Donc, je récapitule. Si j’ai bien tout compris ; depuis le début de l’année les marchés sont montés, montés et montés encore parce que l’on avait pris le pari que l’inflation était en train de baisser (chose confirmée par les chiffres) et qu’ipso-facto, les banques centrales allaient donc devenir plus accommodantes et moins agressives côté hausse des taux. Et ce, malgré le fait que les mêmes banques centrales avaient dit que si le marché montait, ça les forcerait à conserver leur positionnement « hawkish ». Nous avons donc fait comme depuis le printemps dernier : « essayé d’anticiper ce que les banquiers centraux allaient faire ou voudrait faire ». Et comme d’habitude : on s’est vautré.

L’Audio du 20 janvier 2023

Télécharger le podcast

C’est qui le plus fort ?

Je reste convaincu que ça n’est pas un mal de vouloir être optimiste et chercher à voir le verre à moitié plein plutôt que l’inverse. Cependant, j’ai quand même un peu l’impression que l’on répète les mêmes comportements encore et encore. Et qu’à chaque fois, on attend un résultat différent. En l’occurrence, à chaque fois on essaye d’expliquer à la FED et à la BCE que NOTRE lecture de l’économie est meilleure que la leur. Et à chaque fois, ils nous disent que l’on s’est trop concentré sur un seul chiffre et que l’on a observé uniquement l’arbre qui cache la forêt et que ça n’est pas assez.

Comme à chaque fois, après avoir joué les gros bras arrogants devant les banques centrales, le marché s’est rendu compte que – pour le moment – on s’est encore emporté un peu vite. Comme en juin dernier, comme à Jackson Hole, comme à chaque meeting de la FED et comme à chaque fois que l’on tombe sur un chiffre qui est susceptible de nous laisser entendre qu’éventuellement peut-être, il y avait une amélioration quelconque de l’économie. Mais il semblerait que, depuis hier, nous nous serions rangés sous les ordres des banques centrales, tout en ramenant une nouvelle peur sur le tapis : le plafond de la dette.

La séance qu’on n’aime pas

Si l’on doit revenir à la séance d’hier, il faudra retenir que plusieurs banquiers centraux américains ont parlé et qu’ils ont tous – sans exception – estimé qu’il ne fallait pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Et tous, sans exception, ont déclaré que les taux devaient monter encore pour être bien certain que l’inflation s’est calmée. Ce fût le cas aux USA, mais aussi du côté de Madame Lagarde qui était en balade à Davos pour rencontrer ses amis du World Economic Forum. C’est dans cette ambiance qu’elle a fait part de toute son arrogance et de toute sa suffisance, pour déclarer que les « boursiers » devraient revoir leurs attentes, parce que du côté de la BCE, on a bien l’intention de viser bien plus haut en ce qui concerne le niveau des taux directeurs. Ah ça, ils ont mis 9 mois pour démarrer en retard après tout le monde, mais là ça fait la maline sur les pistes de ski et ça te donne du « moi-je » dans tous les coins.

Du côté des banques centrales, on a donc reçu ce que l’on méritait. Puis ensuite il y a aussi eu les chiffres des nouvelles inscriptions au chômage qui démontrait que le marché du travail était en pleine forme, puisque ça diminuait gentiment. On s’est donc soudainement rappelé que la FED voudrait bien voir un affaiblissement de ce côté-là aussi avant de baisser les taux. Force est de constater que là tout de suite, ça n’en prend pas le chemin. Et puis alors, alors que nous étions en train d’essayer de récupérer de la série de coups virtuels qui nous avaient été assenés par les banquiers centraux ET Madame Lagarde, on nous a donc remis le plafond de la dette sur le tapis.

Une seule direction

À ce moment très précis, il n’est nul besoin de vous garder en haleine un peu plus longtemps ; les indices mondiaux ont tous terminés dans le rouge et l’on a réouvert nos bouquins de finance au chapitre : « Quand prendre les profits lorsque l’on s’est juré de faire de la gestion à long terme cette année ? ». Donc. Le plafond de la dette, parlons-en.

Il faut savoir que – dans le domaine de la finance – c’est un peu comme le football. Si dans le football, tous les quatre ans on nous remet la coupe du monde sur la table, dans la finance, tous 12 mois, on nous remet le plafond de la dette sur la table.

Same old shit

En gros, il faut retenir que les USA ne peuvent pas survivre sans la dette. Si vous leur demandez de commencer à rembourser, dans six mois ils font la guerre à cheval et la distribution du courrier postal aux USA se fera à dos d’homme. La solution ultime est donc de s’endetter toujours plus. Sauf que pour se donner bonne conscience, les politiciens américains se sont dit : « On va quand même mettre une limite à ces conneries ». Et chaque année on nous dit : « Alors oui, nous, les politiciens brillants et plus intelligents que vous, nous avons décidé que cette année, le pays ne s’endettera pas plus haut que tant »…

Sauf qu’évidemment, comme personne n’est prêt à faire des efforts sur ses notes de frais, son chauffeur attitré ou le nombre de tanks qu’ils vont acheter cette année, on se retrouve toujours un peu à court de cash. En résumé, on a tapé le plafond de la dette. S’ensuit ensuite un immense merdier entre Washington et New York. Entre les médias et les politiques. Entre la finance et les politiques, pour savoir si on peut « raisonnablement » augmenter le plafond de la dette.

La discrétion, toujours la discrétion

À ce moment, vous avez toute la quintessence politique de Washington qui refait surface et TOUT LE MONDE se montre soudainement économe, prêt à faire des concessions et jurer que ça ne se reproduira plus et passe le plus clair de son temps sur les plateaux télé pour dire que ça n’est pas possible que des trucs pareils se produisent, qu’il faut agir immédiatement et qu’évidemment, c’est la faute de l’AUTRE parti politique, parce que NOUS, on fait des économies dès que l’on peut. Tenez, hier je n’ai pas repris deux fois du dessert au restaurant.

Ensuite, arrive la seconde partie du scénario. Wall Street s’inquiète, se demande ce qu’il va se passer si le plafond n’est pas relevé rapidement. Les fonctionnaires ne seront plus payés, que vont-ils devenir. Et encore, ça on s’en fout. L’autre chose qui intéresse Wall Street, c’est de savoir ce qui pourrait se passer si les USA faisaient défaut !!! Bref, on s’angoisse, on a peur, on tremble, les marchés tremblent. Des fois même, ils baissent. Et puis à la fin, tout au bout du suspense, à la toute dernière minute comme quand James Bond il désamorce une bombe et que la minuterie s’arrête à une seconde de l’explosion nucléaire qui aurait ravagé Londres, les politiciens de tous bords se donnent la main et remontent le plafond de la dette. Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil et ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants, jusqu’à que l’on atteigne le prochain plafond de la dette et que l’on recommence le même cirque avec les mêmes clowns qui font les mêmes gags encore et encore.

Ça en fait des Air Force One

Actuellement, la dette américaine est à 31’000 milliards de dollars. Si l’on empilait la dette américaine en billets de 100 dollars je pense que l’on pourrait tranquillement aller sur la lune à pied. Pour vous donner un ordre d’idée, lors des attentats du 11 septembre, la dette américaine se trouvait autour des 8’000 milliards. Pour vous donner un autre ordre d’idée, un Airbus A380 vaut un demi-milliard. Donc avec 1’000 milliards, vous pouvez vous acheter 2’000 Airbus A380. Je vous laisse faire le calcul avec la dernière Tesla en date. Et puis pour ceux qui sont au bord de l’apoplexie avec cette histoire de plafond, sachez encore que depuis 1960, le plafond de la dette a été « remonté » un peu plus de 78 fois. Ne cherchez pas, c’est en moyenne plus d’une fois par année…

Bref, hier on a baissé parce que les banquiers centraux sont pas gentils avec nous. Parce que les taux vont monter encore. Parce que le risque de récession est plus élevé (tout d’un coup) et que le marché de l’emploi il est trop fort et que la neige elle est trop dure. On a également baissé parce que le plafond de la dette fait peur, même si on sait qu’à la fin c’est l’endettement qui gagne et parce Procter et Gamble a sorti de bons chiffres, mais pensent que ça va être la merde toute l’année. En gros, tout ce qui nous avait fait monter n’est plus d’actualité, c’est pour ça qu’on a baissé. Heureusement que Netflix a pulvérisé le nombre de nouveaux abonnés – ce qui nous permet d’être en hausse sur les futures ce matin et ce qui démontre que l’on préfère quand même se taper des séries à télé, plus que de savoir qu’on se fout de nous avec leurs histoires de plafond de la dette.

L’Asie et le reste

Ce matin l’Asie est en hausse alors que les craintes de récession augmentent aux États-Unis. Je n’invente rien, c’est le titre d’un journal qui vent de sortir. Là encore, on démontre que l’on a aucune idée de ce qui se passe puisque le titre imprimé veut dire que tout va bien, parce que tout va mal. Je crois qu’il est temps d’envisager une thérapie à raison de 12 séances par semaine. Le pétrole est à 80.79$ et l’or est à 1926$.

Pour ce qui est du reste et des nouvelles du jour, on notera que le Bitcoin est à 21’000$, malgré le fait que Jamie Dimon se soit encore lâché sur le sujet. Bon. En même temps le patron de JP Morgan nous a tellement habitué à tourner la veste toutes les 5 minutes sur le sujet, que plus personne ne l’écoute. Mais hier il a encore dit que le Bitcoin était une fraude et une perte de temps. Il a aussi dit que les bourses allaient rebaisser et que de toutes façons, le marché se trompait tout le temps. Moi on m’a toujours dit que le marché avait toujours raison, mais Jamie Dimon est en train de redessiner les contours de la finance à lui tout seul. Ça tombe bien, je crois que plus personne ne l’écoute vraiment.

Nouvelles neuves

Netflix a donc publié des chiffres pas terribles à cause d’une charge de 460 millions prise sur la division européenne, mais comme la société a pulvérisé les attentes en termes de nouveaux abonnés, tout le monde s’en foutait des chiffres comme de l’an quarante et le titre prenait 7% after close. Il faut dire que la société s’attendait à 4.6 millions de nouveaux abonnés et le chiffre annoncé hier était de 7.7 millions. Par contre le CEO se casse et dorénavant, Netflix ne donnera plus de « guidance » à l’avenir. Les analystes sont déjà en train de se demander quelle méthode ils vont employer pour faire des prévisions sur ce truc et si la lecture dans le marc de café est vraiment fiable après tout !!!

Pour le reste, aujourd’hui Madame Lagarde devrait encore parler pour ceux qui n’ont pas compris que la BNS va monter les taux – encore – il y aura aussi Thomas Jordan de la BNS qui va faire son show à lui et puis quelques chiffres trimestriels comme Schlumberger ou State Street, mais pour le reste, c’est le week-end qui s’annonce et on va pouvoir lire et se documenter sur le plafond de la dette américaine en faisant semblant que ça nous intéresse vraiment.

Actuellement les futures sont en hausse de 0.2% et lundi sera une autre semaine. Passez un excellent week-end et à lundi !!!

Thomas Veillet
Investir.ch

« Chaque année il y a de plus en plus de cons, mais cette année j’ai l’impression que les cons de l’année prochaine sont déjà là. »