On l’avait un petit peu vu venir quand même. On peut se le dire maintenant que c’est fait. Les chiffres du CPI et du PPI d’il y a presque 2 semaines nous avaient prévenus et on avait comme l’impression que la gentille inflation qui baissait régulièrement de 0.5% par mois pour redescendre à l’objectif prévu par la FED au mois de décembre, relevait plus du fantasme économique que de la réalité. Depuis vendredi on a bien compris que c’est pas tout à fait comme ça que ça va se passer. Les chiffres du PCE ont rendu leur verdict et il est plus que probable que la FED vienne nous serrer la vis encore quelques temps. Reste à voir comment on va le prendre et ça sera sûrement la question de la semaine

L’Audio du 27 février 2023

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Et qu’est-ce qu’on fait maintenant ?

Si l’on revient un peu en arrière, on se souviendra qu’il y a deux semaines, nous étions en train de nous dire que RIEN NE POUVAIT nous arriver et que le BULL MARKET était revenu parmi nous. Et puis, la semaine dernière, on commençait à se demander si les hausses de taux américaines n’allaient pas se transformer en 75 points de base au lieu de 50 points de base et si l’inflation, à la place de baisser, allait stagner. Ou pire ; remonter. Et puis en ce début de semaine, nous avons commencé à nous demander si le plan prévu en 2023 n’était pas en train d’être remis massivement en question. Les Minutes du FOMC Meeting qui sont sorties mercredis derniers montraient que certains membres de la FED étaient prêts à remonter les taux de 50 points de base, si nécessaire. Et en lisant entre les lignes on comprenait que les potes à Powell étaient encore un peu tendus et craignaient que l’inflation ne soit pas encore complètement maitrisée et que, s’il le fallait, ils pourraient à nouveau reprendre le rôle des méchants banquiers centraux qui ne font rien qu’à embêter les bourses mondiales.

Et puis le PCE a mis tout le monde d’accord

Nous avons donc décidé de nous concentrer sur les chiffres du PCE et la communauté financière dans son sens le plus large s’était plus ou moins mise d’accord pour se dire que si le PCE montrait que l’inflation baissait, ça serait une bonne nouvelle et que les craintes qui nous avaient pourri les deux dernières semaines s’envoleraient définitivement au soleil couchant et qu’on pourrait reprendre normalement le chemin du Bull Market, ou alors…

Ou alors les chiffres du PCE montreraient que nous étions allés un peu vite en besogne dans nos projections économiques et que nous ferions peut-être mieux de rester concentrés sur le court terme. Pas que nous soyons meilleurs sur les décisions à prendre pour les 12 prochaines heures, mais disons que ça paraît un peu moins bricolé quand on change d’avis toutes les 20 minutes en faisant du trading, plutôt que lorsque l’on change d’avis toutes les 20 minutes en faisant de « l’investissement » pour les 12 prochains mois.

PCE

Le chiffre du PCE de vendredi dernier est donc sorti à 5.4% et démontré que l’inflation américaine était repartie à la hausse. 5.4% en glissement annuel contre 5.3% auparavant. Et sur un mois, c’est 0.6% de plus. Quand vous ajoutez à cela le fait que l’emploi est toujours très fort, que le consommateur dépense comme un malade comme si ça ne coûtait rien et qu’en plus il s’endette pour ça et que les taux augmentent sur sa carte de crédit et sur l’hypothèque de la maison, ça donne un peu l’impression qu’à un moment on va avoir un coup de frein magistral qui risque de faire un tout petit peu bizarre. Si l’on devait imager la chose, on a l’impression que le consommateur est au volant d’une voiture qui fonce à 180 en direction des murs des coffres-forts de la FED et qu’on sait que ça va mal se terminer. Mais comme le consommateur est complètement bourré, on espère que l’autopilote de la Tesla peut encore nous sauver la mise. Alors on prie.

On ne va pas dramatiser non plus, parce que l’on connait la résilience des bourses et le fait que Wall Street se fout pas mal de ce que pense Main Street, mais là tout de suite, on a connu des vendredis plus joyeux et des débuts de semaine moins stressants. La semaine qui nous attend sera donc placée sous le signe de la digestion de la chose. Le problème c’est que depuis quelques temps, la plupart des stratèges et autres gourous professionnels sont extrêmement circonspects par rapport à la suite des évènements et on craint quand même que les mecs reviennent à la charge durant toute la semaine, pour nous dire que l’on va tous mourir dans d’atroces souffrances.

Remettre l’église au milieu du village

Tenez, prenez l’exemple de Jamie Dimon. Le patron de JP Morgan que n’arrête pas de nous dire depuis des mois que ça ne va pas bien se passer et qu’il faut se mettre en position d’atterrissage d’urgence, parce que l’atterrissage en douceur, il ne faut pas trop y compter. La semaine dernière – avant les chiffres du PCE – il était déjà venu sur le plateau de CNBC pour dire que Powell avait perdu le contrôle de l’inflation. Ben moi je serais lui, je me débrouillerais pour être invité sur un plateau télé, histoire de venir flatter son égo et pouvoir dire devant des millions de téléspectateurs : « JE VOUS L’AVAIT DIT !!! ».

Le problème c’est qu’il n’était pas le seul à s’être montré circonspect en ce qui concerne la destinée de l’inflation et sa capacité à baisser sagement de 0.5% tous les mois et rejoindre les 2% au mois de décembre, comme on l’avait prévu dans le scénario « hollywoodien » de Wall Street. Et s’ils se mettent tous à venir nous dire : « On vous l’avait dit !!! ». Je ne suis pas certain que le psyché des investisseurs de 2023 vont tenir le choc et persistent à croire en la pérennité du Bull Market.

Pour le moment on s’accroche

Vendredi soir aura donc été une fin de semaine bien pourrie comme on ne les aime pas du tout. La seule bonne nouvelle que j’ai réussi à trouver et celle qui permet encore de s’accrocher à la paroi par grand vent et qui laisse encore espérer que l’on puisse s’en sortir, c’est que le S&P500 ait baissé à la vitesse de la lumière, mais qu’il se soit arrêté net sur la moyenne mobile des 200 jours pour limiter la casse. Ce qui voudrait dire qu’à court terme, on a « pricé » le pire. Reste juste à voir si la base arrière que l’on s’est construite vendredi, va tenir le choc sous les coups de boutoir qui proviendront de la tribu des ours qui vont vouloir inévitablement reprendre le contrôle de ce début d’année qui ne leur aura pas vraiment réussi.

À l’heure où je vous parle – c’est-à-dire 5 heures du matin, en ce lundi 27 février, on notera que les futures tentent de sauver la face et sont en hausse de 0.15%. En lisant la presse du week-end et en sentant le doute assaillir le monde merveilleux de la finance depuis trois jours, je n’aurais pas forcément parié là-dessus. Maintenant, il va falloir espérer que la résilience dont ont fait preuve les marchés depuis 8 semaines ne va pas disparaître en trois jours. Ça ne va pas être simple, étant donné que l’on va devoir supporter des avalanches de commentaires négatifs, maintenant que tout le monde est revenu au bureau et que tous ceux qui s’étaient montrés méfiants vont pouvoir débarquer pour hurler « ON VOUS L’AVAIT DIT !!! ». Va falloir faire preuve d’abnégation et d’un optimisme exacerbé pour tenir le coup !!!

En Asie

Pour le moment, l’Asie est dans le rouge. Le Japon baisse de 0.14%, tout comme la Chine et Hong Kong recule de 0.7%. On attend pas mal de chiffres économiques chinois qui vont sortir cette semaine et on espère que cela nous permettra d’y voir plus clair sur l’avenir et le retour à la vie de la Chine. Mais pour l’instant, c’est calme et on attend de voir ce qui va nous tomber dessus dans les prochains jours. Le pétrole est à 76.14$, l’or se traite à 1815$ et le Bitcoin s’échange à 23’500$.

Du côté des nouvelles du jour et en dehors du fait que tout le monde va se demander si le PCE va changer la donne et se méfier de chaque banquier central qui va parler et du fait qu’il ou elle est susceptible de faire passer les 75 basis points attendus à…bien plus que cela, on notera aussi que Pfizer serait sur le point de racheter Seagen pour 30 milliards de dollars. Le Titre a déjà explosé il y a trois-quatre jours. Encore des gens qui devaient être plus égaux que les autres et mieux informés. Le prix de l’action Seagen semble déjà se traiter sur les niveaux annoncés. Ça n’est pas la première fois que Seagen est au bord de se faire racheter, Merck a déjà essayé, mais n’ont pas trouvé d’accord. Autrement, on se demande ce qui va se passer cette semaine, on passe en revue la lettre de Warren Buffet qui pense que les rachats d’actions sont une bonne solution pour remercier les actionnaires. Pas sûr que Biden soit d’accord avec lui. Pas sûr que Biden comprenne ce qui est écrit dans la lettre de Warren Buffet non plus. Et puis il y a Musk qui vient de marquer des points dans la série « JE NE FAIS PAS DE POLÉMIQUE, JE DIS JUSTE CE QUE JE PENSE », puisque le patron de Twitter et de Tesla a déclaré que les médias américains et les écoles étaient racistes vis-à-vis des blancs et des asiatiques. Pas sûr que ça ait été une bonne chose de se lancer dans le débat…

Chiffres du jour

Pour ce qui est de la journée qui nous attend, nous allons bien évidemment nous poser des questions sur la suite des évènements. Le PCE va-t-il nous changer notre vision des choses ? Les banquiers centraux vont-ils se sentir pousser des ailes ? Et si les ailes en question poussent, est-ce que ce sera des ailes de faucon ou de colombes ? Et puis, la question la plus importante de toutes les questions :

Est-ce que la hausse du PCE et le fait que l’inflation puisse ne pas être sous contrôle, était déjà dans les prix ? Visionnaires que nous sommes….

Côté chiffres économiques, nous aurons le business confidence et le consumer confidence en Europe. Il y aura les Durables Goods et les pending homes sales, ainsi que Jefferson de la FED qui parlera aux USA. Plus les minutes passent, plus les futures sont en train de se replier en direction de la baisse, le suspense est à son comble, mais les doutes nous assaillent. Passez une excellente journée et moi, je vous retrouve demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

“There are two classes of travel—first class and with children.”—Robert Benchley