Lorsque les marchés US sont fermés, on le sait, ça n’est pas là que nous vivons les journées les plus passionnantes et les plus sexy. C’est en général des journées qui sont faites pour l’introspection. Chacun fait ce qu’il veut, mais après avoir fait le point sur l’inflation et son interconnexion avec la FED et la hausse des taux hier. On pouvait largement prendre le temps de se demander si nous n’avons pas déjà été un peu haut, que certaines valeurs sont déjà trop chères et qu’à moins que la FED baisse les taux à 1% et que le gouvernement US donne une prime exceptionnelle à chaque Américain pour acheter des actions, ça allait être compliqué d’aller chercher un peu plus haut.

L’Audio du 21 février 2023

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Une journée dans l’eau

Autant vous dire qu’hier était une séance pour pas grand-chose, puisque les marchés européens se sont montrés extrêmement conservateurs en attendant d’en savoir plus. Le Dax reculait de 0.03%, le CAC40 qui, pour une fois ne battait pas de record, abandonnait 0.16% et la Suisse était la seule à terminer en hausse de 0.09%. Clairement pas de quoi se rouler par terre de bonheur et d’excitation. Tout le monde est dans l’attente d’en savoir un peu plus sur la suite des évènements. On ne va donc pas revenir sur ce que l’on sait déjà et ce qui est déjà pricé dans le marché, mais il semblerait que là tout de suite nous, les experts en finance et en macro-économie, sommes en train d’anticiper trois séries de hausse de 0.25% à dans les mois qui viennent.

Perso, je m’étais arrêté à DEUX, mais entre vendredi dernier, les ventes de détails, le fait que le PPI ne baisse pas et que plusieurs Présidents de la FED parlent de monter les taux directement de 0.5%, on a sûrement dû revoir notre copie. Donc, à ce jour les FED FUNDS sont entre 4.5% et 4.75%. Selon les attentes du marché, il devrait y avoir une hausse de 0.25% le 22 mars. Puis une autre de 0.25% le 3 mai et une dernière le 14 juin. Ensuite, on a l’air de rester convaincu que la FED va garder ces taux élevés dans la zone des 5.25%-5.5% pendant quelques mois, avant d’entamer la baisse des taux pour soutenir l’économie qui devrait « théoriquement » se trouver au bord de la récession avec une grosse envie de faire un pas en avant.

Dans le marbre

Ça, c’est donc le scénario idéal que nous avons en tête, celui qui nous permet d’ailleurs de s’exciter depuis plusieurs semaines sur la thématique de la tech qui « devrait » profiter de la baisse des taux qui se rapproche un peu plus chaque jour qui passe. On en est donc à anticiper quelque chose qui est aussi prévisible que les chutes de neige à plus de trois jours pour faire de l’investissement à 12 mois, alors que depuis le COVID, l’investissement long terme se fait en général entre le lundi et le vendredi soir de chaque semaine – ce qui file d’ailleurs de l’urticaire à Warren Buffet.

Nous sommes donc dans une conviction profonde comme quoi nous savons exactement ce qui va se passer dans les 12 prochains mois alors que nous sommes FAUX sur à peu près tout ce qui ce qui est macro-économie et décision de la FED depuis des mois, si ce n’est des années. Un des stratèges de Morgan Stanley expliquait hier que la hausse « irrationnelle » des marchés depuis le mois d’octobre. Hausse qui a fait monter le S&P500 de 16% et Tesla de 100%, n’est basée que sur des prospects futurs qui ne sont même pas encore intégrés dans les valorisations. La prime de risque que les investisseurs sont prêts à payer pour acheter des actions aujourd’hui est très élevée et donc, rend la situation très dangereuse. S’il y a le moindre grain de sable dans le scénario que nous nous sommes créés depuis le début de l’année, la question ne sera pas de savoir si nous allons baisser, mais plutôt de savoir QUAND EST-CE QUE NOUS ALLONS ARRÊTER DE BAISSER ?

Pas tout le monde d’accord

À l’heure actuelle, tout le monde n’est pas d’accord. Il y a un vent de « bullish attitude » qui souffle sur le marché qui semble vouloir l’empêcher de baisser depuis que l’on a osé imaginer que les taux allaient arrêter de monter et que les investisseurs voient le bout du tunnel. Et ça, c’est sans parler de la hausse délirante de certains titres liés à la haute technologie. Un des arguments des « bulls » réside dans le sens qu’il y a des milliards de dollars dans les portefeuilles qui attendent d’être investis et que ces « milliards » ont le pouvoir de faire monter tout et n’importe quoi, pourvu qu’il y ait un projet d’intelligence artificielle dedans. La conviction des optimistes semble extrêmement forte en ce moment et même si la quasi-totalité des stratèges des banques d’affaires se liguent contre eux, on a l’impression que ça ne suffit pas. Pour le moment.

Le camp des Bears est un peu plus structuré et apporte des arguments un peu plus « fondamentaux » que « c’est trop cool la techno quand on baissera les taux », mais même si les rapports de tout un chacun est très fouillé et relativement bien réfléchi, la peur de rater le train de la hausse et le nouveau Bull Market de ces 20 prochaines années, histoire de pouvoir prendre sa retraite avant 70 ans (comme le prévoit le Conseil Fédéral) ou avant 64 ans, comme le prévoit Macron, ou avant 62 ans comme le désire le reste de la France, que les marchés ne baissent pas. Personne ne veut prendre les profits puisque que l’on sait exactement où l’on va et que la seule chose qui manque, c’est la date de la première baisse des taux.

Pourvu que ça marche

On n’a donc plus qu’à prier pour que ça fonctionne. Mais toujours est-il que les feux clignotants qui signalent un danger sont en train de clignoter tellement fort que l’on se demande s’il ne va pas falloir changer les batteries prochainement. En effet, les actions sont chères après leur rebond de début d’année et on s’attend à de tellement belles choses qu’il va falloir délivrer et dans l’excès de confiance dans lequel nous sommes, à la moindre déception, la sanction pourrait être terrible. Aujourd’hui c’est la macro qui prime, tout le monde s’accroche au scénario de baisse des taux à la fin de l’année, mais au moindre signe que cette éventualité pourrait se transformer en mirage, je crains que l’on ne fasse pas de prisonnier. On tirera d’abord et on posera les questions ensuite.

Une des craintes du moment reste tout de même le fait que, potentiellement, l’inflation pourrait arrêter de baisser. Sans parler du film d’horreur si elle remonte. Aujourd’hui la FED est confiante en sa stratégie et tant mieux, parce qu’en théorie, c’est la seule qui fonctionne, mais si la réouverture de la Chine provoque de nouvelles tensions inflationnistes, si les hausses de taux n’ont pas d’effet immédiat sur la croissance économique et l’emploi, il n’est pas certain que la FED attende patiemment que l’inertie des hausses de taux de ces 12 derniers mois fasse effet et notre petit scénario de trois hausse de 0.25% pourrait se volatiliser dans l’atmosphère comme les bulles d’une bouteille de champagne qui serait ouverte depuis trop longtemps.

On commence à sentir la fatigue

Et puis, si l’on veut être totalement objectif, en observant les graphiques qui ont été le moteur de la hausse ces derniers temps, on se rend compte que pas mal de chemin a été parcouru et qu’actuellement, nous sommes en phase de « pull back ». Le truc de bien avec les « pull back’s », c’est que ça permet d’acheter moins cher. Le truc de moins bien avec eux, c’est que si ça ne s’arrête par sur les supports, ça peut baisser très vite. Aujourd’hui, nous sommes en mode « confiance maximum », donc ça n’est qu’une opportunité d’achat qui se dessine. Cependant, si les Minutes de mercredi ne nous plaisent pas et que le PCE de vendredi montre à la FED que c’est la merde totale niveau inflation, je ne donne pas cher des supports.

Graphique du SOX – Source : Tradingview.com

Ce matin je regardais le graphique des semiconducteurs, le SOX. Indice réputé comme « indicateur avancé des marchés ». Et je m’apercevais que :

1) La tendance haussière très court terme développée depuis début janvier avait été cassée
2) Que l’indice avait cessé sa progression en tapant le dernier « top » du mois d’août dernier et que ça ressemblait furieusement un « double top »
3) Que si c’était un « double top », ça n’allait pas être facile de tenir la moyenne mobile des 50 jours qui se trouve à 7% de là

Et puis je me suis rendu compte que Nvidia publiait ses chiffres trimestriels mercredi soir et que le titre est déjà monté de 98% depuis sa dernière publication trimestrielle. Que vont-il bien pouvoir sortir pour que le titre monte encore ? Mis à part la découverte d’un vaccin contre le cancer et la connerie, je ne vois pas trop. Et aux dernières nouvelles, ça n’est pas trop là-dessus qu’ils bossent. Quoi qu’à l’heure actuelle, un vaccin contre la connerie, ça serait quand même pas mal qu’on y pense.

Bref, tout ça pour vous dire que même si je suis et je reste définitivement bullish sur le long terme, j’ai comme le sentiment que l’on s’accroche à plein de trucs au conditionnel pour monter, alors que tout ce qui se conjugue au présent, donne envie de s’ouvrir les veines avec un couteau à beurre. Alors comme disait Josiane Balasko dans les Bronzés font du ski : « J’y vais, mais j’ai peur ».

Nouvelles du jour

Ce matin l’Asie est dans le même état que moi et se pose des questions sur la suite des évènements. Elle se demande : « should I stay or should I go? “ – pour le moment le Japon baisse de 0.15%, Hong Kong recule de 0.99% et la Chine ne fait rien. Le pétrole est à 76.55$ et est angoissé par ce que pourrait dire ou faire la FED, toutes les excuses sont bonnes pour expliquer la baisse. Quant à l’or, il est à 1847$ et le Bitcoin est à 24’900$ et des poussières et a déjà cassé les 25’000$ cette nuit. Si l’on en croit la prédiction comme quoi le Bitcoin va à 250’000$ à la fin de l’année, si vous achetez maintenant, vous multipliez votre capital par 10 d’ici le 31 décembre à minuit.

Dans les nouvelles du jour, on apprend que lorsque l’on cumule les positions de Black Rock, State Street et Vanguard, les plus gros fabricants d’ETF’s, ils détiennent plus d’actions Tesla à eux trois qu’Elon Musk lui-même. Je ne sais pas ce qu’il faut en faire, mais les complotistes diront que la manipulation est en route. Les autres diront qu’il y a de plus en plus de demande sur les ETF’s (peut-être trop) et que Tesla est dans beaucoup d’indices, ceci expliquant cela. En gros, ça ne sert pas à grand-chose de le savoir, mais vous pourrez toujours le ressortir à l’apéro de jeudi soir, ça fait souvent briller en société ce genre de remarque. Il y a aussi le milliardaire britannique Jim Ratcliffe qui est en train de se bagarrer avec les Qataris pour racheter Manchester United. Et si c’est les Qataris qui gagnent, par sûr que le PSG continue d’encaisser des milliards pour gagner la Ligue 1 chaque année et le nouveau slogan sera probablement : « ici c’est fini ».

Nouvelles du jour : chapitre 2

Dans les autres nouvelles, il y a Ray Dalio, le Hedge Fund Manager qui pèse déjà 19 milliards qui va toucher encore « plusieurs milliards » parce qu’il prend sa retraite et s’engage à ne pas se battre pour garder une partie de Bridgewater, sa société. Personnellement, pour un seul milliard, je ne dérange plus jamais personne. Pendant ce temps-là, Biden a fait une visite surprise en Ukraine pour réitérer son intention de soutenir l’Ukraine et de leur donner encore plein d’argent. C’est superbe. La dette de son pays est en train d’imploser et ils n’ont toujours pas trouvé de solution pour le plafond de la dette, mais l’autre clown voyage à travers la planète pour faire la guerre et dilapider le pognon qu’il n’a pas. C’est tout simplement magistral.

Pendant que Biden se prend pour un soldat, les tensions avec la Chine continuent d’augmenter alors que les Américains ne veulent pas qu’ils livrent d’armes à la Russie et qu’un autre clown de l’Union Européenne a déclaré que de telles livraisons à la Russie marquerait une ligne rouge. Les Chinois doivent vraiment être terrorisés par les menaces à peine voilées de l’Europe. Autrement, il y a les ministres des finances du G7 qui vont se rencontrer après-demain pour discuter des mesures de rétorsion économiques à prendre contre la Russie. Si c’est Le Maire qui fait des propositions, on est foutu. La dernière fois qu’il a voulu mettre l’économie russe à genoux, l’essence est montée de 50 centimes. Plus sérieusement, on notera aussi qu’HSBC a publié ses résultats trimestriels qui étaient meilleurs que les attentes, même avec une taule de 300 millions sur la Russie.

Chiffres du jour

Côté chiffres du jour, avant l’ouverture, il y aura deux poids lourds du Dow Jones qui publieront leurs chiffres du trimestre : Walmart et Home Depot. Chiffres qui seront intéressant à décortiquer, histoire de voir comment le consommateur consomme. Ou pas. Autrement il y aura le Trade Balance en Suisse, les ventes de voitures en Allemagne et en France, puis plein de PMI’s en France, en Allemagne et dans toute l’Europe. Tout comme aux States. Et il y aura le ZEW en Allemagne et en Europe.

Pour le moment les futures sont en légère baisse et jusque-là, tout va bien. Je vous souhaite une excellente journée et à demain, si vous le voulez bien !

Thomas Veillet
Investir.ch

« First rule of Economics 101: our desires are insatiable. Second rule: we can stomach only three Big Macs at a time. »

Douglas Horton