Il y en a qui font du « binge watching » sur Netflix et il y en a qui font du « binge reading » sur les sites financiers. Moi je fais partie de la seconde catégorie. Hier et cette nuit, j’ai passé la plupart du temps devant mon ordinateur pour essayer de comprendre ce qui s’était passé entre jeudi et ce dimanche, pour que le sentiment de marché ait tourné aussi vite que ça, encore une fois. Jeudi nous étions terrorisés par la récession et vendredi on terminait presque au plus haut de la semaine parce que Google a viré 12'000 personnes et que ça va forcer la FED à devenir plus conciliante. Je crois que tout cela devient complètement con.

L’Audio du 23 janvier 2023

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Tout et son contraire

Je vous jure, vous pouvez passer des heures à lire les articles et les rapports financiers publiés depuis 72 heures, ça frise le Muppet Shoew. On entend absolument de tout et l’on ne sait vraiment plus quoi penser. En tous cas moi, je ne sais plus quoi penser. Ce qui me fascine le plus c’est la conviction avec laquelle les mecs s’expriment depuis le début de l’année. On dirait presqu’ils ont tellement bien vu 2022, qu’ils sont en « surconfiance » pour 2023.

Parfois, quand je lis certains trucs je me dis que l’on ne vit pas dans le même monde. Alors je regarde ma la peau de mon bras, je me rends compte que l’on n’est pas dans Avatar et que l’on est dans la vraie vie et je me dis que l’on doit avoir raté un virage quelque part. Je ne sais pas. Moi, je suis fondamentalement bullish et j’aime que quand les marchés montent et je peux vous dire que depuis un an, mon régime alimentaire se constitue principalement de Xanax pilé et de tartines au Nutella, tellement ça me déprime de voir les marchés comme ça. Donc je rêve que ça remonte. Mais pas comme ça !!!

La récession, l’inflation et le plafond de la dette son sur un bateau

Lors de ma dernière chronique de la semaine, on venait de se taper deux séances bien pourries avec plein de banquiers centraux qui nous annonçaient qu’ils allaient continuer à monter les taux, parce que l’on n’était pas encore certain que l’inflation était bien en train d’agoniser au bord de la route. Il fallait donc lui filer encore deux trois coups de pieds dans les côtes avant de se détendre. Les bourses mondiales étaient donc percluses de doutes et entraient dans une nouvelle vague de déprime, sans compter que l’on nous injectait encore une bonne dose du « plafond de la dette » qui allait nous tomber sur la gueule.

Et puis vendredi tout a changé. Google a annoncé le licenciement de 12’000 personnes – soit 6% de son staff et on a trouvé ça ABSOLUMENT génial !!! La réflexion logique derrière cette annonce est tout à fait logique – enfin, logique si vous avez un esprit suffisamment torturé et gavé de drogues illégales – en gros, on se dit que si Google vire 12’000 personnes, ça fait 12’000 personnes qui vont aller demander des indemnités chômage et si ces 12’000 personnes demandent des indemnités chômage, les prochains chiffres des Jobless Claims seront moins bons et vont donc rassurer la FED sur le fait que l’emploi va moins bien et du coup, HOP !!! La Fed va devenir DOVISH et envisager de pivoter et se dire que peut-être même elle va baisser les taux en 2023. Pour faire simple, on n’est même plus dans la théorie du chaos et du battement d’aile du papillon qui va déclencher un tremblement de terre à l’autre bout du monde, on est carrément au-dessus ! Un cran au-dessus et on s’invente carrément des histoires pour justifier nos actes d’investisseurs.

Le chômage contre l’inflation et contre la récession, on fait quoi ?

Alors bon, moi je veux bien que l’on se raccroche à cette théorie – surtout que si j’ai bien calculé, nous en sommes à 192’000 licenciements dans le domaine de la tech depuis quelques mois et ça va forcément finir par se ressentir. Mais en même temps, ça veut aussi dire que l’économie est en train d’en prendre plein les dents et les craintes de récession qui nous ont fait baisser mercredi et jeudi dernier sont parfaitement justifiées.

On en arrive donc à trouver super-cool que les licenciements vont mener à la récession, tout ça pour que les banques centrales arrêtent de monter les taux. Il semblerait que la seule chose qui nous intéresse, soit la fin de la hausse des taux, que l’on est prêt à se prendre une récession dans les dents et des vagues de licenciements sans précédent, juste pour que le marché puisse monter. Je vous jure, je commence à me demander si ce marché n’est pas complètement con et que l’on n’a pas encore pris notre claque finale qui fasse vraiment réfléchir.

Tout va bien

Donc, depuis vendredi, tout va bien. Tout va mieux parce que Google a licencié. Je croyais que l’époque où les titres montaient parce que la société licenciait du personnel était révolue. Mais visiblement non. Notre obsession et nos espoirs de voir ENFIN un ralentissement au niveau de l’emploi, ont repris le dessus sur nos vieux travers. Aujourd’hui, le marché veut du sang. Il veut sacrifier des emplois sur l’autel de la FED, pour que la FED nous lâche une fois pour toute avec ses taux.

Après, on verra pour la suite, visiblement c’est assez simple ; il suffira de baisser les taux pour relancer l’économie et créer de l’emploi. C’est presque trop facile. Non, C’EST TROP FACILE ! On a l’impression que l’on se contente d’appliquer une théorie alors que l’on sort d’une année qui nous a démontré par A+B que la théorie n’est pas aussi facile que ça à faire fonctionner !!! Mais c’est pas grave, on s’appuie sur notre super-mémoire de super-poisson rouge pour tenir le coup et justifier tous nos actes et toutes les réactions boursières par une explication rationnelle qui tiens presque aussi bien la route qu’une Renault Twingo sous la neige en pneus slicks.

Et si l’inflation repartait ?

Le plus drôle dans tout cela, c’est notre capacité à changer d’attitude et de vision en l’espace de moins de trois secondes. Je crois que si je me comportais comme ça dans mes réflexions, j’aurais commencé à consulter en me disant que je dois être à plusieurs dans ma tête et que ça ne peut pas continuer comme ça. Sauf qu’en fait oui, ça peut. Cette semaine on va continuer comme ça et en plus on va se chauffer avec le plafond de la dette – surtout que plein de gars sont en train de dire que « si l’on ne trouve pas de solution pour le plafond de la dette, ça sera catastrophique ».

Encore une belle connerie qui sert surtout à occuper les médias. Perso je crois que l’équipe de clowns qui gèrent Washington est en train de se foutre de nous pour la 79ème fois depuis l’invention du plafond de la dette et que nous on continue à croire que ces guignols font sérieusement leur boulot et qu’ils cherchent VRAIMENT une solution pour remédier à ce plafond, alors qu’en fait ils s’en tapent complètement, sachant qu’à la fin, ils le monteront quand même, le plafond. Non, moi ce qui me fait rigoler sous cape, ce matin, c’est les stratèges de Bank of America qui pensent que les matières premières vont repartir à la hausse et que l’inflation pourrait faire de même. Je dois dire que je me réjouis comme un gamin, du jour où le CPI sortira à 7.5% alors que tout le monde l’attendait à 5.5%. Ce jour-là, on va se marrer comme des fous…

L’Asie et le reste

Ce matin le Japon et Sidney sont en hausse alors que la Chine et Hong Kong sont fermés pour cause de Nouvel An chinois. La hausse sur les autres marchés s’explique par le fait que « le pari sur le recovery chinois s’intensifie ». Ce qui est bien avec ce RECOVERY chinois c’est que l’on peut l’utiliser comme excuse à toutes les sauces. L’Europe est en hausse de 10% sur l’année à cause du RECOVERY chinois, les semiconducteurs sont en hausse à cause du recovery chinois, le pétrole remonte à cause du recovery chinois et même le gaz se pète la gueule à cause du recovery chinois. Si l’on est suffisamment patient, le PSG devrait remporter la League des Champions et si tout va bien, le plafond de la dette sera réglé à cause du recovery chinois. Mais bon, dans l’immédiat, c’est le Japon qui monte à cause du recovery chinois.

Le pétrole est à 81.41$ à cause des Chinois et l’or est à 1930$, parce que les Chinois en achètent plein, quant au Bitcoin, il frise les 23’000 à cause des Chinois – sûrement et aussi un peu parce que Jamie DImon et Roubini ont dit que c’était de la daube.

Les nouvelles du jour

Pour ce qui est des nouvelles du jour, mis à part la capacité des Chinois à tout faire monter même quand ils sont en week-end, on notera que le Brésil et l’Argentine travaillent sur une monnaie unique – vu que l’Euro a tellement bien fonctionné, forcément, ça fait envie. Pendant ce temps, les Européens sont en train de discuter pour savoir s’ils vont envoyer des tanks en Ukraine. Les Français sont en train de chercher leurs tanks Leclerc qui fonctionnent – c’est-à-dire pas beaucoup et les Allemands semblent d’accord que les Polonais envoient les leurs.

Mis à part le ministre des finances français qui aligne les discours à Davos et Elon Musk qui aligne les tweets pour se moquer de l’utilité du World Economic Forum, il n’y a franchement pas grand-chose à se mettre sous la dent. Cette semaine sera la semaine des chiffres du trimestre, mais il y aura aussi un wagon de chiffres économiques qui devraient inévitablement nous faire rêver au sujet de l’inflation, de la récession et des éventuelles décisions à venir des banques centrales. Hier un des sbires de Madame Lagarde a déclaré que la BCE se préparait à monter les taux de 0.5% lors du prochain meeting et les banquiers centraux américains devraient se faire plus discrets, puisqu’ils rentrent dans leur période de silence avant le prochain meeting qui aura lieu le 31 janvier et le 1er février.

Chiffres du jour

En ce qui concerne les chiffres du jour, nous aurons la confiance du consommateur en Europe et Madame Lagarde qui parlera. Youpie. Pour les publications du trimestre, il y aura Logitech, Baker Hughes, Bank of Hawaii et puis c’est à peu près tout, mais nous ne sommes que lundi. C’est après que ça va chauffer. Pour le moment les futures sont en baisse de 0.03%, ça doit être à cause de la Chine ou de l’inflation ou de la récession, allez savoir…

Pour le reste, passez une excellente journée et que votre début de semaine soit aussi bon que la fin de la semaine précédente. Nous on se retrouve demain, comme d’habitude.

Thomas Veillet
Investir.ch

« The question isn’t who is going to let me; it’s who is going to stop me. » -Ayn Rand