Ce qui me frappe le plus ce matin, c’est le ton « surpris » de certains commentaires. Oui, hier soir nous avons eu un nouveau chiffre (le PPI) qui confirmait que l’inflation n’était peut-être pas en train de ralentir aussi vite que la hausse des marchés l’espérait. Hier soir nous avons également eu une baisse des inscriptions pour les allocations chômage, ce qui laisse supposer que l’emploi va un peu trop bien par rapport à ce que la FED attendait. Et du coup, on était ENCORE plus étonnés de voir que DEUX membres de la FED se montrent favorables à des hausses de taux un peu plus violentes que prévu. Non, mais SÉRIEUSEMENT ??? Vous êtes vraiment surpris ?

L’Audio du 17 février 2023

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On ne va pas dire que c’était à prévoir, mais presque

Lors de ma chronique d’hier, j’ai pris la peine de lister à peu près tout ce qui laissait supposer que le combat de l’inflation n’était pas encore gagné, ce qui démontrait que la hausse de ces derniers jours était peut-être un peu prématurée. On sait que le marché ne veut pas baisser et fait tout pour ne PAS baisser en espérant tenir assez longtemps pour que les conditions économiques reviennent à une normalité, disons… plus normale. Mais là, à force de planter des clous et d’enfoncer des portes ouvertes, hier soir nous avons atteint la limite du supportable.

Ce qui est encore une fois surprenant, c’est notre capacité à tourner la veste à la vitesse de la lumière. En fait non, ça serait mentir de dire que c’est surprenant, puisqu’en fait cela résumerait à être surpris lorsque l’on découvre qu’un politicien ment ou que le gars qui a gagné le tour de France ne boit que de l’eau et mange beaucoup de fruits et de pâtes. Nous sommes experts en tournage de veste et, comme je l’ai déjà dit, si le fait de tourner la veste à Wall Street pouvait générer de l’énergie, il est plus que probable que nous aurions déjà réglé le problème des centrales nucléaires et le pétrole aurait disparu.

Prise de conscience

Hier soir nous avons donc SOUDAINEMENT pris conscience que le combat contre l’inflation n’était peut-être pas encore gagné. Il faut dire que jusqu’à maintenant, on n’avait que très peu d’informations, que très peu de données sur le sujet. En effet, la seule chose que l’on savait c’était que les loyers ne baissaient pas, mais que c’était pas grave parce qu’on n’en tient pas vraiment compte dans les calculs. Ça fait super-mal dans la vraie vie financière, mais comme on sait que Wall Street c’est pas la vraie vie, on s’en foutait. On savait aussi que le pétrole n’était pas moins cher qu’il y a une année et que nos chers gouvernements et nos chers pétroliers continuent de se goinfrer au passage, mais c’était pas grave parce que la Maison Blanche brade ses stocks stratégiques pour que Bidne n’ait pas trop l’air d’un clown et que ça devrait baisser. Un jour.

L’emploi est super-fort, peut-être même trop fort. Mais c’était pas trop grave pour l’inflation non-plus, puisque ça voulait surtout dire que l’on n’irait pas en récession, pour autant que le consommateur-employé ne consomme pas trop. Mais comme on le sait l’Américain moyen est très raisonnable en termes de consommation quand il a du pognon dans les mains, c’était pas grave.

J’espère qu’à ce stade-là, vous notez l’ironie dans le ton de ma voix ou dans mon texte.

Après il y avait aussi, la hausse des marchés qui pourrait pousser l’inflation à la hausse, mais ça on s’en foutait. Ce que l’on voulait, c’est que ça monte. Il y avait aussi les chiffres du CPI du dernier semestre qui avaient été revu à la hausse, mais on s’en moquait parce que « c’était du passé et que nous on vit dans l’instant présent et dans les douze prochains mois ». Et je ne parle pas non plus de la confiance du consommateur qui était trop haute et de la crainte de voir les loyers continuer à monter.

Et soudain : la lumière s’alluma

Heureusement, dans tout cela, les chiffres du CPI de mardi montraient que ça baissait quand même. Moins que prévu, mais que ça baissait quand même. Sauf qu’hier soir, soudainement. Et même brutalement devrais-je dire. Nous avons ouvert les yeux. Le réveil n’aura pas été simple et c’est un peu comme si on nous avait jeté un seau d’eau glacée en plein tronche à la place de la sonnerie douce et délicate de l’iPhone qui reprenait une sonate de Mozart en montant le volume progressivement pendant que les oiseaux chantaient doucement sur le bord de la fenêtre. Non, là, hier c’était le seau d’eau glacée.

Tout d’abord nous avons eu le PPI. Les prix à la production étaient en baisse, mais moins que prévu. On s’est soudainement rendu compte que la décélération des prix et donc de l’inflation, pourrait prendre un peu plus de temps que l’on avait agendé dans notre plan qui devait se dérouler sans accroc. Ensuite, il y a eu les demandes d’allocation chômage qui continuaient de baisser. Démontrant encore une fois que même si la FED montait les taux avec passion et acharnement, ça ne suffisait pas pour freiner l’emploi qui continuait de cartonner aux USA. Du coup, on a commencé à se dire que la FED pourrait peut-être revoir son plan de marche pour les prochaines semaines… Et c’est très exactement à ce moment-là que Loretta Mester et James Bullard, deux Président de FED bien « hawkishs » comme on les aime, sont venus parler. Et franchement, on aurait préféré qu’ils se taisent.

La valse de la hausse des taux

Pour faire simple, les deux compères nous ont expliqué calmement avec un petit sourire sadique au coin des lèvres, qu’ils étaient plutôt en faveur d’une hausse des taux de 0.5% pour le prochain meeting de la FED. Chose que l’on n’avait pas prévu DU TOUT !!! Alors oui, on savait que pour monter de là où nous sommes à 5.5 ou 6%, on était encore en retard sur nos prévisions, mais on avait le secret espoir que ça ne se verrait pas et que si on serrait suffisamment les fesses. C’est un peu comme quand vous croisez un camion sur une petite route de montagne avec votre gros SUV de ville et ses 500 chevaux. Vous pensez que si vous contractez les épaules sous les oreilles et que vous serrez les fesses très fort, ça va passer mieux. Mais détrompez-vous, serrer les fesses n’a jamais rétréci la largeur d’un SUV. Même en montagne quand il fait froid.

Et bien en finance c’est pareil. On a beau fait comme si de rien n’était. Si on a « oublié » de prévoir 50 bp de hausse des taux sur l’année, ça va finir par se voir et ça va coincer. Et hier soir, on a soudainement réalisé que les taux allaient monter encore et que l’inflation n’était « pas vraiment sous contrôle ». Quant au sujet du transitoire, on ne va même pas en parler. La suite vous la connaissez. Tout le monde s’est mis à vendre et à revoir ses attentes de hausse des taux, en se disant que le monde parfait de la bourse qui monte tout le temps c’est pas pour tout de suite – sauf en France, bien sûr – puisque l’excellence du gouvernement et le fait que la moitié du pays n’est PAS dans la rue, fait que le CAC40 termine encore une fois au plus haut de tous les temps. Visiblement le marché français n’est pas sur la même planète que le reste. Mais aux USA on a tout vendu et on a commencé à réviser nos objectifs de taux et nos objectifs de performances aussi.

En Asie

Ce matin les futures sont en baisse de 0.5%, symbolisant tout le doute qui nous étreint à l’heure où je vous parle. L’ensemble des indices asiatiques sont en baisse de 0.5% – 0.7% alors que personne n’a aimé le speech « hawkish » de Mester et Bullard. Le pétrole rebaisse à 77$ et des poussières, l’or est à 1835$ et le Bitcoin reperd 1’000$ à 23’700$.

Du côté des nouvelles du jour, mis à part le fait que l’on se rende compte que l’on avait été un peu vite en besogne niveau inflation, chose qui pourrait ne pas durer – étant donné les montagnes de cash qui n’attendent qu’un repli pour entrer à nouveau – les médias sont très concentrés sur le fait que plusieurs gros traders achètent des options pour jouer une catastrophe à venir. Encore hier, la rumeur faisait état d’un mystérieux trader qui avait posé 7 millions sur la table pour jouer la hausse rapide et violente de la VIX – l’indice de la volatilité – ce qui reviendrait à dire qu’un truc moche pourrait se passer.

Mais encore

Autrement on parle du fait que Biden veut parler avec Xi pour faire le point sur les ballons espions. Pas certain que Xi soit d’accord de parler avec Biden, mais c’est une autre histoire. Ce qu’il faut noter, c’est que les Américains voudraient bien à nouveau jouer les gentils pour calmer le jeu avec la Chine et pour pouvoir tourner une nouvelle série Netflix où ils gagnent à la fin. Il y a aussi Tesla qui rappelle 362’000 voitures parce qu’ils ont découvert un problème dans le software qui gère la conduite autonome qui pourrait pousser les véhicules à se crasher délibérément dans un mur. En gros, le software a dû voir la série des Terminator et s’est dit qu’il serait bon d’exterminer l’être humain avant qu’il ne détruise la planète lui-même. Un software qui s’appelle Skynet je crois.

En gros, Tesla a perdu 5.7% hier et empêche ainsi Musk de redevenir l’homme le plus riche du monde, surtout que, pendant ce temps, LVMH montait encore. Le suspense de « qui sera le plus riche cet été » est insoutenable, c’est vite vu, je n’en dors plus. Cependant, avec ce qui se passe sur les Tesla, on se demande si Musk va reparler de l’arrivée imminente des robotaxis Tesla dans le monde. Imaginez : « prenez les ROBOTAXIS Telsa, vous arriverez au paradis bien plus tôt que prévu !!! ». Pendant ce temps, on notera que Door Dash a publié des chiffres de folie. Visiblement, manger de la bouffe tiède dans des assiettes en carton avec des couteaux qui coupent mal est devenu très populaire.

Chiffres du jour

Côté chiffres du jour, nous aurons le PPI en Allemagne, le CPI en France, des banquiers centraux américains qui parleront pour dire que la hausse des taux, c’est pas fini. Ce qui va vachement nous aider. Et puis aux States, il y aura aussi les prix à l’importation et à l’exportation. Mais le plus important actuellement, sera peut-être de prendre conscience que le combat contre l’inflation n’est pas encore tout à fait gagné et que cela pourrait avoir encore deux ou trois autres conséquences sur l’économie. Même si de plus en plus d’experts en finance visionnaires, pensent que la récession est quasiment exclue dorénavant…

Passez une excellente journée, ce soir c’est le week-end et on se retrouvera lundi pour la suite de nos aventures entre inflation et récession qui n’existe pas !

À lundi !

Thomas Veillet
Investir.ch

“Everything is worth what its purchaser will pay for it.”
– Syrus (1st century B.C.)