre à un tournage de veste massif dans 2 semaines. D’ailleurs, c’est principalement Monsieur Bullard qui fait parler de lui. Monsieur Bullard c’est un nouveau super-héros qui devrait intégrer les Avengers de Marvel ou rejoindre Batman et Superman dans les DC Comics. Son nom sera : SUPER-HAWKISH.

Il en a d’ailleurs remis une couche en disant innocemment que ceux qui imaginait voir la FED baisser les taux à court terme (restant à définir le mot « court terme), ces gens-là se fourraient le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Et encore, ça c’était la version polie. Eh bien figurez-vous que même ce genre de divagation de la part d’un banquier central n’impactait pas le marché. Il faut dire que cette après-midi, il y a le grand-patron, le big boss, Jerome Powell qui va parler. Et du coup, on s’est empressé de boucler la séance sans rien faire, si ce n’est taper sur Apple parce qu’ils ne vont plus jamais vendre des iPhone’s.

Tout ça pour dire que la journée d’hier…

Tout ça pour dire que la journée d’hier n’aura servi à rien, si ce n’est à réviser les sujets qui nous préoccupent et à remarquer que personne n’a dit le moindre mot sur la guerre en Ukraine, sur les chaîne d’approvisionnement, ni sur le fait que nous n’aurons pas assez d’électricité pour se chauffer cet hiver, que l’énergie est trop chère et la pénurie de cols roulés pourrait se faire sentir plus vite que prévu. Non, là tout de suite, on attend Jerome ce soir et puis, entre deux on va se faire le CPI en Europe, les JOLTS et les chiffres de l’emploi version ADP qui sont censés nous donner la direction des chiffres de vendredi.

Il faudra donc retenir la séance d’hier comme étant une séance « bof » et que celle d’aujourd’hui risque de ne pas être mieux. Surtout lorsque l’on regarde les nouvelles du jour, on ne peut qu’avoir envie de retourner se coucher. On notera donc que Sam Bankman-Fried, plus connu sous le nom de SBF est toujours en liberté et donne des interviews dans tous les sens. Il participera même à une conférence à New-York, conférence où Madame Yellen devrait être présente. SBF sera en vidéo-conférence pour éviter le FBI, mais quand même. Il y a des gens qui vont payer pour écouter parler ce guignol pendant une heure. On vit une époque formidable comme dirait.. enfin, comme dirait Yvan… Autrement, on entend que du mal sur Elon Musk, certains estime que sont brassage d’air sur Twitter et sa « guerre » personnelle contre Apple est en train d’entamer sa crédibilité. Et puis, ce matin CNBC annonce que Tesla est toujours numéro un dans les voitures électriques aux USA, mais que sa part de marché est en train de fondre avec l’arrivée de véhicules électriques « moins chers ». Pour terminer, on notera aussi un article en pleine page du Barron’s qui estime que les « signaux de récession » via le marché obligataire sont AU PLUS HAUT DEPUIS 40 ANS.

Entre inflation et récession, notre cœur balance

En résumé, sur près de 4’750 chroniques boursières depuis 17 ans 9 mois et quelques jours, j’ai constaté qu’il doit y en avoir à peu près 400 durant lesquelles, je me suis dit : « Est-ce que ça vaut bien la peine de l’écrire tellement la journée d’hier n’a servi à rien ??? ». Et pourtant, je l’ai écrit quand même. Et là, ce 30 novembre 2022, je demande encore si j’ai eu raison de me lever.

En bref, on attend le CPI en Europe, le discours de Powell qui ne devrait pas nous avancer des masses. Ensuite on se dira qu’il faudra voir ce que les chiffres de l’emploi nous réservent et on fera le bilan en se disant qu’il y a déjà plus de 65’000 personnes qui ont été licenciées en un mois et que ça se rapproche des chiffres de licenciements mensuels durant la « grande dépression » – que c’est énorme, mais qu’en même temps, la grande-dépression personne que l’on connait ne l’a vécu et que c’est peut-être mieux d’attendre le FOMC Meeting de décembre, parce que là… Là on aura VRAIMENT des réponses. Et à cet instant très précis, je me rends compte que sur 4’750 chroniques, ça doit être la 750ème fois que je dis ça…

Allez, à demain !

N’oubliez pas de nous retrouver Marco Rastaldi et moi, pour un webinaire sur les semiconducteurs en direct sur le site de Swissquote. Ça sera ce soir à 18h00 et si vous voulez vous inscrire, c’est là-dessous et c’est gratuit :

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Thomas Veillet
Investir.ch

« It is during our darkest moments that we must focus to see the light. » -Aristotle