Le lundi matin, c’est toujours la même chose. On se demande ce qu’il faut retenir de la semaine dernière et surtout, où est-ce que ce que l’on a appris la semaine dernière va nous mener. Oui, parce qu’il faut profiter. Avec notre mémoire à court terme que l’on possède dans ce milieu, il ne faut pas traîner pour l’utiliser, il est fort probable que la semaine prochaine nous ne nous souviendrons même plus de combien les analystes s’étaient trompés sur les chiffres de l’emploi américain. Forcément dans 8 jours, ça sera l’heure du CPI, alors qui se souviendra encore de vendredi dernier ?

L’Audio du 5 décembre 2022

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L’emploi

La semaine dernière, les experts de Wall Street s’attendaient à 200’000 créations d’emplois. On avait soigneusement comptabilisé tous les licenciements qui avaient été annoncés durant le mois de novembre. Licenciements qui avaient été multipliés par la racine carrée de la baisse de l’inflation du mois dernier puis, finalement divisé par le nombre de fois que Powell a dit qu’il hésitait à devenir DOVISH depuis 7 mois. Mais ça n’a pas suffi. On s’est encore raté d’un bon paquet et cela fait la septième fois de suite que la formule magique du consensus des analystes est à côté de la plaque. On dirait presque mes tickets de l’Euromillions chaque semaine.

Donc ça n’est pas 200’000 emplois qui ont été créés, mais 263’000. Alors d’accord, 63’000 emplois d’écart sur 360 millions d’habitants, ça va ! De toutes façons, ça ne remplit même pas un stade de foot américain, alors qui est-ce que ça peut bien intéresser ? Eh bien justement ça intéresse Wall Street, parce que ça fout complètement par terre un plan qui devait se dérouler sans accroc.

Tout foutu par terre

Alors bon, je ne suis pas juste ; ça n’a pas TOUT FOUTU PAR TERRE, mais disons que ça risque quand même de marcher beaucoup moins bien. Oui, parce que la réflexion était assez simple : l’inflation ralenti et la FED devient plus cool avec nous en MONTANT MOINS LES TAUX. Vous vous souvenez de ce qui nous avait exploser de joie la semaine dernière ?

Le discours de Powell qui disait avec plein de conditionnel dedans que : « Le moment de modérer le rythme des hausses de taux pourrait venir dès la réunion de décembre ». Vous vous souvenez de ça ? Assez logiquement pour corroborer le discours de Powell, un emploi un peu mou du genou aurait tout de même été un avantage. Cela aurait au moins laissé supposer qu’à force de monter les taux, la FED était arrivée à faire ralentir l’économie. Sauf que là, ça n’est plus évident du tout.

Dans un monde parfait

Si l’on vivait dans un monde parfait, nous aurions eu la baisse de l’inflation, le discours (un peu) plus dovish de Powell et direct derrière, BAM ! Une baisse de l’emploi, ou tout au moins un ralentissement des créations d’emploi. C’est en tous les cas comme cela que devrait fonctionner un scénario hollywoodien. Mais que nenni. 263’000 emplois créés, c’est plus que les attentes et ça met le doute à tout le monde. Oui, en effet, et si du coup, la FED montait quand même les taux de 0.75% et pas de 0.5% comme on l’attendait depuis mercredi dernier ?

Ne serait-ce pas une IMMENSE déception pour l’ensemble du marché qui avait ENFIN eu l’impression d’être parvenu à décoder le marché et qui croyait avoir compris la stratégie de la FED ??? ENFIN !!! Sans compter qu’au milieu de ces chiffres meilleurs que les attentes qui finalement emmerdent tout le monde, on pouvait aussi observer que les hausses de salaires sont également bien présentes. On crée plus d’emplois, mais en plus on paie mieux les salariés. Vous reconnaîtrez qu’il y a tout de même mieux comme stratégie anti-inflation. Du coup, tout est remis en question et, alors que nous espérions naviguer tranquillement jusqu’au prochain meeting de la FED, on va à nouveau devoir réfléchir. Et je ne sais pas si on a vraiment envie de le faire à 19 jours de Noël et à 26 jours de 2023.

Pourtant y en a qui réfléchissent

Nous étions donc en roue libre en train de naviguer à vue et à la voile, avec une seule voile – un peu comme le Crédit Suisse – et puis soudainement, il a fallu remettre la machine en marche. Et quand vous lisez la presse de ce matin – et de ce week-end, on a l’impression qu’il y en qui ont bossé. Que ça vienne de Bank of America, de Goldman Sachs ou de Morgan Stanley, on a le sentiment que tout le monde y va de sa théorie. Tout Wall Street semble se méfier de 2023 comme de la peste et tout Wall Street pense que nous sommes beaucoup trop haut à l’heure actuelle, sachant ou supposant ce qui nous attend.

Alors oui, dire que TOUT WALL STREET est négatif est un peu fort de café de ma part, mais en même temps si je ne suis pas un peu agressif dans tout ce que je dis, vous allez arrêter de lire. Déjà que la fréquentation des sites sur la finance est en chute libre depuis que l’on tourne en rond en parlant macro-taux-inflation et récession, il faut bien que je vous garde concentrés. Donc, TOUT WALL STREET envisage l’Apocalypse en 2023. Si vous avez pensé que 2022 était merdique et déprimant, attachez vos ceintures, parce qu’en 2023, ça sera pire.

Du coup, c’est peut-être une bonne nouvelle

Sauf qu’en même temps, entendre tant de prédictions négatives, tant de mises en garde, tant de commentaires négatifs sur l’économie, tant de peurs de la récession et de targets sous les 3’500 sur le S&P500. Sans compter que Roubini vient d’écrire un dernier article qui nous promet implosion de la société qui vit à crédit et effondrement d’à peu près tout – je crois d’ailleurs que le seul truc qu’il n’a pas annoncé, c’est que l’on se fasse envahir par des zombies – Eh bien quand j’entends tant de peurs et tant d’angoisses, je commence presque à croire que c’est le début d’un nouveau Bull Market.

Et si l’on regarde les indicateurs contrariants, ça n’est pas complètement con comme réflexion : la plupart des stratèges pensent que l’on va se faire défoncer que la récession va nous massacrer et qu’on ne s’en sortira pas avant la fin de l’année prochaine. Il semblerait que, selon certains indicateurs, une grosse majorité des investisseurs « n’y croient plus » et ont renoncé à tout espoir de voir le marché remonter et, pour terminer, on dit que les « experts n’ont jamais autant recommandé l’or » qu’en ce moment. Si ça, ça n’est pas une preuve que l’on va remonter, je ne sais pas ce que c’est.

Rien n’est simple

Comme vous pouvez le voir, ça n’est pas simple et ça donne vraiment l’impression que ça va se compliquer encore. Les données économiques ont l’air de se faire un malin plaisir à nous donner des indications qui veulent dire tout et son contraire. Les banques centrales veulent freiner l’inflation AVANT toute chose, mais l’économie n’a pas envie d’écouter. Pourtant l’inflation baisse quand même. Mais, baisse-t-elle pour les bonnes raisons ? Et quid de la récession ? Va-t-elle se pointer en 2023 et sera-t-elle une méchante récession ou une gentille récession ? Nous sommes donc à 26 jours de la fin de l’année et on est en train de nous demander de résoudre une équation à 14 inconnues avec une boulier, un bloc de papier et un crayon gris qui a la mine cassée. On a connu des fêtes de fin d’année plus festives.

Moi je crois que je vais monter à la montagne et y rester jusqu’à qu’on y voit plus clair.

L’Asie

Ce matin l’Asie est en mode « on relâche les confinements », presque comme tous les lundis. On ne sait pas si c’est du lard ou du cochon, mais disons que vu les chiffres immondes du PMI qui sont sortis dans la région, on a meilleur temps de se raccrocher au fait que l’on va « relâcher » les restrictions sanitaires et que dorénavant les Chinois n’auront plus besoin de se faire curer le nez 212 fois par jours, juste pour aller se balader dans un parc. Le Japon est en hausse de 0.11%, la Chine bondit de 1.3% pendant que le grand-huit continue à Hong Kong avec une hausse de près de 3.5% – comme à chaque news. Sauf que c’est tous les jours et dans les deux sens.

La réouverture de la Chine rempli tout le monde de joie, comme chaque lundi matin. Ou mardi, je ne sais plus, ça change toutes les semaines. Mais ça rempli de joie surtout le pétrole, puisqu’à chaque fois qu’il croit que le COVID à Pékin, c’est fini ! Il repart à la hausse en ne causant ABSOLUMENT aucune crainte inflationniste nulle part. Ce matin le baril est à 81.32$. Pour le reste, on est en pleine ruée vers l’or qui titille les 1820$ et même le Bitcoin s’installe au-dessus des 17’000$ pour montrer que lui aussi, il veut participer au Bull Market contrariant de 2023.

Les nouvelles du jour

Autrement, dans les nouvelles du jour, l’OPEP a décidé de rester sur sa position qui consiste à ne pas augmenter la production et ça tombe bien, parce que depuis aujourd’hui l’Europe a décidé de ne plus importer de pétrole russe. On se réjouit déjà de voir comment la stratégie de sanctions de l’Europe va fonctionner, puisque ça s’est TELLEMENT bien passé jusque-là. Pendant ce temps, la France se prépare à des coupures d’électricité – juste au cas où, mais personne ne s’en plaindra, puisque l’Équipe de France sera championne du monde.

Le Barrons revient ce week-end sur la problématique immobilière aux USA. Selon le journal ça ne va pas s’améliorer en 2023 – bien au contraire – les taux hypothécaire vont encore monter et la durée de mise en vente devrait se prolonger encore. Et au passage, un autre fond immobilier – Starwood Limits – vient de mettre en place des restrictions sur les retraits des clients qui voudraient éventuellement en sortir. J’hallucine de voir combien ce genre de nouvelle ne choque plus personne. On vous propose d’investir dans un fonds immobilier mais dès que ça se complique, on vous interdit de retirer votre argent. Il y a eut des époques où ça nous aurait inquiéter, voir fait paniquer. Mais là, tout le monde s’en fout comme si c’était parfaitement normal. Moi ça m’inquiète. Heureusement que Roubini vient faire mon hedge à la baisse en disant qu’on va tous mourir, sinon j’aurais très peur.

Les chiffres du jour

Pour l’instant les futures sont en baisse de 0.10% sur le S&P500. Côté chiffres, nous aurons PMI’s en France, en Allemagne et en Europe. L’Europe publiera également ses ventes de détail et aux USA, nous aurons les ISM Manufacturier et non-manufacturier ainsi que le PMI. La bonne nouvelle c’est que les membres de la FED on le droit de se taire à une semaine du FOMC Meeting, ça nous permettra de nous concentrer sur les discours de Madame Lagarde qui est censée donner deux fois son avis cette semaine, avant d’entrer elle-même, dans une « black periode » avant la dernière réunion de la BCE pour 2022.

Il me reste à vous souhaiter un beau lundi, un très bon début de semaine et même s’il y des matchs de foot à la télé, mercredi soir, Marco Rastaldi et moi-même, seront à nouveau de sortie pour un webinaire chez Swissquote. Cette fois ça sera sur les pétrolières – l’inscription c’est ci-dessous :

https://fr.swissquote.com/education/webinars/le-prix-du-petrole-le-cours-de-total-et-la-taxe-des-superprofits-la-politique

Passez, une très belle journée et à demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

“A mind is like a parachute. It doesn’t work if it isn’t open.”

– Frank Zappa