Avant d’aller plus loin dans cette chronique, comme c’est la première de l’année, mon devoir est de vous souhaiter une excellente année. Tous mes vœux pour une année boursière un peu meilleure que celle que nous venons de vivre, mais aussi tous mes vœux pour le reste. Voilà, maintenant que « ça », c’est fait, on peut commencer à parler et reparler du monde merveilleux de la finance et je vous préviens tout de suite ; si vous pensez que tout a changé depuis l’année dernière et que nous avons corrigé nos vieux travers liés à l’inflation, la récession et à la couleur de la cravate de Powell, il vaut mieux retourner tout de suite à la montagne faire du ski. Enfin, s’il y a de la neige.

L’Audio du 9 janvier 2023

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Nouvelle année, rien de neuf

Comme chaque année durant les fêtes de Noël, on a – par moment – des bouffées d’espoir et d’envie de se dire qu’avec la nouvelle année qui arrive, tout va changer et que l’on va essayer de faire mieux que l’an dernier. De réfléchir un peu plus et d’essayer de voir un peu plus loin que les 15 prochaines minutes. Hélas, le début de l’année boursière, c’est un peu comme les bonnes résolutions de la nouvelle année. En général, le 15 janvier c’est déjà réglé et l’abonnement de fitness est déjà passé aux pertes et profits. Sauf que nous, dans la finance, après deux jours de trading en 2023, on était déjà revenu en mode 2022.

Le seul sujet que l’on n’a pas encore abordé dans les médias financiers, c’est la guerre en Ukraine. Autant on nous en a bourré le crâne toute l’année dernière, autant les 9 premiers jours de 2023 ont été totalement exempts du sujet. C’est officiel – dans le monde de la finance – tout le monde se fout totalement de ce qui se passe là-bas. Autant il y a quelque mois on ne pouvait pas prendre une position sans intégrer le fait qu’il y avait « LA GUERRE AUX PORTES DE L’EUROPE », autant depuis que les Chinois ont été libérés par leur propre gouvernement après trois ans de taule, on s’intéresse beaucoup moins à l’Ukraine et beaucoup plus aux files d’attentes devant les boutiques de Bernard Arnaud dans les rues de Paris. Après tout, un sac à main Vuitton, c’est quand même vachement plus cool que le 214ème chèque en blanc signé par l’OTAN en faveur de l’armée ukrainienne, histoire de faire un maximum de vues sur Twitter.

Le CAC et le sac à main

La semaine dernière nous avons donc fêté la nouvelle année et aussi le nouvel an chinois un peu en avance. En tous les cas, en Europe c’était la fête au village et si l’on regarde les prévisions de performances boursières annoncées par les banques d’affaires et autres analystes financiers, on peut se dire que le CAC40 a déjà fait plus de la moitié du chemin pour 2023. Si l’on part du principe qu’une année en hausse de 10% est le maximum que l’on peut attendre cette année (grosso modo, la performance moyenne attendue par les experts), la France a déjà fait plus de la moitié du chemin et, à l’allure où ça monte, on se demande bien ce que l’on va pouvoir faire avec l’indice à Manu pour le reste de l’année. Puisque normalement dès mercredi soir, le CAC devrait avoir atteint les 10% de performance annuelle. Donc ; soit l’année va être super-chiante ensuite, soit ça va se dégonfler aussi vite que la lumière…

En Europe, nous avons donc entamé l’année sur les chapeaux de roues. Tout d’abord parce que la Chine va consommer et que ça va être la fête du slip toute l’année chez LVMH, Kering, Hermès, Richemont, Swatch, Bulgari et le reste de l’équipe. Et ensuite, parce que l’on s’est rendu compte que le prix du gaz s’était pété la figure. Tellement pété la figure qu’il est même en-dessous des niveaux qui étaient les siens au moment de l’invasion russe. Une énergie aussi peu chère ne peut donc être que bénéfique pour l’économie européenne. Et cela, c’est sans compter les injections de cash que le Qatar a mis en place pour soutenir la Commission Européenne de Dame Ursula. Bref, la première semaine de l’année aura été trop cool pour l’Europe. Sauf si vous êtes un boulanger.

Les USA, pas sur le même rythme

Par contre, c’était un peu différent pour les Américains. Tout d’abord eux, ils sont moins touchés par le débarquement des Chinois en Europe et plus inquiets d’un éventuel débarquement des Chinois à Taïwan. Mais en plus de cela, il aura fallu noter que les marchés américains sont restés obsessionnellement connectés à la problématique de l’inflation, de la hausse des taux et de la récession à venir. Ou pas. Durant la première partie de la semaine, les Américains se sont montrés très inquiets de la problématique des taux qui pourraient ne pas baisser en 2023 – chose qui a été plus ou moins confirmée dans les minutes du FOMC meeting publiées mercredi dernier – sans compter que certains experts ont commencé à laisser entendre que plus le marché allait monter, plus la FED allait monter les taux. On commence à tirer un parallèle entre hausse des marchés et forces inflationnistes. Et du coup, la peur était parmi nous : et si la FED ne baissait plus jamais les taux ???

Sans compter que lors de la publication des chiffres de l’emploi version ADP, on s’est rendu compte que c’était bien plus fort qu’attendu. Bien trop fort. Ce qui laissait supposer que ça n’est pas dans ces conditions que la FED allait envisager de calmer le jeu au niveau des taux. Mais c’était sans compter la capacité d’improvisation et d’interprétation des « experts à Wall Street ». Vendredi dernier, nous avons encore une fois réussi un tour magistral. Encore une fois nous avons su nous montrer inquiet sur la thématique de l’emploi et les risques que ces derniers posaient pour le futur de la hausse des taux et la seconde d’après, pour un mystérieux chiffre au milieu de plein d’autres chiffres, nous avons réussi à tourner la veste, faire changer la direction du vent et tenir le discours inverse de celui que nous tenions environ 12 secondes auparavant.

Rien n’a changé

Si l’on avait le moindre doute, le moindre sentiment que l’esprit des investisseurs puisse avoir changé entre le 31 décembre à minuit et le premier janvier à 00h01, la réponse était devant nos yeux vendredi dernier : en aucun cas ! On était presque encore plus stupide dans certaines de nos réactions, que nous avions pu l’être en 2022. Oui, vendredi dernier les chiffres de l’emploi – les non-farm payrolls ont été publiés. Ils étaient clairement plus forts que les attentes – ce qui n’était pas une bonne nouvelle pour les taux d’intérêts – ce qui démontrait que l’emploi était encore fort, alors que la FED avait clairement fait comprendre aux marchés que tant que l’emploi ne se calmerait pas, il ne fallait pas compter sur elle pour mettre la pédale douce sur les taux.

MAIS EURÊKA, au milieu de ces chiffres pourris, trop forts pour la FED, nous avons découvert un chiffre secondaire. Un chiffre secondaire qui laissait à penser que la croissance des salaires était en train de ralentir. Et ça, c’était la formule magique. C’est un peu comme si on avait trouvé la recette du gâteau au chocolat qui fait maigrir et que la frite était un légume diététiquement acceptable pour un régime sans féculent. Le ralentissement de la croissance des salaires était donc la CLÉ. La réponse à toutes nos questions et tous nos doutes. Alors que jeudi soir nous étions en train de nous demander si la FED baisserait à nouveau les taux avant 2030, voici que vendredi après-midi, pour un chiffre dont tout le monde se fout habituellement, on entendait déjà parler de « pivot de la FED » et de baisse des taux éventuels en 2023. Non, sérieusement, ce matin j’ai dû vérifier mon agenda pour être absolument certain d’être en 2023, parce que vu le comportement des marchés depuis le 3 janvier, je ne suis pas loin de penser qu’on nous a collé un mois supplémentaire en 2022…

En Asie

Donc, rien n’a changé. Nous sommes en 2023 et rien n’a changé. Ce matin le Japon est fermé, Hong Kong est en hausse de 1.7% et la Chine grimpe de 0.5%. Les exercices militaires que la Chine est en train de mener en direction de Taïwan ne semblent perturber personne. Tout le monde sait que la Chine n’osera jamais attaquer Taïwan. Les marchés s’en foutent donc complètement et continuent de surfer sur la vague la réouverture de la Chine. Je ne sais pas combien de dollars le Chinois moyen qui voyage, va claquer en Europe, mais on a clairement l’impression que l’on compte là-dessus pour relancer toutes les économies du monde.

Du côté de l’or, il continue son début d’année en fanfare et frise les 1’900$. Finalement, il va peut-être vraiment aller à 4’000$. Le pétrole n’a pas profité de la réouverture de la Chine autant que l’on pouvait l’espérer. Ce matin le brut se traite à 74.67$ et on dirait que les Chinois qui voyagent se déplacent en voilier ou en trottinette électrique. Mais en tous cas pas dans un truc qui consomme du pétrole. À moins que tout était déjà dans les prix depuis des mois. La bonne (ou mauvaise) nouvelle, c’est que Pierre Andurand, le célèbre fund manager nous a publié un chart sur Twitter. Chart qui compare le pétrole d’aujourd’hui et celui de 2006. Si l’on en croit cette comparaison nous sommes au début de l’explosion du baril. On se réjouit de faire le point dans 6 mois. En ce qui concerne le Bitcoin, nous sommes toujours dans un coma profond et la cryptomonnaie est à 17’200$.

Source : Twitter

Nouvelles du jour

Mis à part les Brésiliens qui nous font un remake du départ de Trump, mais au Brésil, il n’y a pas grand-chose à dire ce matin. Alors oui, il y a bien « LA NOUVELLE DU JOUR À PROPOS DE MUSK », puisque dans une histoire de procès de manipulation de l’action Tesla, il a demandé à que le procès se tienne au Texas et pas en Californie, puisqu’il estime que la presse locale ne l’aime pas et que ça pourrait influencer les jurés. Comme vous le voyez, on a vraiment de la news de première bourre en ce lundi matin. Autrement on notera que Jack Ma a rendu le contrôle de du groupe Ant et que depuis, Ali Baba est en hausse. Jack Ma qui avait de toute façon disparu après son lavage de cerveau effectué par les services médicaux du gouvernement chinois.

Ce matin il y a aussi Goldman Sachs qui viennent d’annoncer 3’200 licenciements qui vont être agendés pour cette semaine. La grande banque d’affaire américaine « vient de se rendre compte » que certains de leurs employés leurs coûtaient trop cher. Ça vaut bien la peine de payer des boîtes de consulting à prix d’or pour compter le nombre de feuille de PQ restantes dans les toilettes et de se faire « surprendre » par les coûts engendrés par des mecs qui ont fait économie et finance à Harvard. Pour le reste, on va encore beaucoup parler des banques, puisqu’en fin de semaine, il y aura les publications trimestrielles des valeurs bancaires qui vont commencer ! Les attentes sont élevées étant donné la hausse des taux, il va falloir ne pas décevoir.

Chiffres économiques

Côté chiffres économiques, nous aurons les chiffres du chômage en Suisse, le Trade Balance en France, le Sentix Investor Sentiment en Europe et les chiffres de l’emploi en Europe également. Pour le moment les futures sont en hausse de 0.3%.

Ce début d’année se porte comme un charme et ça va vraiment bien. Peut-être même un peu trop bien. Pourvu que ça dure. Quoi qu’il en soit, je vous souhaite – en plus de la bonne année – un très bon lundi et une très bonne semaine !

À demain, puisque c’est reparti pour un tour !

Thomas Veillet
Investir.ch

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