Visiblement, il ne nous reste plus qu’à déterminer ce que veut dire « transitoire ». Le marché est heureux, les investisseurs se roulent par terre de bonheur, la FED doit être aux anges (mais on ne sait pas parce qu’ils sont enfermés dans leurs bureaux jusqu’à ce soir) et on se demande même si nous ne sommes dans la situation idéale pour avoir une année fabuleuse en 2023, avec des taux qui ne devraient monter « que » de 0.25% en février. La journée d’hier aura été presque parfaite et il ne restera plus qu’à que Powell fasse ce qu’il faut et dise ce qu’il faut ce soir et on saura que les bourses n’arrêteront plus jamais de monter.
L’Audio du 14 décembre 2022
L’inflation est notre amie
Il y avait deux choses ultra-importantes cette semaine. La première est déjà réglée et en plus, elle est sortie « comme on aime » – en-dessous des attentes des analystes. Si l’on doit parler factuel ; le CPI est sorti à 7.1% contre 7.3% attendu. C’est du délire et ce fût l’euphorie comme le mois dernier. Enfin. Comme le mois dernier c’est vite dit. Non, parce que le mois dernier on avait pris 5.5% parce que l’inflation était passée sous les 8% alors que là, on a pris presque 3% sur la nouvelle avant de se dégonfler comme une vieille baudruche pour terminer à peine en hausse de 0.73% sur le S&P500.
Mais bon, on ne va pas pinailler. On va surtout se donner des grandes claques dans le dos pour exprimer notre joie de voir que le boulot de la FED paie et qu’à ce rythme de baisse, on devrait normalement se retrouver avec une SIMPLE hausse de 0.25% en février. Ah oui, parce que je ne vous ai pas dit ; nous sommes déjà passé à la prochaine étape qui consiste à anticiper les prochaines hausses de taux de l’année prochaine. Oui, parce que celles du mois de décembre sont « dans les prix ». Bien sûr, nous savons tous avec une certitude quasi-absolue que Powell ne va monter les taux QUE de 0.5% ce soir et qu’en plus, compte tenu des bons chiffres du CPI publiés hier, il ne peut que devenir « dovish » et se comporter comme un gentil petit agneau au service de Wall Street.
Trop facile
Alors vous me direz : « mais pourquoi on est monté de près de 3% après l’annonce des chiffres du CPI avant de se dégonfler lamentablement sur la clôture américaine ??? » – Et vous aurez raison. Après tout, la nouvelle était dithyrambique et cela prouve que l’économie est en train de nous bouffer dans la main et que la FED fait ce qu’elle veut. Même Jeremy Siegel de la Wharton School a lâché ses cours de finance pour venir nous dire que – selon lui – l’an prochain, la FED aller commencer à baisser les taux en milieu d’année.
Du coup ; pourquoi on s’est rétamé en clôture ? Les experts pensent que « le marché » est courageux mais pas téméraire et qu’il a encore besoin que ses certitudes soient confirmées par la FED ce soir et qu’après seulement, on pourra VRAIMENT COMMENCER à monter, puisqu’il semble de plus en plus évident que les autorités ont repris le contrôle de l’économie. On se réjouit de 2023 tellement ça va être facile. Il suffira d’acheter le premier janvier et d’attendre que ça se termine en boulet de canon, sans jamais avoir le moindre doute à l’esprit.
Plus de récession
Du coup, lorsque l’on prend le temps de lire la presse de ce matin, on peut être frappé par l’auto-satisfaction qu’il y règne. Hier on faisait la place belle à tous les stratèges qui venaient nous annoncer la récession pour 2023 et ce matin, 0.2% de moins sur le CPI et on est en train de danser tout nu sur la table du restaurant, tellement on est content de ce qui est en train de se passer et Ô combien tout est sous contrôle. Et personne ne semble perturbé du retournement intraday des marchés US. Comme si tout était déjà prévu dans le plan de trading de la semaine : on explose sur les chiffres du CPI, on prend les profits, on se remet long juste avant le discours de Powell qui nous annonce qu’il change d’équipe et passe des Faucons de Washington aux Colombes de Columbia et il n’y a plus qu’à à regarder monter les marchés jusqu’à Noël. Mais attention, pas CE NOËL, le Noël de 2023.
Évidemment que le scénario de la récession n’est pas encore complètement exclu, mais les chiffes d’hier semblent avoir rassuré le marché sur le fait que la FED fait ce qu’il faut et que les choses sont sous contrôle. Le replis d’hier peut également être interprété comme de la méfiance. De la méfiance face à ce que pourrait dire Powell et que l’on préfère être courageux mais pas téméraires en attendant. Quoi qu’il en soit, tout va bien, nous avons l’air plutôt serein pour ce soir. Les futures sont déjà en hausse de 0.4% et on voit mal ce qui pourrait entamer cette belle confiance que nous affichons depuis 24 heures. Ou pas…
L’Asie
Ce matin en Asie, on se concentre plus sur la prudence que sur l’optimisme. Mais ça monte quand même. Si l’on fait abstraction de la Chine qui ne fait rien, le Japon et Hong Kong sont en hausse de 0.75% dans une plutôt belle harmonie. Du côté du pétrole, on notera que l’OPEP a coupé les prévisions de demande de pétrole pour l’année prochaine. Autant dire que ceux qui comptaient sur la demande pour que les robinets se détendent en mode ouverture à gros bouillons, ils vont rester sur leur faim. Le baril est à 75.24$, l’or est à 1821$ Et le Bitcoin s’envole à 17’774$ plus rien ne semble pouvoir l’arrêter depuis que SBF a été arrêté. Justement.
Donc l’ex-patron de FTX est en taule, on lui a refusé la liberté sous caution et à voir le nombre de charges qu’on lui a collé sur le dos, il n’est pas près de revoir la lumière du jour. Tout le monde politique est en train de se jeter sur la carcasse de l’ancien enfant prodigue de la crypto et lorsque l’on entend les commentaires de certains membres du Congrès qui veulent lui faire la peau, on se dit que quand même, ces politiciens corrompus jusqu’à la moëlle, n’ont vraiment pas peur de venir faire les donneurs de leçons et même si SBF n’est pas une oie blanche innocente, de voir arriver ces guignols du Congrès donner leurs avis sur le sujet est purement pathétique. Mais là n’est pas le sujet. Le sujet c’est qu’il va falloir réguler le milieu et ne pas se laisser obnubiler par le procès à venir et oublier le principal : la régulation.
Nouvelles du jour
Côté nouvelles du jour, on notera qu’hier Moderna était en folie après que le premier test de son vaccin contre les cancers de la peau aient montré de bons résultats, pour autant qu’il soit utilisé avec un autre produit de chez Merck. Le titre a pris 24% sur la nouvelle, mais reste en baisse de 20% sur l’année. Autre titre et autre direction : Tesla. Depuis que Musk a pris la direction de Twitter, le titre de sa société de voitures électriques a perdu 30% de sa valeur. Sur l’année, Tesla est en baisse de 55% et tout le monde est en train de lui vomir dessus. Concurrence, procès, problèmes de qualité, problèmes de management, tout y passe. Mais quand on sait que la société va sûrement annoncer un rachat d’actions prochainement – sur Twitter – il faudra tout de même se méfier pour les shorts. Toujours est-il que par moment on a l’impression que la lune de miel entre Tesla et Wall Street est terminée.
Pour le reste, tout le monde est en train d’y aller avec sa théorie sur ce que doit dire Powell ce soir et comment il doit se comporter. Quelle couleur de cravate et comment il doit parler le politiquement correct pour plaire aux marchés sans jamais leur faire peur. On ne va pas se leurrer, on sait ce qu’il va dire. La question sera de savoir ce qu’il va nous laisser entendre pour le futur. Après, tout sera laissé à libre interprétation des experts en finance et ça sera la loi du plus fort, de celui qui a le plus d’influence.
Chiffres
On ne va donc pas se mentir, la journée d’aujourd’hui ne sera basée que sur la FED et uniquement sur la FED. La grande question à laquelle je vais essayer de répondre moi-même personnellement tout seul, c’est de savoir si – après la FED – ça vaudra encore la peine de venir au bureau avant 2023. Non, parce que franchement, on va parler de quoi après ? De la hausse des taux pour le FOMC Meeting de février ? Je n’en sais rien, mais je crois qu’il est temps de faire une pause et de remettre les choses à zéro.
Pour le reste, on notera que le PPI sera publié en Suisse et que la Production Industrielle sera publiée en Europe. Passez une très belle journée en attendant Powell et on se parle demain à la même heure et au même endroit.
Thomas Veillet
Investir.ch
« The only person you are destined to become is the person you decide to be. » -Ralph Waldo Emerson