Enfonçage de portes ouvertes hier à Wall Street. Je dois dire qu’en lisant les médias de cette nuit, je suis totalement sidéré par l’effet de surprise que Powell a pu déclencher en disant qu’il était prêt à resserrer les boulons au niveau des taux d’intérêts pour réussir à vaincre l’inflation. Avec le nombre de flags que nous avions eu du côté des chiffres de l’inflation, je trouve proprement hallucinant, pour ne pas dire CONSTERNANT, que le marché soit encore « choqué » par les déclarations d’hier soir.

L’Audio du 8 mars 2023

Télécharger le podcast

C’est quoi le texte ? AAAAHHHHHHH

Hier soir le marché s’est donc replié. Le S&P500 est revenu sous les 4’000, le Dow Jones a perdu près de 600 points – ce qui ne veut strictement rien dire, mais qui fait toujours super-bien en première page du journal. Nous sommes donc en panique parce que Monsieur Powell a plus ou moins laissé entendre que « la FED est prête à accélérer le rythme de ses hausses des taux si cela est rendu nécessaire par les données macroéconomiques. La solidité de l’économie suggère en effet que le taux final des Fed Funds sera « probablement » supérieur à ce qui était anticipé dans la mesure où l’inflation s’est certes modérée, mais que la suite s’annonce chaotique et compliquée ».

Décortication

Nous allons donc décortiquer la chose.

Lors de la première partie de la déclaration, Monsieur Powell nous a dit :

« La FED était prête à accélérer le rythme de ses hausses des taux si cela était rendu nécessaire par les données macroéconomiques »

Aujourd’hui, la FED vient de nous monter les taux de 0.25%, nous avons donc pris l’habitude de voir monter les taux de 0.25% à chaque meeting de la FED. D’ailleurs, il y a encore 24 heures, les sondages disaient que 69% des experts s’attendaient à une hausse de 0.25%. Sauf que Powell nous a donc annoncé être prêt à accélérer le rythme. En résumé, ça veut dire que si l’inflation ne se calme pas dans les jours qui viennent. La FED montera les taux de 0.5% lors du prochain meeting.

Et comme par hasard, en écoutant ces mots, le sondage des experts à Wall Street s’est inversé et dorénavant, c’est 65% des experts qui annoncent une hausse de 0.5%. Oui parce qu’on voit assez mal quel chiffre pourrait faire balancer le cœur de Powell. Et c’est la seconde partie de la phrase – « si cela était rendu nécessaire par les données macroéconomiques » – en gros, pour le moment on sait que l’emploi est super-fort – que le CPI et le PPI ne baissent plus autant que prévu, que les révisions des anciens CPI’s montrent même que par moment, ça monte et le PCE est carrément en hausse. D’ici le prochain meeting de la FED – le 21 et le 22 mars – nous aurons encore le CPI le 14 mars, le PPI le 15 mars et les non farm payrolls qui sortiront vendredi. Le prochain PCE qui est dorénavant la mesure de référence de la FED, sortira le 31 mars. Trop tard. C’est donc ces trois chiffres qui feront la différence entre 0.25% et 0.5%. Premier élément de réponse ce vendredi à 14h30.

Lors de la seconde partie de la déclaration, Monsieur Powell nous dit :

« La solidité de l’économie suggère en effet que le taux final des Fed Funds sera « probablement » supérieur à ce qui était anticipé dans la mesure où l’inflation s’est certes modérée, mais que la suite s’annonce chaotique et compliquée »

Et c’est là que ça se complique.

En gros, il nous dit que l’économie est trop forte et que pour contrer l’économie qui est trop forte et l’emploi qui rigole, il va devoir monter les taux encore et encore, mais plus haut que précédemment anticipé. On est donc en train de parler de 5.6% selon les paris de ce matin et selon les médias financiers. Avant on pensait à 5% – bien que ça soit un secret de polichinelle et que depuis longtemps, nous nous attendions à pire. Mais hier on a quand même joué l’effet surprise…

Ensuite on parle de l’inflation. L’inflation qui a baissé depuis l’été dernier, mais l’inflation qui refuse de baisser actuellement. Et donc, va falloir se battre pour la ramener à la raison et le combat passera par les taux. Powell ne lâchera pas le morceau et il continuera à utiliser la seule arme qu’il a disposition : les hausses de taux. En concluant avec « la suite s’annonce chaotique », le message est clair : il n’en sait rien et il vole à vue.

La surprise qui n’en est pas une

Comme nous avions décidé de nous voiler la face avec les chiffres de l’inflation depuis des semaines, il est clair que l’annonce d’hier nous a fait froid dans le dos et soudainement, le doute nous assaille. Les marchés ont donc soudainement pris conscience que les choses n’était pas aussi simples, que la lutte contre l’inflation n’était pas un long fleuve tranquille et que ceux qui pensaient que la baisse des taux, c’était pour bientôt… sont en train de se dire que le match n’est pas terminé et que l’on passe en prolongations.

Nous sommes dans un nouveau monde. Les taux vont continuer à monter et peut-être même plus qu’avant et même plus haut. À moins que les prochains chiffres nous rassurent. Il faut tout de même reconnaître que nous sommes à un niveau de jeu très élevé. J’ai presque l’impression de me retrouver l’été dernier lorsque l’on attendait que la FED pivote. Actuellement, nous sommes en train de digérer les choses, mais on se dit déjà que « si les chiffres économiques ne sont pas trop mauvais, ça pourrait le faire ». Encore une fois, la résilience dont fait preuve ce marché est stupéfiante. À partir de cet instant, tout le monde va attendre les chiffres de l’emploi de vendredi pour savoir si « par le plus grand des hasards, les NFP ne démontreraient pas que l’emploi se calme et que du coup, Powell ne monterait pas les taux autant que prévu hier soir ». Pour faire simple, nous sommes comme Powell, on vole à vue. Sauf que nous – en plus- nous sommes en plein brouillard, ce qui fait que nous avons perdu nos références et que l’on est incapable de savoir si on vole la tête en bas ou la tête en haut.

En Asie

Ce matin en Asie le seul indice qui sort son épingle du jeu, c’est le Nikkei qui se concentre sur sa politique interne et son nouveau patron de la banque centrale et qui monte de 0.4%. Par contre, du côté de Hong-Kong c’est la débandade et l’indice plonge de 2.5% « parce que l’on a peur de la rapide hausse des taux aux USA ». En Chine, on baisse de 0.5% et on essaie de gérer les échanges de mots doux entre eux et les USA, vu que – même si on a l’air de s’en moquer comme de l’An quarante, la tension est en train de monter. À ce propos, il faudra aussi noter que Biden n’a toujours pas eu SA guerre comme tout bon Président Démocrate et que ça serait pas mal s’il évitait de se prendre la tête frontalement avec la Russie et la Chine en même temps. Mais comme il ne sait même pas en quelle année on est, rien n’est impossible.

Côté Pétrole, on s’est noyé dans l’incertitude des taux et de la demande pétrolière qui pourrait en souffrir en cas de hausse qui perdurerait. Il est clair que tout le monde va arrêter de faire le plein parce que les taux vont monter de 0.5%. Mais la bonne nouvelle, c’est que si le baril baisse, c’est pas inflationniste !!! Là tout de suite, le pétrole est à 77.66$. L’or est à 1814$ et même le Bitcoin était sous pression À CAUSE DES DÉCLARATIONS de la FED. Comme quoi, même lui s’y intéresse. Pendant un bref instant, la cryptomonnaie est passée sous les 22’000$ et ce matin, le Bitcoin se traite à 22’080$.

Les nouvelles du jour

Du côté des nouvelles du jour, on notera que l’inversion de la courbe entre le 2 ans et le 10 ans américain est au plus haut. Nous avons dépassé les 100 points de base entre les deux. Chose que l’on n’avait jamais vu depuis 40 ans. La dernière inversion de la courbe de rendement de plus de 100 points de base, remonte à 1981, dans des circonstances similaires. Paul Volcker, alors président de la Fed, luttait également contre une inflation galopante. La récession a suivi et le taux de chômage a grimpé en flèche. Mais pour le moment, on s’en fout. On s’en fout parce que cette fois, c’est différent. Autrement, il y a Madame Yellen qui pense que les conséquences du réchauffement climatique pourraient créer de la contagion sur le système financier. En revanche, elle ne parle toujours pas de trouver un moyen de relever le plafond de la dette.

Il y a aussi Salesforce qui va lancer un outil d’intelligence artificielle comme Microsoft. Ça devrait bien valoir une hausse de 30% de plus, vu que c’est de l’IA. Pendant ce temps, en France, les grévistes sont en train de vouloir bloquer le pays pendant que le CAC40 touche des plus hauts historiques tous les jours – même hier, avant de clôturer en baisse, l’indice avait accroché un nouveau record.

Côté chiffres

Pour ce qui est des chiffres économiques, nous aurons la Production Industrielle et le ventes de détail en Allemagne, l’emploi et le PIB en Europe. Au passage, Madame Lagarde va également parler, une semaine avant la réunion de la BCE – et je prends les paris qu’elle va réutiliser le discours de Powell d’hier pour confirmer que la semaine pro, elle va monter les taux de 0.5%, même les chiffres concordent entre les deux discours. Aux USA, nous aurons le second témoignage de Powell qui va répéter la même chose qu’hier pour ceux qui n’ont pas compris, mais il y aura aussi le Trade Balance, les nouvelles demandes d’hypothèques, les JOLTS, les chiffres de l’emploi version ADP et les inventaires pétroliers. Plein de choses qui pourraient remettre en question notre façon de penser.

Pour le moment, les futures sont en hausse de 0.01% – on est visiblement partis pour un rebond de FOLIE !!! Ceci mis à part, je tiens à vous rappeler que l’eau ça mouille, que le feu ça brûle et que les taux, ça finit toujours par monter un jour.

Excellente journée à tous !

Thomas Veillet
Investir.ch

“The battles that count aren’t the ones for gold medals. The struggles within yourself—the invisible battles inside all of us—that’s where it’s at.” —Jesse Owens