Les chiffres du PIB américain ont rassuré tout le monde hier. La croissance est plus forte que les attentes et malgré les mesures prises par la FED, l’économie semble ne pas vouloir renoncer. Présenté comme cela, il y a de quoi s’inquiéter parce qu’on sait que « si ça va trop bien », mercredi prochain, la FED va se présenter sur le podium avec un sourire carnassier et on va se faire déglinguer quand Powell annoncera qu’il n’a aucune intention relâcher la pression sur l’inflation. Sauf que dans les chiffres du PIB, il y a une botte secrète qui est cachée, parce que selon les « experts » ; en surface c’est fort, mais à l’intérieur c’est faible. Cette fois, tout est différent.

L’Audio du 27 janvier 2023

Télécharger le podcast

Les mots les plus dangereux

Comme le disait Sir Templeton ; dans le monde de l’investissement, les mots les plus dangereux sont : « cette fois c’est différent ». C’est pourtant ce que nous sommes en train de nous dire après la séance d’hier. On sait que la FED veut encore monter les taux, mais nous, les experts en finance, nous sommes en train de leur expliquer que lorsque l’on met toutes les données économiques, l’emploi, l’inflation, la croissance et les chiffres du trimestre ensemble dans une grande machine qui mélange tout ça ; à la fin ça nous dit que l’économie a ralenti suffisamment pour que la FED calme le jeu sur les taux et que l’inflation n’est plus un problème. Certains pensent même que l’on a déjà accepté le fait qu’une mini récession nous attend très bientôt, mais que c’est déjà dans les prix et que c’est parfaitement gérable, si on arrête de faire peur au marché MAINTENANT. Que la FED montre sa volonté de stopper leur cirque rapidement et pas en janvier 2024. Sinon on va commencer à flipper sur la récession probable du second semestre qui pourrai être plus violente et moins dans les prix.

En résumé, le marché pense comme il pensait fin août, lors de la réunion de Jackson Hole. Le marché pensait que la FED devait se calmer et que son discours devait commencer à « pivoter ». C’est d’ailleurs à ce moment très précis que la FED n’a PAS pivoté – bien au contraire et que nous nous sommes pris une claque phénoménale pour retourner au plus bas de l’année. Mais apparemment – et à voir comment les marchés se comportent – CETTE FOIS, C’EST VRAIMENT DIFFÉRENT – en tous les cas, après la séance d’hier et surtout après que le Nasdaq 100 ait terminé sa journée au plus haut, cassant du même coup sa tendance baissière ET la moyenne mobile des 200 jours, on a vraiment l’impression que le vent a tourné et que la FED va comprendre ce que l’on essaie de lui faire comprendre depuis près de 6 mois. Et cette fois, nous avons l’air vraiment convaincu, parce qu’en août, nous n’étions pas si forts sur les marchés, nous étions sous les moyennes mobiles et sous les tendances. Alors que cette fois, c’est vraiment différent ou peut-être que le mot juste serait plutôt : cette fois, ça semble différent. Après tout, on ne peut pas se tromper à chaque fois.

Reste à que la FED soit d’accord

En tous les cas, si Powell nous refait une Jackson Hole mercredi prochain, je vous promets que je ne serai pas là pour compter les dommages collatéraux. Parce qu’il ne faut tout de même pas oublier que la FED et nous, nous n’avons pas les mêmes valeurs, ni les mêmes attentes. Nous en avons parlé dans la chronique d’hier, je ne vais donc pas revenir dessus. Mais alors que nous nous voulons une économie qui ralentit mais pas trop, un marché de l’emploi qui ralentit, mais pas trop et une inflation qui baisse régulièrement pour nous confirmer que la tendance va vraiment nous emmener à 3% à la fin de l’année, la FED n’est pas vraiment dans le même « mood ». On n’a pas les mêmes attentes et pas vraiment les mêmes objectifs pour la fin de l’année. Reste donc à que CETTE fois, la FED soit d’accord avec nous.

Surtout qu’en plus des chiffres économiques d’hier, il ne faut pas non plus oublier que la Banque Centrale Canadienne a suspendu momentanément son cycle de hausse des taux, nous sommes donc fortement encouragés sur le fait que la FED pourrait faire pareil. Alors oui, en général tout le monde se fout pas mal de ce que peut bien faire la Banque Centrale Canadienne, mais sur ce coup-là ; ça rassure et ça réconforte. Et ça permet aussi d’avoir des séances comme hier où nous parvenons à nous persuader que nous avons raison et que la FED ne pourra que l’admettre mercredi prochain. Oui, la FED a déclaré que si le marché continuait à monter aussi fort, elle ne pourrait pas changer sa stratégie parce que l’inflation est soutenue par un marché qui monte. Mais c’était y a longtemps et c’est pas si important que ça. Ok, l’ouverture de la Chine pourrait donner un coup de boost aux chiffres du CPI du mois prochain. Mais l’impact ne peut raisonnablement pas être aussi immédiat. Il peut l’être sur la thématique du luxe qui a littéralement explosé depuis que le premier chinois est sorti de sa chambre à coucher – on l’a encore vu par les chiffres de LVMH qui ont été salué par la critique dans le monde entier – cependant, ça ne peut pas avoir d’impact sur l’inflation et ça ne peut surtout pas faire douter la FED, la Chine c’est loin et ça ne peut décemment pas faire douter Powell sur le fait que NOUS, le monde de l’investissement, avons raison et qu’il a tort.

Bull Market

Toujours est-il que pour savoir qui a tort et qui impose sa raison, il va falloir attendre la semaine prochaine et qu’en attendant on ne sait plus rien faire d’autre que de monter, monter et monter encore. Le CAC40 est à deux doigts de casser les 7’100, le Dax semble inarrêtable, quant aux marchés américains, depuis que le S&P500 a cassé les 4’050, on voit mal comment il pourrait revenir en-dessous – même si certains oiseaux de malheur pensent que tant que les 4’100 ne sont pas cassés, nous sommes encore dans le doute. Et pour ce qui du Nasdaq, on sait tous que plus rien ne peut l’arrêter, surtout depuis que Tesla est à nouveau la meilleure action du monde, que Musk a confirmé qu’un jour elle sera la plus grosse capitalisation boursière mondiale et que tout le reste va suivre avec elle. La tech est de retour et on ne voit pas comment cela pourrait en être autrement.

Les chiffres continuent d’être publiés, il y a à boire et à manger, mais globalement 69% des publications sont au-dessus des attentes. Alors oui, les attentes ont été rabaissées à des niveaux qui ne veulent plus rien dire et c’est beaucoup plus facile de sauter par-dessus une barrière de 12 centimètres de haut, plutôt que de devoir passer 2m40 en « fosbury ». Mais là n’est pas l’important, nous savons nous satisfaire des bonnes nouvelles quand elles sont là et quand elles nous conviennent. Et puis, en ce début d’année 2023, on sait que l’on préfère les verres à moitié plein que les verres à moitié vide.

L’Asie

Ce matin l’Asie ne fait rien. Il n’y a pas d’autre terme. 0.06% sur le Nikkei et 0.06% sur le Hang Seng et la Chine qui est fermée. Le pétrole repasse au-dessus des 81$ et cela rassurait le secteur aux États-Unis et puis, surtout, ce qui est bien c’est qu’on est content que le pétrole monte – parce que fondamentalement, ça veut dire que l’économie fonctionne et que les Chinois refont le plein de leurs voitures, mais par contre, le truc de bien avec le pétrole qui monte, c’est que ça n’est jamais inflationniste. Jamais. Pis en plus le gaz se pète la figure, donc ça compense. Pendant ce temps, l’or est à 1924$ et le Bitcoin à 22’800$.

De la news

Dans les nouvelles du jour, on va retenir qu’hier soir les chiffres de Visa étaient pas mal du tout et que le titre prenait 1% after close et puis de l’autre côté, du côté obscur de la force, on se souviendra longtemps de la publication des chiffres d’Intel qui étaient tout simplement dégueulasses. J’aurais pu écrire « catastrophiques », mais je trouve que dégueulasse marque quand même mieux le fait que la société n’arrive pas à s’en sortir, même si à chaque fois on dit : « bon, cette fois je crois que ça peut pas être pire ». Ben en fait si. Ça peut clairement être pire. Je ne vais pas rentrer dans les détails parce que sinon je vais devoir faire appel aux anti-dépresseurs, mais ils sont à la rue, les chiffres n’avaient plus été aussi pourri que depuis la bulle internet et selon les experts, ça n’est pas près de s’améliorer. Le dividende est intéressant, mais on commence déjà à chuchoter ici et là qu’il pourrait rapidement être réduit à pas grand-chose. Le titre perdait 10% hier soir after close.

Ailleurs, ça n’est pas forcément mieux ce matin, puisque nous avons également eu un profit warning de la part d’Hasbro – le fabricant de jouets – qui annonce des chiffres à venir qui seront tout pourris et même, potentiellement, une perte pour la saison de Noël, ce qui est un comble pour un fabricant de jouet. Le titre perdait 7% hier soir. Au passage, Hasbro va licencier 15% de son personnel – c’est d’ailleurs la seule bonne nouvelle, parce que ça va rassurer la FED au niveau de l’emploi – surtout que les chiffres des Jobless Claims d’hier, montraient encore une fois une force relative impressionnante, comme si personne ne demandait d’indemnité chômage. On a presque l’impression que le gouvernement US a déployé l’armée devant les bureaux du chômage et que dès que quelqu’un se pointe pour venir demander son indemnité, après trois tirs de sommation, ils commencent à viser les genoux, comme la police suisse quand tu dépasses de ta place de parking parce que ta voiture est trop longue.

Encore de la news

Autrement, on notera que Bed, Bath and Beyond ont fait défaut sur le paiement d’une de leurs obligations. Ils sont donc en position parfaite pour se mettre en faillite, ce qui est – bien sûr – une excellente nouvelle, surtout pour les traders qui font des « meme stock », ça va les occuper. Ça et le fait que Buzzfeed vient d’annoncer qu’ils vont utiliser ChatGPT pour écrire les articles qui apparaissent sur leur site internet. Le titre a pris 200% pour fêter ça. C’est pas génial ? Moi je me lève à 4h du matin pour écrire des chroniques et faire des vidéos et les autres guignols ils font tout faire par de l’intelligence artificielle et tout le monde trouve ça fabuleux. Suis vraiment trop vieux pour ces conneries. Autrement, il y a Blackstone qui fait face à 5 milliards de retraits dans leurs fonds immobiliers et je me regarde en boucle la vidéo de la Ministre des Affaires Étrangères allemande qui déclare que l’Allemagne est en guerre avec la Russie et je me dis que ces politiciens sont tous une belle équipe de bras cassés. En attendant, on attend toujours de savoir combien de chars Leclerc, le chef de guerre Macron, va envoyer en Ukraine. Selon un article du Canard enchainé, la France aurait à peu près une trentaine de chars en état de marche POUR EUX, alors comme ils ne peuvent rien donner, ils vont proposer des scooters Tmax récupérés dans les banlieues, qui seront équipés de lance-roquettes ou, à défaut, de frondes pour lancer des cailloux. Bon, en même temps Zelensky a passé la vitesse supérieure et demande des missiles longue portée et des avions de chasse. Normalement, la semaine prochaine, il devrait demander l’arme nucléaire et un ou deux porte-avions pour mettre dans le fleuve qui traverse Kiev.

Chiffres du jour

Côté chiffres du jour, il y aura le Core PCE aux States, ainsi que la confiance du consommateur version Michigan. En Europe, Lagarde continue sa tournée de concerts et de discours sur la hausse des taux en Europe et pour ce qui est des chiffres du trimestre, nous sommes vendredi et ça sera calme, il y aura néanmoins Chevron et Colgate. Pour l’instant, les futures sont en baisse de 0.25% et on attend la semaine prochaine.

Il va falloir attacher les ceintures pour la semaine qui vient, parce qu’entre chiffres du trimestre et FED, ça va swinguer. Mais comme tout va bien, ça devrait se finir à 5’000 sur le S&P500 et ensuite on pourra penser à fermer pour le reste de l’année en attendant la baisse des taux et la récession. Passez une très belle journée et surtout, surtout, un excellent week-end !

Thomas Veillet
Investir.ch

“Les cons ça ose tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît.”

Michel Audiard