Pour être franc avec vous, je suis bluffé de voir la confiance qui est celle du marché à l’heure actuelle. À quelques heures de la publication des chiffres de l’inflation aux États-Unis, on aurait pu s’attendre à une journée calme de méditation avant de plonger dans la réalité des chiffres et leur interprétation. Mais que nenni. Hier les bourses mondiales ont continué leur inexorable ascension se moquant ouvertement de l’avis des banquiers centraux qui auraient eu l’outrecuidance communiquer au sujet des taux. Ce qui est compréhensible car j’ai le sentiment que JAMAIS – sur les 12 dernières semaines – nous avons été autant convaincus de SAVOIR ce qui va se passer.

L’Audio du 12 janvier 2023

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Les 7’000 en approche et 4 jours de hausse à la suite

Que ce soit en Europe – où le CAC40 approche les 7’000 points et où LVMH touche son plus haut de tous les temps – ou que ce soit aux USA, où le Nasdaq vient d’enquiller sa quatrième séance de hausse consécutive, les marchés semblent bien incapables de pouvoir baisser. Il faut dire que si l’on prend le temps de lire la presse financière en détail, les intervenants n’ont pratiquement aucun doute sur le scénario qui nous attend. Sans oublier que le gaz ne fait que baisser et que bientôt on nous donnera de l’énergie gratuitement. Comme le pétrole en son temps.

C’est tout bonnement impressionnant de voir que l’on n’en sait pas plus que l’an dernier, mais que la conviction de croire que « cette fois on a raison », est au plus haut de tous les temps. Hier je vous parlais de JP Morgan qui donnait des objectifs de performance sur les indices en fonction des chiffres du CPI de ce jeudi, et bien ça continue encore et encore, puisqu’hier est sorti un sondage qui laissait à penser que près de 70% des « experts » pensent que les chiffres de l’inflation vont sortir plus bas que les attentes et que les marchés vont donc – in extenso – monter toujours plus, d’où l’anticipation de ces derniers jours.

Pas tous d’accord

Si l’on continue un peu plus loin notre immersion dans la presse financière et dans le monde fantasmagorique des gens « QUI SAVENT », on se rendra rapidement compte que la confiance est son paroxysme. Le 2 janvier on parlait de probabilité de récession, mais dix jours après et 5% plus haut, on parle du fait que récession ou pas, tout est dans les prix et que ça ne fait plus peur à personne. On rappellera tout de même au passage que l’investisseur possède tout de même cette capacité phénoménale à tourner la veste à DEUX FOIS la vitesse de la lumière et je peux me retrouver largement – demain matin – en train de vous raconter exactement l’inverse de ce qui se dit et de ce qui se pense aujourd’hui, à l’instant présent.

Donc ; la confiance est à son top. L’inflation est « presque » officiellement sous contrôle et d’ici vendredi matin, en réalisant une règle de trois et en faisant une interpolation avec l’âge de Joe Biden et sa capacité à se souvenir de son prénom au réveil, nous devrions être capable de prédire le niveau de l’inflation au matin du 14 décembre 2023. À l’heure actuelle, les marchés sont en mode « peur de rien » et ne parlent que de « pause dans le cycle de la hausse des taux ». Hier encore on pouvait lire les opinions de la stratégie d’HSBC qui disait que la dernière hausse des taux aurait lieu début février et qu’ensuite ça serait terminé. Le prochain « move » sera à la baisse. Reste à déterminer la date de cette première baisse, mais avec un bon boulier et quelques kilos de marc de café, nous devrions rapidement avoir une réponse.

Le plus affolant

Le plus affolant dans tout cela, c’est que nous sommes en train de rejouer les mêmes scénarios que nous avons joué à chaque fois que l’on avait l’impression que ça allait mieux l’an dernier. Je ne compte même plus le nombre de fois où les marchés et les experts nous ont sortis la bonne vieille phrase qui rassure l’investisseur en phase de Bear Market : « Cette fois c’est bon, le pire est derrière ». Et puis en fait, à chaque fois c’était pas vrai et tout s’est dégonflé derrière. Pas besoin de revenir sur le mois de juin 2022, sur le Meeting de Jackson Hole à la fin du mois d’août. À chaque fois nous étions « SÛRS » que cette fois c’était bon ! À chaque fois on avait le sentiment que l’on avait compris le jeu de la FED, que l’on pouvait lire par-dessus l’épaule de Powell et contempler ses cartes.

D’ailleurs c’est peut-être le plus surprenant à l’heure actuelle. Cette capacité à avoir confiance en NOUS et à penser que l’on sait mieux que la FED et ses banquiers centraux, est absolument phénoménale. Non, parce qu’au-delà des chiffres dont on nous abreuve tous les jours, ce qu’il faut tout de même se souvenir, c’est que la plupart des membres de la FED qui ont parlé ces derniers jours ont annoncé des taux au-delà des 5%, le plus agressif parlant même de 5.4% en taux terminal. Mais les « experts » que nous sommes s’en foutent totalement et partent du principe que l’on sait bien mieux que n’importe quel banquier central. La confiance est de retour, la période du « grand sachoir » est parmi nous et aujourd’hui, les visionnaires de la finance sont bien plus forts que les banques centrales, ils voient plus loin et ils voient mieux. Le doute est levé et le reste de l’année va être tellement facile. Rien que de savoir que l’on sait mieux que tout le monde est un immense soulagement.

Il n’y a qu’à attendre

Si l’on croit les discours du moment, il n’y a plus de craintes à avoir. L’inflation est sous contrôle et va même être plus faible que prévue. Les FED Funds vont encore monter de 0.5% MAXIMUM. Ensuite nous ferons une pause et dès qu’il y aura le moindre signe de récession, on hurlera sur la FED s’ils ne baissent pas les taux dans la seconde qui suit. Les chiffres du trimestre qui vont nous tomber dessus dès demain seront clairement mauvais, mais comme on a anticipé tellement pire, ça devrait bien se passer et comme la saison des résultats sera placée sous le signe du « moins pire » avec une inflation qui baisse et des taux qui vont suivre dans la foulée, je ne suis pas loin de penser que l’ensemble des banques d’affaires qui ont prévu des performances anémiques pour 2023 – performances qui sont d’ailleurs parfois déjà atteintes sur certains indices – vont devoir tout réviser à la hausse et se jeter sur les valeurs technologiques qui vont inexorablement faire leur retour.

Il n’y a qu’à voir la performance des GAFAM’s depuis que L’ON SAIT que l’inflation va baisser plus que les attentes et que le cycle de hausse des taux s’essouffle. Au hasard ; Microsoft a repris 7% en 4 jours, Amazon ; 16% et Apple 7% également. En résumé ; si tout se déroule sans accroc cette après-midi et si les banquiers centraux se font ENCORE UNE FOIS ridiculiser par les experts à Wall Street qui savent mieux que tout le monde et qui ne se trompent (presque) jamais, tout devrait bien se passer. Le S&P500 devrait casser définitivement sa moyenne mobile des 200 jours à la hausse puis, dans la foulée, exploser la tendance baissière de ces 12 derniers mois et une clôture au-dessus des 4’050 devrait nous convaincre définitivement sur le fait que le Bull Market est définitivement de retour. À poil les shorts.

Graphique du S&P500 – Source : Tradingview.com

L’Asie

Ce matin l’Asie est solidaire et ne fout strictement rien. La phrase bateau de la journée sera donc :

« Les marchés sont calmes en attendant les publications du CPI cette après-midi »

Ensuite, après 14h30, la phrase bateau du reste de la journée sera :

« Les marchés explosent puisque – comme prévu par les scientifiques – l’inflation est en train de chuter et que la récession ne se produira jamais ».

Pour le reste, le pétrole se réveille et traite à 77.51$, l’or est à 1’881$ et le Bitcoin s’envole discrètement au-dessus des 18’000$. L’appétit au risque est de retour, la confiance est en train de booster les marchés et la volonté des investisseurs qui n’auront bientôt plus aucun doute sur le fait que deux années de suite à la baisse, c’est très rare et que – du coup – 2023 sera l’année du recovery, il ne manque plus qu’un bon retour du COVID avec des bons gros soutiens des gouvernements comme en 2020 et c’est reparti pour un tour de manège.

Les nouvelles du jour

Si l’on avait un doute sur le fait que l’on est reparti faire un tour de manège, il suffira de se concentrer sur le retour des « meme stocks ». Il y a quelques jours, Bed Bath and Beyond avait annoncé sa probable mise en faillite. Depuis, le titre a pris 166%. Encore hier, le retailer a bondi de 68% rien que sur la séance avec des chiffres trimestriels immondes. Il faut dire que les analystes ont cessé de couvrir la valeur, que les gros clients institutionnels, ne sont plus là et que plus de 52% des titres ont été empruntés pour être shortés. Il suffit donc qu’un bon gros joueur qui a un pseudo sympa sur Reddit vienne raconter que Bed Bath and Beyond pourrait se faire racheter et on se refait un « short squeeze massif » à la Game Stop ou à l’AMC. Game Stop qui a pris 7% hier – en sympathie – pendant qu’AMC bondissait de 21% pour absolument aucune autre raison… si ce n’est que c’est un « meme stocks ». Si l’on avait encore un doute sur le fait que ce marché est complètement cinglé et sclérosé, voici une preuve de plus pour lever le doute en question.

Autrement, Bernard Arnault a nommé sa fille à la tête de Dior et un autre type à la tête de Vuitton, ensuite, après Goldman Sachs qui continue de pleurer depuis trois jours parce qu’ils doivent couper les coûts, il y a BlackRock qui licencie 500 personnes. C’est la crise un peu partout – à moins que ça soit pour ne pas pénaliser les bonus de ceux qui restent tout en haut de la pyramide, parce que tu comprends, le leasing du Cullinan, c’est quand même vachement cher. Si jamais, pour les gens qui se sont fait virer de chez Goldman et de chez BlackRock, il y a Binance qui prévoit d’augmenter son staff de 15 à 30% en 2023, alors que tout le secteur licencie. Je ne sais pas comment ils font, mais on devrait mieux comprendre dans les mois qui viennent. Si ça se trouve, c’est le même business modèle que FTX. Bon, trêve de plaisanteries malsaines, on retiendra qu’Apple prévoirait un « touchscreen » sur ses Mac’s d’ici 2025. Je ne suis pas certain que ça va changer la face du monde de l’investissement de parler des hypothétiques ventes de 2025, mais ça sera à surveiller. Et puis, pour terminer, FTX a « retrouvé 5 milliards en faisant le ménage », pendant qu’Ubisoft faisait un profit warning tellement moche que si ça se trouve dans deux semaines, c’est un « meme stock ».

Chiffres du jour

Côté chiffres du jour, au cas où vous n’auriez pas saisi l’allusion ; cette après-midi il y aura les chiffres du CPI américain. Sur la version annualisée on attend 6.5% et sur la version « Core » qui n’inclut pas la nourriture qui est un peu trop volatile (type les œufs) et l’énergie, parce que c’est trop dur à calculer, sur ce chiffre-là, on attend 5.7%, mais près de 70% des experts pensent que ça sera bien plus bas, ce qui devrait faire monter le marché. Point final.

Il y aura aussi les nouvelles demandes d’allocations chômage, chose qui préoccupe généralement le marché, mais comme là, on sait déjà que l’inflation est trop trop sous contrôle, on va se contenter d’apprécier le fait qu’un plan se déroule ENFIN sans accroc. Pas comme l’an dernier. Pour le moment les futures sont en hausse de 0.10% et autant vous dire qu’on attend 14h30.

Passez une excellente journée et soyez rassurés, le monde merveilleux de la finance SAIT ENFIN OÙ l’on va. Il était temps.

À demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

The way to get started is to quit talking and begin doing. -Walt Disney