Je ne vais pas vous mentir, la séance d’hier n’aura pas été une de celles qui resteront gravées dans nos mémoires de traders. Bon. En même temps, une mémoire de trader, ça tient combien de temps ? 8 heures ? 9 heures ? Franchement pas de quoi se relever la nuit non plus. Non, aujourd’hui nous sommes en train de faire la liste des questions qui méritent une réponse et, à voir le nombre de questions que nous avons, je ne suis pas certain que l’on aura le temps de bosser sur les réponses avant Noël. Alors en attendant, on vit au jour le jour et on essaie de donner l’impression que l’on prend vraiment les choses au sérieux et que chaque chiffre compte. Sauf que ça en devient risible.

L’Audio du 9 décembre 2022

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En Europe on attend et aux USA on s’accroche à ce qu’on trouve

La séance d’hier aura donc été encore une journée d’attentisme en Europe et pour être franc, je crains que l’on va passer pas mal de temps à attendre jusqu’à mercredi soir prochain et le plus gros danger, quand on attend sans rien faire, c’est qu’au bout d’un moment, on a quand même envie de faire quelque chose et on fait une connerie. Finalement la meilleure chose à faire c’est peut-être d’aller dormir en attendant que ça vaille la peine d’interagir avec nos congénères à propos de l’économie mondiale.

La différence entre l’Europe et les USA, c’est que parfois les Américains ont un comportement plus enfantin et veulent absolument croire qu’ils ont trouvé la réponse avant tout le monde. Ce qui est stupide, parce que tant que l’on n’aura pas eu les résultats du PPI, du CPI et que nous n’aurons pas entendu les conclusions que la FED en a tiré, conclusions qui vont amener Powell à monter encore les taux un peu, beaucoup ou à la folie. Le « pas du tout » étant clairement hors de question. Mais pourtant, hier les traders du nouveau monde ont quand même décidé de croire que les chiffres des « Jobless Claims » qui sont sortis un peu plus élevés que prévus « étaient un signe comme quoi l’économie était en train de se calmer ». D’où l’interruption des 5 séances de baisse à New York et l’occasion de voir quelques traders faire deux-trois achats à bon compte, en se disant que « sur un malentendu, c’était peut-être le plus bas de ces 14 prochaines années ».

Pour être franc, j’y crois à peu près autant que le mec qui transforme l’eau en vin et qui multiplie les pains dans la foulée, mais il fallait quand même trouver quelque chose à dire lors de cette séance molle et sans intérêt qui nous rapprochait simplement un peu plus du week-end.

Les chiffres de l’emploi

Cependant, il vaut tout de même la peine de s’attarder ne serait-ce que quelques secondes sur les chiffres de l’emploi – les jobless claims – qui ont été « le moteur de la hausse de la séance d’hier ». Non parce que dans mon métier, le plus drôle. Que dis-je, le plus hilarant, reste quand même le fait que le matin je suis confronté à des explications pour justifier tel ou tel mouvement qui sont parfois aussi abracadabrantesques que le discours d’un politicien qui vient de se faire choper la main dans la boîte à biscuits pour la huitième fois de sa carrière.

Donc, hier. Si l’on en croit les commentaires que l’on peut trouver dans les journaux, les « investisseurs » ont donc choisi de racheter le marché au milieu de nulle part – puisqu’il n’y avait aucun support ou aucune autre raison technique d’acheter – parce que les Jobless Claims « continuaient de monter » et que cela pourrait vouloir dire que l’économie était en train de ralentir et que – in extenso – la FED pourrait donc avoir envie de se relaxer un peu mercredi prochain et de monter un peu moins les taux. Vous l’aurez remarqué, c’est à peu près les mêmes théories débiles que l’on a tenu lors du discours de Powell. Théories qui se sont immédiatement effondrées parce que l’emploi était trop fort vendredi dernier, que l’ISM était trop fort et que pour l’instant, il n’est pas prouvé que la hausse des taux freine l’économie.

Il y a de quoi en faire un sketch

Mais hier, alors que l’on attendait 230’000 demandes d’indemnités chômage pour la semaine et que c’est sorti à 230’000 demandes d’indemnités chômage pour la semaine, le marché s’est dit que les demandes d’indemnités chômage pour la semaine étaient quand même vachement plus fortes puisque la semaine dernière nous étions à 226’000 demandes d’indemnités chômage pour la semaine. Ça fait quand même 4’000 demandes de plus que la semaine précédente. Houlà-làààààààààà, il est plus que probable que c’est donc CE chiffre qui devrait faire chavirer le cœur de Powell et ses amis, c’est CE chiffre qui va forcer la FED à baisser les taux. Pourtant on sait bien que les chiffres économiques qui comptent pour la FED c’est plutôt le PCE, les JOLTS, les NFP, le CPI… Mais non, là soudainement les Jobless Claims passaient en tête au dernier virage. Je crois que l’on marche un tantinet sur la tête et à force de chercher des raisons de faire quelque chose, on est en train de se ridiculiser.

Il faut dire les bourses mondiales sont sur le fil du rasoir. Il faut que la croissance économique ralentisse, mais pas au point de sombrer dans la récession. Mais il faut également continuer de monter les taux avec parcimonie pour empêcher l’inflation de devenir un vrai problème. Ces inquiétudes ne sont pas infondées. Le marché obligataire signale une récession depuis un certain temps cette année, le rendement du Trésor à deux ans étant supérieur au rendement à dix ans. Cela signifie que la hausse des taux d’intérêt à court terme exercera une telle pression sur la demande économique aujourd’hui que les rendements à plus long terme seront plus faibles pour refléter une demande et une inflation plus faibles demain. Ça, c’est la théorie de base, mais nous, dans les marchés nous cherchons quand même des raisons qui pourraient nous laisser croire que l’on est plus fort que tout le monde et que l’on a trouvé LE CHIFFRE qui va faire que la FED va changer de ton. C’est probablement une gigantesque connerie, mais c’est cette gigantesque connerie qui nous a fait monter hier. Enfin, il paraît.

En Asie

Ce matin l’Asie est en hausse, l’inflation en Chine est en baisse et il semblerait que tout le monde se demande bien ce qui va se passer avec le CPI la semaine prochaine. On pourrait avoir un début d’élément de réponse cette après-midi avec la publication des Prix à la Production. Mais pour le moment, le Japon est en hausse de 1.25%, Hong Kong grimpe de 1.6% et la Chine progresse de 0.08%, nous ne sommes pas encore en Bull Market chez Xi Jinping.
Mais pour être franc, un des maîtres mots que l’on retrouve ces dernières heures est : récession. Les intervenants – même s’ils s’excitent à court terme avec les Jobless Claims – sont tout de même en train de se demander comment ça va se passer. Et, à voir les prix du pétrole qui se traînent à 72$ ou le prix du cuivre qui est en baisse également, on se demande si – quelque part – nous ne sommes pas déjà en train de « pricer » quelque chose. En effet, si les gens n’achètent plus de pétrole, c’est que l’on anticipe qu’avec la RÉCESSION qui arrive, la consommation sera moindre, même si la Chine réouvre – de toutes façons en Chine ils n’ont que des voitures électriques – le seul problème, c’est que si l’on a déjà anticipé une baisse de la consommation via à le cuivre ou le baril, on n’a encore rien anticipé sur les actions. Non, parce qu’en cas de récession les revenus des sociétés baissent traditionnellement de 10 à 15% et ça, c’est pas encore dans les prix. Comme si on faisait le boulot à moitié. En attendant, l’or est à 1808$ et le Bitcoin repasse les 17’000$ pour payer 17’238$ ce matin.

Les nouvelles du jour

Pour les nouvelles du jour, on cause beaucoup du rachat d’Activision par Microsoft, puisque les autorités américaines ne veulent pas autoriser le deal. Chose que l’on voyait venir depuis un moment, puisque le titre n’a jamais payé les niveaux du take-over. Microsoft est donc à nouveau dans le viseur des autorités de la concurrence aux USA. Affaire à suivre ces prochains temps. Pendant ce temps, les politiques ont voté une enveloppe de 858 milliards pour financer de l’armement pour Taïwan. Ça va sûrement plaire aux Chinois. On a quand même l’impression que les Américains « cherchent un peu la claque dans la gueule » parfois. Et puis, si j’étais un Américain dans la précarité, j’adorerais que mon cher gouvernement sponsorise des pays étrangers qu’on ne sait même pas où ils sont sur la carte. Un peu comme Macron qui signe des chèques en blanc à son « pote » Zelensky tous les deux jours alors que Moody’s vient de downgrader la dette de la France parce que son déficit explose.

On notera aussi que les cas de COVID sont en train d’exploser en Chine et que le pays n’a plus assez de médicaments contre la fièvre. J’ai comme le sentiment que l’on va bien nous pourrir l’hiver avec le COVID et les économies d’électricité. Je sais pas si j’ai bien fait d’acheter des skis pour cet hiver. Mauvaise nouvelle ce matin : Jim Cramer de CNBC vient d’annoncer que l’économie américaine était en train de se stabiliser et pouvait éviter la récession. Entre ça et l’inversion de la courbe, la récession est donc clairement pour demain. Pour terminer, on retiendra que SBF a été convoqué devant la commission des banques à Washington le 14 décembre. On ne sait pas s’il va venir, mais je crois qu’il commence à entrevoir les 4 murs de sa cellule.

Chiffres du jour

Côté chiffres du jour, nous aurons les prix à la production. On attend 7.2% contre 8% le mois dernier. Je rappelle, pour mémoire, que si c’est bon, c’est de bon augure pour le CPI de la semaine prochaine. En revanche, si nous sommes déçus, il est fort probable que l’on commence une toute nouvelle séance d’introspection dans la tête de Jerome Powell.

Pour le moment les futures sont en hausse de 0.2% et puis comme tout est blanc et que quand tout est blanc on n’est plus capable de penser à autre chose, ni de réfléchir, la journée devrait être concentrée sur le fait qu’on a oublié de mettre les pneus d’hiver.

Je vous souhaite une excellente journée et surtout un très bon week-end. Reposez-vous bien, la semaine qui nous attend risque d’être sportive. Et ensuite on pourra parler recettes de cuisine pour les jours qui resteront avant Noël.

À lundi !

Thomas Veillet
Investir.ch

« Les Français m’agacent prodigieusement, mais comme je ne connais aucune langue étrangère, je suis bien obligé de parler avec eux. »

Michel Audiard