Cette fois, c’est officiel. La finance mondiale a tout compris et ne se trompera plus jamais. Il faut savoir le reconnaître quand les choses changent et là tout de suite, pour une fois dans l’histoire, les prédicateurs financiers de Wall Street ne s’étaient pas trompés ! Il fallait le voir pour le croire. Cela fait des mois que les prévisions sont fausses et à côté de la plaque sur… à peu près tout, mais là, hier ils ont corrigé le tir de façon magistrale sur l’inflation américaine : le chiffre annuel était pile-poil dans le mille et le Core CPI était tout aussi exact. Finalement, la seule chose qui n’a pas fonctionné, c’est l’amplitude de la hausse qui était prévue.

L’Audio du 13 janvier 2023

Télécharger le podcast

Un plan qui se déroule sans accroc

Les « experts » à Wall Street attendaient un CPI à 6.5% sur l’année, c’est sorti à 6.5%. Ils attendaient un CORE CPI à 5.7%, c’est sorti à 5.7%. Ils attendaient une inflation nulle sur 1 mois, c’est sorti en baisse de 0.1%. Après tout, on ne peut pas gagner à tous les coups. Et puis en plus, l’inflation sur un mois ça ne veut tellement rien dire que l’on ne va pas non plus se raccrocher à cela. Et puis deux sur trois, c’est quand même pas mal. C’est assez rare que l’on soit aussi « juste » sur des prévisions pour le signaler et on ne va donc pas se plaindre ni se permettre de critiquer.

Non, hier le monde de la finance a été brillant, la stratégie aura été magistrale et les marchés ont pu continuer de monter tranquillement sans se poser de question sur le futur qui ne peut être – dorénavant – que brillant, lumineux et fantastique. Reste tout simplement à que les Banques Centrales du monde entier le comprennent et arrêtent de monter les taux n’importe comment. C’est en tous les cas ce que l’on est en train d’essayer de leur expliquer depuis hier soir. On se réjouit d’ailleurs de voir ce qu’en pensent lesdits banquiers en question, parce qu’ils n’ont pas encore confirmé la fin de la hausse des taux, ni la date exacte de quand ils vont commencer à les baisser.

C’est pourtant simple

En tous les cas, les analystes et autres stratégistes ont pris d’assaut les chaînes de télé et les sites internet de finance pour venir expliquer au commun des mortels et aux banquiers centraux que tous les problèmes sont réglés et que maintenant, il faut arrêter de nous embêter en montant les taux sans arrêt. On ne compte plus les déclarations confiantes au sujet de l’économie qui ont été faites hier, on n’a plus assez de temps pour lire tous les articles qui sont bullishs pour le reste de l’année et il est impossible de compter le nombre de fois qu’il a été écrit : « cette fois c’est la fin des hausses massives de taux d’intérêt » ou encore « cette fois c’est CERTAIN, l’inflation est vaincue, il faut juste encore quelques mois pour que cela soit confirmé par la FED ».

Oui, parce que NOUS dans le monde de la finance qui ne se trompe jamais et qui sait mieux que tout le monde, ON SAIT que l’inflation ne va faire que baisser, ON SAIT que tout est sous contrôle et qu’il n’y a plus besoin de monter les taux pour essayer de maitriser un animal qui est à terre ou un soldat qui est en train de rendre les armes. À nous, CEUX QUI SAVENT, d’expliquer aux banquiers centraux que l’ON SAIT mieux qu’eux et qu’ils seraient temps qu’ils commencent à écouter Wall Street plutôt qu’eux-mêmes. On va donc faire un maximum de bruit pour qu’ils nous écoutent, parce qu’à la fin ON EST QUAND MÊME TROP FORTS !!! Enfin, surtout les analystes et les économistes, moi je ne suis qu’un couillon de chroniqueur qui raconte des trucs et qui se plaint tout le temps.

Les marchés tout en contrôle

Il y a un peu plus de 24 heures, une grande banque d’affaire américaine nous avait expliqué que si les chiffres de l’inflation sortaient « en ligne » avec les attentes des Dieux de la Finance, le S&P500 monterait de 1.2%. Bon. On a fait presque tout juste hier, on ne peut pas non plus gagner à tous les coups. Le S&P500 n’est monté que de 0.34% et on est encore loin du compte. Mais par contre, le truc sympa, c’est que le graphique du S&P500 est à deux doigts de casser la tendance baissière de douze mois dans laquelle nous sommes. Selon comment vous tirez vos droites et quels points vous choisissez, on dira que le point de rupture haussier se situera quelque part entre maintenant et 4’050 – c’est une question de point vue et de précision géométrique.

Toujours est-il que tout le monde a repéré cette éventuelle cassure haussière à venir et l’on se prépare déjà à sacrifier les Bears sur l’autel du retour du Bull Market. On n’en sait rien, mais disons que si le S&P500 cassait sa tendance baissière, tout comme le Dow Jones l’a fait il y a quelques semaines, cela commencerait à confirmer que quelque chose est en train de se passer et pourrait déclencher quelques vagues d’achats opportunistiques en attendant que le Nasdaq rattrape le retard en anticipant une baisse des taux à venir. On s’emballe peut-être, mais toujours est-il que, depuis hier et depuis que l’on sait que l’inflation est sous contrôle, on peut commencer à se chauffer sur l’avenir. La récession ne semble plus être une angoisse, puisqu’elle est « déjà dans les prix » selon les experts et que – je cite : « la force de l’emploi et la baisse progressive de l’inflation, laisse clairement la porte ouverte à toutes les fenêtres pour anticiper un « soft landing » ». Comme d’habitude, à la fin c’est les Bulls qui gagnent et si l’on devait faire une allégorie météorologique, je dirais que l’on s’attend à un pic de chaleurs printanières et une vague d’éclaircies qui vont mener à un grand ciel bleu.

Et ce matin

Quoi qu’il en soit, hier le CAC40 est brièvement passé au-dessus des 7’000 points, le Nasdaq est monté pour la cinquième séance consécutive, on a eu raison pour l’inflation – et même si certains points sont encore très noirs au niveau de cette dernière, comme le prix des œufs, du beurre, de la salade, de la farine et des cookies – tout le monde semble heureux et serein de ce qui se passe. La guerre aux portes de l’Europe n’intéresse plus personne, les exercices militaires chinois en face de Taïwan ne font plus de bruit, les documents confidentiels que Biden a piqué à la Maison Blanche sont un détail. Bref, tout ce qui a été susceptible de provoquer des vagues d’inquiétudes économiques est oublié et 2023 sera un grand cru. En tous les cas c’est ce que la presse de ce matin donne comme sentiment. Le seul problème c’est qu’en général on maintient une vision à 12 minutes.

Ce matin l’Asie est partagée. Hong Kong et Shanghaï sont légèrement en hausse après un important trade surplus en Chine et le Japon recule de 1% parce que l’inflation fait craindre une hausse des taux à Tokyo. Manquerait plus que ça, les gars ils ne peuvent jamais faire les choses en même temps que nous. Alors que tout l’Occident est en train de se passer la main dans le dos pour se chauffer sur la « prochaine baisse des taux », voici que les Japonais parient sur la hausse. Pendant ce temps, le pétrole est à 78.14$, l’or est à 1895$ et le Bitcoin est au bord de l’explosion haussière en frisant les 19’000$. Du côté des cryptos, on notera aussi que l’ex-patron de FTX pense que sa boîte est techniquement encore viable, que rien n’est de sa faute, qu’il est innocent et que tout cela est un complot fomenté par des gens qui lui veulent du mal (au hasard, Binance) et que lui n’est qu’une pauvre victime. Je ne sais pas ce que foutent les scénaristes de Netflix, mais faut qu’ils se bougent pour faire un biopic, il y a de quoi tourner une douzaine de saisons rien que sur les jérémiades de SBF.

Nouvelles

Dans les nouvelles du jour, on parle des documents de Biden et on cherche à savoir s’il est vraiment dans la panade ou pas. Le fait que ça soit écrit en bas de la page de ses discours « tournez la page pour la suite » et qu’il se sente obligé de le lire quand même laisse supposer qu’il n’a pas pu prendre ces documents volontairement, il a dû confondre avec le Washington Post. Autrement, tout le monde parle de l’inflation et les économistes font la queue devant l’entrée du Wall Street Journal pour venir prodiguer leurs conseils à la FED, leur expliquer ce qu’il faut faire après les chiffres de l’inflation d’hier soir.

Pendant ce temps, Tim Cook, le patron d’Apple, a demandé et obtenu une baisse de salaire de 40%. C’est assez rare pour être signalé. Assez rare de voir le CEO d’une boîte de premier plan se couper un bras en pleine période de crise, d’habitude c’est plutôt l’inverse. On a aussi appris, selon des anciens documents qu’Exxon avait très bien repéré le principe du réchauffement climatique bien avant la naissance de Greta et qu’ils n’ont pas forcément fait grand-chose – à la surprise générale, bien évidemment. Et puis pour la suite, tout le monde est en train de s’échauffer sur le début de la saison des publications trimestrielles qui commence aujourd’hui selon l’almanach boursier.

Chiffres du jour

Côté chiffres économiques, nous aurons le CPI en France – chiffre qui ne veut strictement rien dire puisqu’avec les multiples aides de l’état, le chiffre est tronqué et on n’a visiblement pas encore compris que les aides de l’état sont financées par les impôts et qu’à la fin, c’est le serpent qui se mord la queue. Mais au moins ça permet à Bruno Col Roulé Le Maire de se faire mousser comme quoi l’inflation est plus faible en France, tout comme Brigitte Macron, récemment nommée ministre du travail, de l’éducation et de l’enfance (jusqu’à 14 ans, pas plus) qui pourra aussi expliquer que dans son pays c’est là que tout va le mieux dans le meilleur des mondes. Il y aura aussi la production industrielle en Europe, ainsi que le Trade balance. Aux USA, ça sera les chiffres de la confiance du consommateur via l’Université du Michigan ainsi que les prix à l’importation et à l’exportation. Côté trimestriels, on attendra donc JP Morgan, BlackRock, Citi, Wells Fargo et Bank of America pour nous donner la tendance…

Pour le moment les futures sont en baisse de 0.2% et même si l’on est convaincu que l’économie est repartie comme en quarante, on a quand même deux-trois doutes par moment. En ce qui me concerne, il me reste à vous souhaiter un excellent week-end, profitez bien. Et on se retrouve lundi au même endroit !

Thomas Veillet
Investir.ch

« La politique, c’est pas compliqué, il suffit d’avoir une bonne conscience, et pour cela il faut juste avoir une mauvaise mémoire ! »

Coluche