La journée d’hier représentait bien l’état psychologique du marché. Pour faire simple, il y avait à boire et à manger et à la fin, on ne savait pas trop si c’était du lard ou du cochon. Les intervenants attendent de savoir s’ils peuvent compter sur la CERTITUDE de voir une inflation à 2% à la fin de l’année, comme ça la FED sera contente et nous aussi. Le jour où nous aurons la confirmation absolue que cet objectif est atteignable, on pourra commencer à respirer en se disant que la hausse des 8 premières semaines de l’année était PARFAITEMENT justifiée. Sauf que l’on a tendance à oublier que les prévisions à 10 mois, c’est pas trop notre fort.

L’Audio du 24 février 2023

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C’est comme la météo

Statistiquement, ces 50 dernières années les prévisions météorologiques se sont largement améliorées. Il y a 50 ans, les météorologues avaient quelque chose comme 50% de chances d’être à peu près correct sur une météo à trois jours. Aujourd’hui, à moins d’être complètement bourrés, ils approchent un taux de réussite de 80%. Nous, ça n’a pas changé, c’est toujours une fois sur deux. Et pourtant, on arrive à nous faire croire que les « intervenants » attendent de « vraiment savoir » si l’inflation va VRAIMENT baisser » pour pouvoir VRAIMENT investir.

À l’heure actuelle, chaque speech de banquier central ou chaque chiffre économique à peu près fiable peut nous faire changer d’avis comme de chemise en l’espace d’un battement d’aile de mouche. Nous marchons sur une corde tendue entre deux montagnes et au loin on voit des nuages s’amasser et le risque de grosses rafales de vent augmenter. Mais on a le secret espoir d’arriver de l’autre côté du précipice avant que ça souffle à 180 kilomètres à l’heure et que l’on nous ramène au village dans la vallée en pièces détachées.

L’économie ralenti, pas l’emploi

Hier nous avions trois choses à discuter. La hausse de Nvidia qui nous faisait comprendre que le secteur des semiconducteurs était encore porteur d’espoir, le titre prenait 14% en clôture pour fêter le fait que l’Intelligence Artificielle sera le remède à ABSOLUMENT TOUS NOS PROBLÈMES dans les 114 prochaines années – même si en ce qui me concerne, c’est surtout les 14 prochaines qui m’intéressent. Puis il y avait les chiffres des Jobless Claims ET les données du PIB américain pour le quatrième trimestre. Et c’est là que ça se complique un peu dans l’analyse et la compréhension des choses.

En ce qui concerne les chiffres des demandes d’indemnités chômage, c’était ENCORE une fois en-dessous des attentes des économistes. Lorsque l’on parle des indices boursiers, on aime bien faire des statistiques et dire que c’est « la troisième baisse consécutive » ou que c’est la « pire série de séances de baisse depuis le début de l’année » – ce qui était d’ailleurs le cas en ce qui concerne le S&P500 et le Dow Jones jusqu’à hier matin. En revanche, lorsque l’on parle de « prévisions économiques », personne ne semble avoir envie de perdre du temps pour se souvenir combien de fois de suite les chiffres du chômage sont à côté des attentes. Moi non plus je n’ai pas compté, mais en ce qui concerne les Jobless Claims, je crois qu’ils doivent être à côté de la plaque depuis 12 mois, 48 semaines à être faux toutes les semaines, ça doit quand même être pénible. Perso, j’aurais arrêté les prévisions et je me serais mis aux incantations vaudou avec une poupée à l’effigie de Jerome Powell, ça aurait été sûrement plus enrichissant.

50/50

Tout ça pour vous dire que les JOBLESS CLAIMS étaient à nouveau en-dessous des attentes, ce qui démontrait que, selon la logique, malgré l’avalanche de licenciements dans le secteur de la tech depuis quelques mois et dans le secteur financier depuis quelques semaines, l’emploi ne parvient pas réellement à ralentir. Ce qui a le don d’énerver prodigieusement les gens de la FED et, par capillarité, de nous énerver nous aussi. Nous aussi parce qu’à force de pas baisser comme on veut, l’emploi va empêcher la FED d’arrêter de monter les taux. Sans compter que la force relative de l’emploi nous rappelle encore une fois que l’on s’est complètement vautré lors de la publication des chiffres des Non Farm Payrolls et comme ils ressortent dans une semaine, notre taux d’angoisse a augmenté légèrement.

De l’autre côté, nous avons eu le PIB américain, celui que l’on magouille soigneusement pour ne pas qu’on puisse montrer que l’économie est en récession ou est proche d’entrer en récession. Mais si l’on n’aimerait pas voir le PIB passer en négatif, on n’aimerait pas non plus qu’il soit trop fort, ce qui nous ramènerait au même problème qu’avec l’emploi : trop de croissance tuerait la croissance de Wall Street et des indices boursiers. Il faut donc savoir raison garder. Cependant l’honneur était sauf hier, puisque le PIB était légèrement plus faible que prévu – 2.7% contre 2.9% attendu auparavant et aussi légèrement en-dessous du trimestre précédent à 3.2%. La raison de cette baisse pointait surtout en direction de la baisse de consommation constatée sur la période de fin d’année. Baisse qui a été démentie la semaine dernière avec les ventes de détails. Mais c’est une autre histoire.

Ça va bien mais pas trop non plus

En résumé, l’économie va bien mais pas trop, l’emploi va bien tout court et ça ne résout pas vraiment notre problème d’inflation qui doit se calmer pour permettre à la FED de baisser les taux selon le plan de marche qui a été approuvé par le plus grand-nombre. L’emploi est toujours un poil trop fort et l’économie montre deux-trois signes de faiblesse, mais c’est pas encore 100% confirmé. En gros, on nage toujours entre deux eaux et on ne sait toujours pas trop comment ça va se terminer, même si hier soir ça aura suffi pour se dire que ça allait plus ou moins dans le bon sens, même s’il fallait le dire vite.

Du coup, les indices ont réussi à renverser la tendance baissière hebdomadaire. On ne va pas non plus sortir les caisses de champagne pour ça, mais disons que l’on retrouvait un peu d’optimisme, même si nous savions pertinemment que le juge de paix serait les chiffres du PCE qui sortent cette après-midi et que le « léger soulagement » offert par le PIB et les chiffres de NVIDIA, pourrait être de courte durée si la publication économique incitait la FED à aiguiser ses couteaux pour le prochain FOMC Meeting. Néanmoins, hier l’ensemble des bourses mondiales terminaient plus ou moins dans le vert et on saluera encore une fois l’Europe qui fait preuve d’une assurance et d’une sérénité peu commune. Même les chiffres du CPI publiés hier en Europe et avant-hier en Allemagne, ne laissaient plus vraiment de doute sur les prochaines décisions de Lagarde et ses potes, les indices européens trouvent ça tellement chouette que ça n’empêche plus personne d’acheter. La confiance est à son comble sur le vieux-continent et plus personne n’a peur de rien. Pour l’instant.

Ailleurs

Ce matin la Chine et Hong Kong sont en baisse de respectivement 0.7% et 1.4%, pendant que le Japon est en hausse de 1.1% après une journée de congé et le premier discours de son nouveau Président de la Banque Centrale qui prendra ses fonctions en avril. Kazuo Ueda a déclaré que la BOJ continuerait sa politique monétaire ultra-accommodante alors que l’économie montrait toujours des signes de faiblesse et ce, même si l’inflation est au plus haut depuis 41 ans au pays du Soleil Levant. Mais pendant que le Japon fait des projets d’avenir, l’homme en noir qui dirige la Corée du Nord continue de faire joujou avec ses missiles et hier, il a lancé des missiles de croisière, juste pour montrer qu’il peut. Histoire de garder la région un peu sous stress et occuper les équipes de Biden qui vont devoir trouver des réponses appropriées à envoyer sur Twitter.

Pour le reste, le pétrole remonte un peu et confirme qu’il reste dans son range latéral pour le moment. Bien malin qui pourra nous dire de quel côté il va sortir, mais l’anniversaire de la guerre en Ukraine et les discours de Poutine laissent supposer que les tensions sur le pétrole ne sont pas près de se terminer. Et ce, même si l’ONU a voté cette nuit une résolution qui demande à la Russie de retirer ses troupes. On n’est pas certain que Vladimir ait reçu le message et surtout on n’a pas l’impression qu’il en a quelque chose à faire, de l’ONU. Pendant ce temps, l’or est à 1832$ et le Bitcoin est à 23’900$.

Nouvelles neuves

Dans les nouvelles du jours, on notera que Boeing a, à nouveau, suspendu les livraisons des 787 pour une sombre histoire de documentation qui n’avait pas été envoyée à la FAA. Rien de grave fondamentalement, mais voler sans ses papiers en règle, c’est pas très populaire. Le titre perdait 2.7% after close, mais les commentaires sont rassurants. Pour le reste, on notera les mauvais résultats de Carvana – sans surprise le titre baissait (encore) de 4% hier soir et puis Domino’s Pizza aura été une des pires performances de la séance avec une baisse de 12% suite à des chiffres médiocres. Et puis le fabricant de fausse viande, Beyond Meat a publié des chiffres un peu meilleurs, le titre prenait l’ascenseur hier soir et explosait de 17%.

Dans les autres choses à retenir de la journée et mis à part le premier anniversaire de la guerre en Ukraine, on retiendra que le CEO de JP Morgan qui revient à la charge pour prévenir que l’avenir ne sera pas simple et il a annoncé que, malgré tout le respect qu’il a vis-à-vis de Monsieur Powell, il pense que la FED a perdu le contrôle de l’inflation et qu’elle pourrait rester élevée plus longtemps que prévu dans le plan qui devait se dérouler à la perfection. Ça n’est pas le premier à venir se montrer méfiant sur le sujet et c’est encore un ponte de Wall Street qui confirme sa position dans le camp des Bearishs. Bien que ça ne soit par une garantie, quand on connait le taux de réussite de Wall Street depuis deux ans. Autrement, Wells Fargo a licencié un wagon de banquiers spécialisés dans les crédits immobiliers. Je ne sais pas si c’est corrélé à la baisse des demandes d’hypothèques, mais si c’est le cas, ça n’est pas la meilleure nouvelle de l’année.

Les chiffres du jour

Pour le moment les futures sont en baisse de 0.10% et tout le monde attend le PCE qui arrivera à 14h30. Le marché a fixé ses attentes à 4.3% et ça serait pas mal qu’il ne soit pas en-dessus. Sinon la baisse qui devrait suivre sera proportionnelle au ratage… Pour le reste, il y aura aussi le PIB allemand, l’emploi en Suisse, la confiance du consommateur en France et puis aux USA, il y aura encore le personal income et la confiance du consommateur calculée par l’Université du Michigan. Mais pour être franc, on sait tous ce que l’on va regarder.

En attendant, il me reste à vous souhaiter une très belle journée et un excellent week-end. Nous on se retrouve lundi matin pour de nouvelles aventures. Profitez bien et à lundi.

Thomas Veillet
Investir.ch

« The only Limit to our realization of tomorrow will be our doubts of today. » – Franklin D. Roosevelt