Si lors d’un examen on me demandait d’expliquer la définition de l’expression « au jour le jour », je pourrais répondre en un mot : la bourse. Depuis quelques temps il n’est nul besoin de parler d’investissement long terme ou d’investir pour les générations futures. Actuellement, ce qui compte c’est vivre l’instant présent. C’est en général une assez bonne maxime lorsque l’on est en train de faire un stage de méditation transcendantale dans le Cantal au milieu des chèvres, mais en ce qui concerne les bourses mondiales, cela a pour résultat d’engendrer une très grande fatigue et une tendance à changer d’avis comme de chemise. Et à modifier ses préoccupations toutes les 5 minutes.

L’Audio du 10 novembre 2022

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Les élections, la crypto et l’inflation

Si vous n’avez pas tout suivi depuis le début de la semaine, depuis lundi matin nous sommes tous devenus experts en élections de mi-mandat aux Etats-Unis. En général on se fout pas mal de la politique américaine, sauf tous les deux ans quand il y a une élection qui a le pouvoir de changer la face du monde. Changer la face du monde, c’est en tous les cas ce que l’on nous vendait depuis 48 heures. Cela fait deux jours que l’on nous dit que si les Républicains prennent le Congrès, ça va tout changer et que le marché ne s’arrêtera plus jamais. À en croire certains médias, si les Républicains étaient une société pharmaceutique, ils auraient découvert un vaccin contre le paludisme et le COVID, mais qui guérit AUSSI le cancer, tout ça alors qu’en fait ils cherchaient à empêcher la chute des cheveux chez les hommes chauves de plus de 60 ans.

Il y a encore 48 heures, une victoire Républicaine massive aurait été assimilée à Moïse qui a ouvert la mer en deux. Sauf que ce matin, les Républicains ont gagné. MAIS PAS ASSEZ. La victoire n’est PAS ASSEZ massive, Trump n’est PAS ASSEZ plébiscité, les Républicains ont gagné, mais pas assez. Le plan qui était donc prévu, celui qui devait faire monter le marché de 20% d’ici Noël, comme l’a annoncé Tom Lee de chez Fundstrat, est en train de passer à la trappe. Alors oui, je le conçois, je ne comprends plus vraiment la stratégie, ni ce qu’attend le marché, mais une chose est sûre, c’est pas tout à fait ce que l’on voulait. Politiquement parlant en tous les cas.

L’Europe hésite, les USA craquent

L’effet « déception » politique aura eu raison des marchés US qui ont fini la séance au plus bas. Pas assez bas pour faire craquer les supports ou ceux qui croient encore que ça va remonter comme un bouchon de liège avant Noël, mais au plus bas quand même. Surtout que les intervenants ont commencé à se demander si la récession ne pourrait pas devenir un vrai problème. Il y a des chiffres qui circulent qui disent que selon les experts, les chiffres, l’histoire et l’âge du capitaine, il y aurait 23% de chances de voir une récession arriver d’ici le milieu de l’année 2023. Selon d’autres experts qui font d’autres calculs et qui se foutent pas mal de l’âge du capitaine, il y aurait 55% de chances de voir arriver la récession d’ici la seconde partie de l’année 2023. Et puis après, il y a aussi Biden qui dit que selon la définition de sa récession à lui dans son monde imaginaire, il n’y aura pas de récession.

Mais bon, dans le doute les marchés US ont terminé au plus bas pour manifester la déception de ne pas voir une vague Républicaine ravager la politique américaine – même si ces derniers ont ramassé le Congrès, ça n’est pas assez marqué et le Sénat ne sera visiblement pas attribué avant le mois prochain, parce que certains états sont trop proches et qu’il faudra un second tour. Politiquement, l’espoir semble douché, la récession fait soudainement peur à nouveau et hier tout le monde utilisait cet argument pour vendre le marché mais aussi le pétrole. Le baril s’est fait laminer en 36 heures, puisque le WTI est passé de 93.5$ à 85$ ce matin. Les gens se sont dit : « Oh my god, mais si plus personne ne met d’essence dans la voiture à cause de la récession, que vont devenir les pauvres pays producteurs ??? » – et ils ont vendu le pétrole. Mais ils avaient surtout le mot récession en tête et ça leur a rappelé le fait que cette après-midi, nous allons avoir droit au CPI qui sera publié. Encore une bonne occasion d’attacher sa ceinture.

À propos d’attacher sa ceinture

Pendant que les marchés classiques, les marchés de « vieux » se faisaient secouer à cause des leurs convictions politiques et de leurs peurs économiques fondamentales, le marché des cryptos, le marché des « jeunes » se faisait tout simplement défoncer à cause de l’affaire SBF, FTT, FTX et CZ et un peu aussi de Binance.

Mais reprenons depuis le début. SBF, c’est Sam Bankman-Fried, patron de FTX (un des plus gros exchange de crypto) et ex-multimilliardaire, FTT c’est le token de FTX, CZ c’est le patron de Binance, Changpeng Zhao. Hier CZ avait proposé à SBF de lui racheter FTX parce qu’ils avaient des gros problèmes de liquidités, mais durant la due-diligence afin de finaliser le rachat de FTX par Binance, CZ s’est rendu compte que c’était un immense bordel et que l’argent des clients avaient plus ou moins été utilisé pour faire des opérations pour le compte de la société FTX, que la plupart des clients étaient en train de courir dans tous les sens pour retirer le cash qui était encore sur leurs comptes et que les autorités fédérales étaient déjà en train de mettre le nez dans les affaires de FTX et de SBF. Sans compter que SBF était AUSSI un gros donateur du parti démocrate.

Pull ze plug

CZ a donc décidé de tirer la prise et d’annuler le rachat de FTX par Binance, ce qui a eu pour conséquence de faire s’effondrer le token de FTX, le FTT. Le FTT a perdu encore perdu plus de 50% et se traite dorénavant à 2$ – contre 22$ lundi matin. Et contre 84$ en septembre 2021. Autant vous dire que SBF va se retrouver au RMI et qu’il sera probablement l’homme le plus rapide être passé de rien à multimilliardaire, puis de multimilliardaire… à rien. Bon, en même temps quand tu t’appelles « l’homme banque », comme nom de super-héros, y avait quand même mieux à faire. Iron Man, ça claque quand même mieux.

Bref, tout ça pour dire que l’effondrement de FTX, du FTT et de SBF, a également provoqué une crise de confiance dans les cryptos et tout s’est pété la figure. Et pas qu’un peu. Le Bitcoin qui refusait obstinément de casser les 18’000 $ la baisse, s’est vautré jusqu’à 15’500$, l’Ether a frisé les 1’000$, le Solana est passé de 36 à 15 en deux jours et la liste est longue. Nous sommes donc dans une grosse crise de confiance dans le milieu des cryptos et hier, nous avons vécu ce que l’on peut appeler : « Le Lehman Brothers de la Crypto ». Ce matin l’ensemble du secteur se reprend un poil, mais on entend de partout des rumeurs comme quoi c’est les petits investisseurs qui viennent « acheter sur faiblesse ». Je crois qu’il faudra que l’on pense à redéfinir le terme « acheter sur faiblesse ». Non, parce qu’acheter Disney qui perdait 13% hier soir à cause de ses mauvaises perspectives, on peut comprendre. Par contre, acheter une crypto qui a perdu 89% en deux jours en pensant qu’ils vont découvrir du pétrole la semaine prochaine, ça me semble un peu tiré par les cheveux.

Et maintenant quoi ?

Ce matin le Bitcoin est à 16’600$, l’Ether à 1189$ et le FTT à 2.25$. L’or est à 1714$ et l’Asie est rouge de partout en attendant le CPI aux USA – même s’ils seront fermés à ce moment-là. Le Japon recule de près de 1%, Hong-Kong frise les 2% et la Chine abandonne 0.63%. Tout le monde a donc les yeux rivés sur le CPI et sur l’éventuelle faillite de FTX – même si en même temps, on ne voit pas trop comment ils vont faire pour l’éviter. Aux dernières nouvelles, si ça vous tente de jouer les chevaliers blancs, FTX aurait besoin de 9 milliards dans la prochaine demi-heure et ça, c’est sans compter toutes les casseroles que le FBI est en train de leur coller au cul pour n’avoir pas respecté grand-chose vis-à-vis des clients.

Dans les nouvelles qui sont rafraichissantes et qui donnent envie de croire que le monde est bourré de dynamisme, de jeunesse et d’envie de vivre, on vient d’apprendre que – selon une source bien informée mais anonyme (comme dirait le Wall Street Journal), que Joe Biden compte se représenter en 2024 – lui, son déambulateur et le gars qui écrit ses discours avec les instructions en bas de la page – on se réjouit et on regrette presque les Présidents Américains ne puissent pas se représenter 12 fois (comme en Russie), comme ça Biden pourrait être Président à 114 ans et ça serait quand même génial pour les nouvelles générations.

Nouvelles encore

Et puis hier Meta Platforms a annoncé 11’000 licenciements, mais que l’on se rassure, Mark Zuckerberg a déclaré que c’était SA FAUTE. On ne sait combien de sa fortune il va partager avec les victimes de SON ERREUR, mais on est vraiment content de voir toute l’empathie dont peut faire preuve Zuckerberg. Moi qui croyais que c’était un clown triste sans émotion, je reviens de loin. Il y a aussi Jim Cramer – le présentateur vedette de CNBC – qui pense qu’après les chiffres du CPI de tout à l’heure, les GAFAM’s vont encore s’en prendre plein les dents. Au regard du track record de Cramer, je me demande si je ne vais pas investir mon fonds de pension là-dedans. Licenciements annoncés par centaines chez Citi et chez Barclays aussi. Je commence à croire que job de la FED fait effet et si les prochains chiffres de l’emploi sont bons ; il faudra qu’on m’explique.

Tout ça pour vous dire que la vague Républicaine n’a pas eu lieu comme elle devait avoir lieu, c’est Biden qui l’a dit. Et ça, ça ne plaît pas au marché, reste à voir si le CPI nous sauve les miches cette semaine ou si c’est définitivement foutu. Pour le reste, on continue de suivre le feuilleton FTX, CZ, FTT, Binance et les gentils cryptomonnayeurs et pour terminer on notera encore que les demandes d’hypothèque sont au plus bas aux USA. Au plus bas depuis 1997, mais il faut dire qu’avec des taux à 7.14% à 30 ans, ça calme. Pendant ce temps, les futures sont en hausse de 0.25% et on attend le CPI à 14h30 – mais je crois que je vous l’avais déjà dit.

Pour les choses importantes, je voudrais vous souhaiter une excellente journée et déjà vous donner rendez-vous demain matin pour boucler la semaine ! À demain, si vous le voulez bien et si le CPI est d’accord !

Thomas Veillet
Investir.ch

« If you genuinely want something, don’t wait for it — teach yourself to be impatient. » -Gurbaksh Chahal