En observant la journée d’hier, en analysant les niveaux de clôture des indices, on a l’impression qu’il ne s’est rien passé durant la séance. Mais en fait, c’est totalement erroné. Il s’est passé plein de choses, mais on a le sentiment que pour chaque nouvelle positive, nous en avons eu une négative et qu’à la fin, tout s’est annulé. On a presque trouvé l’équilibre parfait dans les marchés financiers. Et puis, alors que l’on avait JUSTEMENT l’impression que l’on avait trouvé l’équilibre, je me suis rendu compte que c’était profondément ennuyeux, l’équilibre.

L’Audio du 26 janvier 2023

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Les trucs qui font peur

Tout d’abord, il faut tout de même retenir que les analystes ont tellement baissé leurs attentes, qu’il y a quand même des boîtes qui arrivent à faire MIEUX que les attentes et ça nous fait du bien. Ça nous fait du bien, même si fondamentalement cela équivaut quand même à cacher la poussière sous le tapis, puisque fondamentalement, on se rend bien compte que le coût du crédit a tout de même fait super-mal aux sociétés en tous genres et qu’ils sont tous en train de recalculer ce que ça leur coûte d’avoir autant d’employés et si c’est VRAIMENT nécessaire.

D’ailleurs, au chapitre licenciements, on notera qu’IBM et LAM Research qui ont publié leurs chiffres hier, en ont profité pour annoncer des licenciements massifs. La saga continue et je crois que nous sommes à plus de 60’000 licenciements depuis le 1er janvier. Tout ça pour 5% de hausse sur le S&P500. Nous voyons donc clairement que la stratégie de la FED fonctionne et que les dommages collatéraux sont en augmentation. Présenté comme ça, c’est très moche. Mais en même temps, ça aura permis à LAM de limiter la casse sur le trimestre avec des prévisions qui sont franchement moches et qui semblent être l’apanage du secteur des semi-conducteurs. Et pour ce qui est d’IBM, qui ont publié leurs ventes les plus fortes depuis 10 ans, ils n’ont perdu que 2% après la clôture et les licenciements. Mais c’est ailleurs qu’il faut aller chercher la bonne nouvelle. C’est du côté de notre imbroglio avec la FED.

La FED, l’inflation, l’emploi et la récession

Au cas où vous ne l’auriez pas encore noté dans vos carnets d’investissement – si vous avez de carnets d’investissement – actuellement nous sommes très préoccupés par le comportement de la FED. Très préoccupés et pas toujours très convaincus que la FED sait ce qu’elle fait. Il faut dire que nous vivons dans deux mondes différents et que nos objectifs respectifs ne sont pas les mêmes.

– Le monde merveilleux de la finance qui vit chez Alice au Pays des Merveilles ne pense qu’à faire du pognon, parce que « Greed is Good » et que c’est quand même plus facile quand les taux baissent et que les marchés montent.

– La FED avec ses costumes sombres et ses cravates grises qui sont là pour empêcher que l’inflation nous pète à la figure et que l’économie s’effondre. La FED qui est bien peu préoccupée par les performances du portefeuille de l’Américain moyen et encore moins par celles des banques d’affaires de Wall Street. La FED qui veut être certaine que l’inflation est vraiment morte avant de faire quoi que ce soit sur les taux qui pourrait être considéré comme « positif » pour le monde merveilleux de la finance.

Nous nous retrouvons donc avec deux points de vue. Deux points de vue avec des objectifs différents. Ce qui fait que la FED n’aime pas voir les marchés qui montent parce que cela booste l’inflation –(déjà que la réouverture de la Chine de les arrange que moyennement de ce côté), elle renâcle donc à changer de position, ne veut pas pivoter en faveur des DOVISHS un peu trop vite. Et de l’autre côté, nous avons, les investisseurs qui veulent se refaire après 2022 et qui cherchent toutes les preuves qu’ils pourraient présenter à la FED pour la pousser au cul et la faire pivoter au plus vite. Actuellement, la mode est au licenciement. Wall Street a très bien compris que la FED voulait un marché de l’emploi qui ralentissait avant de pivoter. Alors à chaque licenciement, même le plus petit. Le marché prend une bouffée d’optimisme dans les poumons. Oui, je sais ça ne paraît pas très logique, mais c’est quand même comme ça que ça fonctionne à Wall Street. Je n’ai pas dit que ça fonctionnait BIEN, mais c’est comme ça que l’on interprète les choses et c’est ce qui nous permet de trouver un peu de réconfort dans les publications trimestrielles qui ne sont franchement pas terribles.

Les visions de Microsoft

On peut donc dire que les licenciements annoncés hier ont permis au marché de limiter la casse par rapport à la publication du trimestre de Microsoft. Pendant que Papy Gates fait le show à la télé pour expliquer au monde comment il faut se vacciner 14 fois par année, sa société a déclaré que l’avenir du Cloud serait orageux pour quelques mois et ça a mis la pression sur tout le marché hier. L’ensemble des GAFAM’s cotisaient aux mauvaises nouvelles du géant de Seattle et encore, eux n’ont même pas publié leurs chiffres du trimestre. Du coup, il y a quand même des gens qui ont réussi à prononcer le mot « craintes de récession ». Et puis craintes aussi des chiffres du GDP qui sortiront cette après-midi. On ne sait jamais.

En résumé de la séance d’hier, j’ai un peu l’impression que l’on a pris tout ce qui nous préoccupe en ce moment, que l’on a tout mis dans un grand sac et que l’on a secoué le tout pendant 10 bonnes minutes. Ensuite on a rouvert le sac et on s’est rendu compte que les mauvaises nouvelles avaient été étouffées par les bonnes et que les bonnes ne permettaient pas de prendre son envol à cause des mauvaises. Résultat final ; on n’a rien fait sur les indices et il y a quelques sociétés qui se sont fait secouer un peu plus fort que les autres parce que leurs chiffres étaient en-dessous des attentes des analystes. C’est d’ailleurs le pire qui puisse vous arriver ce trimestre : être une société côtée aux USA et publier des chiffres en-dessous des attentes des analystes. Même si on sait que ces gars sont généralement faux dans leurs prévisions et à côté de la plaque sur leurs objectifs, allez savoir pourquoi, mais faire moins bien que ce qu’ils attendaient alors qu’ils avaient coupé leurs attentes à la tronçonneuse depuis des mois (leur côté visionnaire, sans doute) est tout de même considéré comme l’insulte suprême et les conséquences sont sanglantes. Demandez l’avis de sociétés comme NextEra Energy ou encore le Nasdaq lui-même. Chiffres en-dessous des attentes : badaboum. Entre 6 et 9% de baisse pour fêter ça.

Et puis il y avait aussi les chiffres de Boeing. Alors là, je vais être franc avec vous, plus personne n’y comprend rien et, comme l’écrivait une boîte de recherche financière hier soir : le bilan de Boeing est un merdier sans nom – je m’excuse pour le mot « merdier », mais je ne trouve rien de mieux pour expliquer le fait que les analystes attendaient un gain de 17 cents par action et qu’ils ont sortis avec une perte de 1.75$ par action à cause de certains « coûts anormaux de 800 millions ». Tu parles, que c’est anormal. Mais bon, il paraît que c’est le second trimestre que Boeing sort un cash-flow positif, il y a donc de l’espoir. Du coup, le titre ne faisait rien. Ne me demandez pas, moi non plus j’y comprends plus rien.

L’Asie

Que dire de l’Asie ce matin ? Je crois que le titre d’un article publié tout à l’heure sur le sujet résume assez bien la chose : « les marchés asiatiques sont dispersés alors que investisseurs pèsent le pour et le contre par rapport aux risques de récession ». En gros, ça veut dire que personne ne sait trop pourquoi ça va dans un sens ou dans l’autre. Hong Kong qui a rouvert, monte de 1.7% et le Japon baisse de 0.3%. La Chine est encore en vacances.

Du côté du pétrole, il ne se passe rien. Du côté de l’or il ne se passe pas grand-chose mais ça monte à 1946$ et du côté du Bitcoin, on s’accroche aux 23’000$ comme si c’était une bouée de sauvetage, mais de plus en plus de monde sont persuadés que nous sommes au bord de l’explosion sur le Bitcoin. Ça fait plaisir de voir que la spéculation revient très vite et que l’on oublie encore plus rapidement le fait que l’an dernier on a longtemps hésiter à se suicider au couteau à beurre, tellement ça baissait vite.

Les nouvelles du jour, bonjour Tesla

Côté nouvelles du jour, le truc qui obsède le plus les marchés financiers ET les médias financiers, c’est les chiffres de Tesla. Quelle surprise ! Me direz-vous et que NENNI vous répondrais-je. Depuis que Tesla s’est fait exploser ces derniers temps, on attendait avec impatience le moment où les shorts allaient se faire massacrer à nouveau et le moment où l’ex-homme le plus riche du monde allait mettre en marche son « Happy End » hollywoodien et reconquérir son titre. Les chiffres qui sont sortis sont donc applaudit par la critique. C’est légèrement en-dessous des attentes, mais les prévisions pour le futur sont tellement dithyrambiques que l’on était à deux doigts de faire péter les feux d’artifices. La demande n’est pas un problème selon Musk, le financement n’est pas un problème, l’avenir n’est pas un problème et ils vont faire un carton dans les années à venir tellement ça va être facile. Tesla a prévu de fabriquer 1.8 millions de véhicules cette année, alors qu’ils ont fini 2022 avec 1.37 millions de voitures vendues. Mais Musk s’est emballé en expliquant qu’ils pouvaient facilement viser les 2 millions de véhicules. Et puis il y aura le Cybertruck en 2024, puis un jour les voitures seront 100% autonomes (la promesse qu’il fait depuis 4 ans) et à la fin la marmotte elle met le chocolat dans le papier d’aluminium.

Bref, les chiffres de Tesla ont été accueillis comme le Saint Graal, Elon Musk est génial, l’avenir est tout rose et nous vivons au pays des Bisounours. Pendant ce temps, Biden va livrer des tanks en Ukraine pour que les tanks américains puissent tirer sur les Russes. Bien que je ne sois pas stratège militaire, je ne suis pas certain que ça soit une super idée. Mais bon. Il y a d’ailleurs une statistique qui tourne à Washington. Cette statistique dit que lorsque – par le passé – un Président Américain a eu des ratings aussi pourris que ceux de Biden actuellement, il a :

– Soit démissionné à cause d’un scandale politique
– Soit il a déclenché une guerre

Il y a donc 100% de chances que Biden nous fasse un truc dans les mois à venir et ça ne sera finalement peut-être pas un AVC. Mais par contre, si je peux choisir, je vote pour la démission. Dans les autres nouvelles, on notera que tout va bien chez Chevron qui vient d’annoncer un programme de rachat d’actions de l’ordre de 75 milliards !!! Et une augmentation du dividende. On sent bien que le business du pétrole est sur le déclin.

Chiffres du jour

Côté chiffres du jour en dehors des traditionnels « jobless claims » qui seront accompagnés des Durables Goods et des dépenses du consommateur, le chiffre du jour c’est le GPD américain. Il devrait montrer que l’économie a ralenti, mais qu’elle a tout de même progressé à un rythme solide de 2,8 % au Q4. Les économistes guetteront des signaux indiquant la faiblesse ou la vigueur de la consommation à la fin de 2022, ce qui pourrait indiquer si les États-Unis tomberont ou non en récession dans un avenir proche. En gros, c’est pile ou face selon comment on va interpréter les choses.

Pour le moment, les futures sont en hausse de 0.12%, on est au bord de l’euphorie et on ne sait plus si l’on doit s’inquiéter de la récession qui arrive ou de l’inflation qui pourrait rebondir à cause de la réouverture de la Chine ou si encore, il faut bourrer en Tesla parce qu’ils vont changer la face du monde. On ne sait plus si l’emploi qui ralentit c’est bien parce que la FED va pivoter ou si les risques d’inflation ne vont pousser la FED à ne PAS pivoter et que l’on va devoir se faire des injections de xanax jusqu’à que l’on trouve une nouvelle qui nous fera penser qu’éventuellement peut-être FED pivotera en mars. À moins que ça soit en juin. En fait on n’en sait strictement rien et je crois que je vais retourner me coucher.

Excellente journée à tous et à demain, si vous le voulez bien. En tous cas moi, je veux bien.

Thomas Veillet
Investir.ch

“Ce sont toujours les cons qui l’emportent. Question de surnombre !”

Frédéric Dard