Je dois dire que lorsque l’on observe les graphiques des indices boursiers en ce début de semaine, il est assez rare de voir un pareil alignement des étoiles. En jetant un simple coup d’œil sur le S&P500 ou le Nasdaq, il est difficile de se dire que tout est foutu et que nous sommes « simplement » dans un rallye de Bear Market. Lorsque l’on écoute les experts en finance en ce lundi matin, il semble plutôt clair que nous sommes à l’aube de quelque chose de fantastique : nous sommes à l’aube de la réconciliation entre la FED et les marchés. Nous sommes à l’aube du retour du fameux « put de la FED ».

L’Audio du 30 janvier 2023

Télécharger le podcast

Pour être franc, j’adorerais y croire, mais parfois j’ai quand même l’impression que l’on s’accroche à tout ce qui nous arrange pour y croire. Pourvu que ça dure et surtout, pourvu que la FED soit d’accord de redevenir notre amie dès mercredi soir. En tous les cas, une chose est certaine, si ça ne se produit pas, tout va se compliquer.

La semaine qui vient de se terminer est assez mythique. Je dirais même plus. Il est assez impressionnant de voir que la plupart des indices importants sont en train de casser à la hausse et que, techniquement, tout est ouvert pour aller chercher bien plus haut. Dans un monde idéal où l’inflation ne serait pas où elle est, où le risque de récession ne serait pas si élevé, un monde où la FED ne serait pas si « hawkish » et ne persistait pas autant dans son envie de monter les taux et de les tenir élevés pour plusieurs mois encore. Dans un monde où il n’y aurait pas de guerre en Europe et où l’OTAN ne montrait autant son envie d’aller en découdre avec les Russes, j’aurais pu trouver cette situation hyper-excitante à l’idée de me dire que nous sommes repartis dans un nouveau Bull Market, que les tendances qui sont cassées à la hausse nous ouvrent des perspectives fabuleuses et que finalement, l’année dernière ne sera plus qu’un mauvais souvenir à la fin du mois de mars, puisqu’à coup de 10% mensuel, ça va aller très vite.

Pas simple

Sauf que ça risque de ne pas être simple. Pas aussi simple en tous les cas. Aujourd’hui, si l’on regarde les indices et la performance de certains secteurs, on commence à constater que les investisseurs sortent gentiment des « values » et recommencent à prendre des paris sur le secteur de la croissance. On voit l’appétit au risque revenir, puisque les marchés sont pratiquement en train de célébrer le fait que la FED va cesser de monter les taux, qu’elle va redevenir dovish et que le retour des taux bas et du soutien inconditionnel des banques centrales vis-à-vis des marchés, n’est plus qu’à une encablure. Peut-être même que nous sommes à 48 heures de voir ce monde parfait prendre forme devant nos yeux.

Il n’y a pas besoin d’avoir fait de hautes études de finance pour s’apercevoir que les marchés ont déjà « pricé » beaucoup de chose et parient sur le fait que le pire est derrière nous. Il y a bien quelques voix qui s’élèvent pour dire que l’on va un peu vite en besogne et que la réouverture de la Chine pourrait clairement nous poser quelques problèmes au niveau de l’inflation. Mais pour le moment, personne n’écoute ces voix. Il y a aussi d’autres voix, parfois les mêmes, qui expriment leurs craintes de récession. Ou en tous les cas, leurs craintes d’une récession bien pire que celle qui est déjà anticipée dans les fichiers excel du camp des bêtes à cornes. Mais encore une fois, ces voix sont en train de prêcher dans le désert.

Le retour du délire

Il y a encore les chiffres du trimestre qui font ou qui faisaient peur. Je dis « faisaient » peur, parce qu’à la fin de la semaine – même si la qualité des chiffres et des performances des sociétés est un peu moins bonne qui les trimestres précédents, à la fin on n’a pas non plus l’impression que la peur l’emporte sur l’optimisme. D’ailleurs, si l’on ne devait retenir que deux actions qui ont publié ces derniers jours, il faut revenir sur Microsoft et Tesla.

Si l’on prend tout d’abord le géant du software, on se rappellera que lors de la publication des chiffres du trimestre, tout le monde s’est angoissé sur la performance du Cloud à venir. En effet, le CFO s’était montré très prudent pour la croissance de cette technologie qui avait fait les beaux jours du monstre de Seattle. Dans un premier temps, ce fut la déception qui l’emporta. Puis on s’est rendu compte que le Nasdaq cassait à la hausse et que les chiffres économiques montraient que la FED allait se calmer et arrêter de monter les taux tout soudain. En théorie. Résultat ; depuis la publication des chiffres trimestriel de Microsoft, la valeur est en hausse de 8% depuis le sell-off sur le ralentissement à venir du Cloud.

L’autre star de la semaine aura clairement été Tesla. Je ne vais pas revenir sur les « bons » résultats, puisque ce n’est clairement pas ça qui a fait monter le titre. Non, ce qui a fait monter le titre cette semaine, en dehors du fait que l’on est de plus en plus convaincu que la FED va redevenir sympa et que le gros de la hausse des taux est derrière nous, c’est les commentaires d’Elon Musk. Elon Musk, qui était passé de visionnaire et meilleur CEO du monde à méchant CEO débordé parce qu’il a viré plein de monde chez Twitter, est donc redevenu le meilleur CEO du monde et un visionnaire d’exception après ses déclarations fabuleuses sur un avenir fabuleux et resplendissant chez Tesla. Depuis jeudi, plus personne ne se demande si Musk ne devrait pas quitter Tesla ou si Musk n’a pas été « un peu trop loin » en courant 12 lièvres à la fois. Non, depuis jeudi Musk est à nouveau un demi-Dieu – voir même un peu plus – et Tesla est en hausse de 75% depuis le 6 janvier. À ce rythme-là, Elon Musk pourrait bien devenir l’homme qui a « perdu » 200 milliards et qui les a récupérés en moins de trois mois.

Le retour de l’appétit au risque

Pour conclure cette réflexion du lundi matin, j’ai le sentiment que ce que l’on appelle « l’appétit au risque » est revenu. Il n’y a qu’à voir le Nasdaq, le SOX et le Bitcoin, pour ne citer que ces trois références. Les investisseurs veulent croire que le pire est derrière nous et on ne peut pas leur en vouloir. Reste maintenant à passer les prochaines épreuves qui nous attendent.

En premier lieu, la FED va parler mercredi soir. On sait avec un pourcentage qui frise la certitude, que Powell va monter les taux. Ce que l’on ne sait pas, mais que nous espérons de tout notre cœur, c’est que son discours va se décontracter et laisser supposer que la fin de la hausse est pour bientôt. Si l’on en croit les derniers sondages fait auprès des « FEDologue » – un Fedologue, c’est comme un ornithologue mais pour la FED – et bien, selon ces derniers, le pivot définitif de la FED devrait se jouer entre mars et mai. Mais ce qui est le plus important dans tout cela, c’est que les prochaines hausses de taux seront de 0.25% et que ça devrait être nettement plus supportable que ce que nous avons dû vivre en 2022. Reste à espérer que nous avons vu juste, parce qu’en cas de « Jackson Holisation » de la FED, ça pourrait assez mal se passer. La « Jackson Holisation » ça serait un scénario qui rappellerait ce que l’on a vécu en août 2022, quand Jerome Powell nous avait plus ou moins expliqué que nous étions en plein délire d’oser supposer une seconde que la FED allait pivoter ou même envisager une baisse des taux à terme. Alors soit, nous sommes 5 mois plus tard et depuis, l’inflation a baissé la tête n’ose même plus regarder Powell dans les yeux, mais néanmoins, ça serait mentir qu’au fond de nos entrailles d’investisseur, de dire qu’il ne reste pas une petite peur face au discours de mercredi soir.

En Asie, la Chine de retour

Ce matin la Chine est revenue après une semaine de vacances pour le Nouvel An lunaire. Et ils ont aussi annoncé que les voyages avaient repris durant le mois de janvier – ils sont même en hausse de près de 80% et pourtant, il n’y a pas de contamination. Comme quoi, après des pics de contamination au COVID il y a à peine quelques semaines, les miracles existent. Toujours est-il que la Chine rouvre en hausse de 0.55% alors que Hong Kong est en baisse de 1.76% et que le Japon ne fait strictement rien.

Du côté du pétrole, on est à 79.30$, ça rassure parce que ça devrait continuer à calmer l’inflation, même si de nouvelles sanctions contre la Russie sont en train de se mettre en place – vu que ça a super-bien fonctionné jusque-là (encore une fois). L’or est à 1950$ et le Bitcoin menace dangereusement de s’attaquer aux 24’000$ – actuellement, la crypto-vedette se traite à 23’700$.

Nouvelles du jour

Dans les nouvelles du jour, on notera que BP a révisé à la baisse ses prévisions de demande pour le pétrole – normalement d’ici 2060, plus personne n’en voudra. Sachant que nous avons une vision sur les 12 prochaines minutes, je ne suis pas certain que ça vaille la peine d’utiliser le compte « impôts » pour shorter le pétrole, mais disons que ça fait toujours un truc à raconter sur un sujet qui ne tient pas compte de la FED et de la hausse des taux. Il y a aussi des rumeurs comme quoi le Fonds Public d’investissement Saoudien qui détient plus de la moitié de LUCID – le fabricant de voitures électriques qui était censé concurrencer Tesla – serait sur le point de racheter le reste des actions qu’ils ne détiennent pas, le titre a déjà pris 100% vendredi pour fêter ça. Encore une information privilégiée du Wall Street Journal, sans doute. Vendredi dernier, le titre a été arrêté 12 fois à New-York, parce qu’il y avait trop de volatilité.

Autrement le groupe Adani – le groupe indien qui a été mis sous les feux de la rampe par Hindenburg Research sous prétexte que c’était plus ou moins une fraude – dément le rapport et estime que c’était une attaque calculée contre l’Inde tout entière. Ce qui fait pas mal de monde. Et chez CNBC, Jim Cramer pense que la réunion de la FED devrait permettre aux BULLS de continuer à faire la fête. Ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour les BULLS ; puisque depuis quelques mois, Cramer est devenu un des meilleurs indicateurs contrariant de l’histoire de la finance. Et puis, chez Goldman Sachs, le patron va voir son salaire réduit de 29%. Dorénavant, il ne touchera plus que 25 millions par année. C’est encore une nouvelle terrible de voir une famille plongée presque instantanément dans la précarité.

Chiffres du jour

Côté chiffres du jour, on commence en douceur avec le KOF en Suisse, le PIB en Allemagne et la confiance du consommateur et la confiance du business en Europe. Aux USA, il y aura les publications de NXP et de SOFI, en Europe il y aura Philipps. Mais c’est surtout jeudi soir que ça sera chaud-patate, puisque nous serons en train de digérer la FED et qu’il y aura les publications de Google, Amazon et Apple. En même temps, si vous aviez peur de vous ennuyer cette semaine, je crois surtout que ça n’est pas la semaine pour prendre une semaine de congé et partir méditer au fond d’une forêt.

Pour le moment les futures sont en baisse de 0.35% et dans un peu plus de 60 heures, nous saurons si la FED est à nouveau notre amie ou si elle va nous découper la paix encore quelques mois. Je vous souhaite un très bon début de semaine et on se voit demain, au même endroit et à la même heure.

Thomas Veillet
Investir.ch

« You only live once, but if you do it right, once is enough. » -Mae West