Bonne nouvelle pour commencer la semaine ; la Deutsche Bank est toujours là. Pour l’instant. Pour le reste, il est intéressant de noter que, durant le week-end nous avons pris le temps pour la réflexion et que ce matin (si une banque ne ferme pas avant midi), les choses se présentent plutôt pas mal. Il faut dire que nous sommes en train de nous retourner le cerveau pour essayer de trouver du bon dans tout ce qui est en train de se passer. Et globalement, ça fonctionne pas mal puisque l’on est presque en train d’enlever la préoccupation de l’inflation de nos têtes. Puisque l’on parle de récession. Mais c’est pas grave parce que du coup, les taux vont baisser.

L’Audio du 27 mars 2023

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Interprétation machiavélique

Je vous préviens, je crois que ces prochaines semaines, il va falloir s’accrocher pour trouver la bonne manière d’interpréter les choses. Non, parce que depuis quelques jours, il se tient une espèce de compétition hallucinante pour savoir comme est-ce que l’on peut prendre une mauvaise nouvelle et l’interpréter différemment. Tout comme nous bossons comme des fous pour prendre une « bonne nouvelle » et en faire une grosse daube qui pourrait mettre le marché par terre.

Je m’explique. Prenons par exemple la Deutsche Bank, au hasard. Vendredi, le fleuron bancaire allemand était au bord du gouffre et des sources bien informées et extrêmement proches du dossier, mais qui préfèrent rester anonyme pour ne pas se faire virer – ou juste parce qu’ils ont la trouille, parce que la trouille, ça ne se commande pas. Eh bien ces sources-là ont laissé entendre que la Deutsche était en train de faire un copié/collé du business plan du Crédit Suisse et que ça n’augurait rien de bien. Le titre s’est donc fait démonter – encore une fois – et un des argumentaires (en plus du fait que le CDS ressemblait à la trajectoire d’une fusée Space X au décollage) était que la Deutsche Bank était en train de racheter des tranches d’une de ses obligations AT2 (c’est comme les AT1, mais moins bien). Alors dans un monde normal ou la réflexion intellectuelle n’est pas dirigée par l’esprit tordu du Dieu Pognon, on se serait dit « Whaoouuuu, trop cool, c’est une bonne nouvelle, dis-donc ». Oui sauf que l’on n’est pas trop dans ce monde en ce moment. En ce moment, quand une banque rachète ses dettes, la première réflexion qui vient à l’esprit ; c’est :

« Ils ont un truc à cacher, c’est sûr »

Et puis dans la foulée, quand tu as le Chancellier Allemand qui vient de dire avec sa tête de boute-en-train que « la Deutschhh Bankrrr est très zolide et que zon business plan est en péton et qu’il n’y a pas de raizzzon de kraidnre quoi que ce zoit »… Soudainement, tu as encore plus peur qu’avant.

Et c’est pas fini

Comme nous venons le voir, actuellement nos esprits sont vraiment tordus et encore plus au sujet de la macro. Non, parce que si vous vous souvenez bien de ce qui se passait il y a 3 semaines quand personne ne savait qui était la Silicon Valley Bank et que le Crédit Suisse était connu principalement pour être le sponsor de l’équipe suisse de Football – vous savez ce sport qui se joue à 11 et qui a pour but de surpayer les joueurs et de les faire rouler dans des Lamborghinis avec des couleurs qui rendraient un caméléon dépressif – à cette époque donc… Il y a trois semaines… Nous étions absolument obsédés par l’inflation.

Sauf que depuis que les banques tombent comme des mouches, c’est plus trop le sujet. Nous avons immédiatement rangé le sujet dans le même carton que la guerre en Ukraine – le gros carton au fond de la cave où c’est marqué dessus : rien à foutre – ensuite on a juste pris le temps de « justifier » la chose en se disant que si les banques n’ont plus d’argent à prêter, les consommateurs ne vont plus emprunter pour dépenser ! Sans compter que lorsque tu vois le taux des cartes de crédits aux États-Unis, t’as meilleur temps d’aller emprunter de l’argent directement à la Mafia, je crois que les taux d’usure son bien plus corrects.

Bref, tout ça pour dire que si les gens ne dépensent plus, il n’y a plus besoin de monter les taux pour lutter contre l’inflation. CQFD. Comme je le dis toujours : « si on avait su qu’il suffisait de mettre deux banques en faillite et d’en refiler une au prix de la casse à l’UBS pour faire baisser l’inflation, on se serait pas pris la tête pendant 12 mois à monter les taux ». Le problème maintenant, c’est que si l’on est logique, si l’on ne monte plus les taux, que l’inflation se pète la figure, que les banques ne prêtent plus et que les gens ne peuvent plus consommer ou ne veulent plus consommer, on se dirige inévitablement vers un nouveau truc qui s’appelle :

LA RÉCESSION !!!!!

Et ça, en général, on n’est pas trop fan de ce genre de mot. C’est le genre de truc que l’on aime presque autant entendre que : « Mesdames et Messieurs, c’est votre chef de cabine qui vous parle, suite à un problème technique dans le poste de pilotage, nous aurions besoin de quelqu’un qui sait piloter un avion – même un tout petit peu – afin d’assurer le reste du vol, la descente et l’atterrissage ».

Sauf que cette fois, c’est pas pareil. Cette fois on peut parler de la récession comme si ça n’était qu’un détail sans importance, parce que les taux sont élevés et que la FED « n’aura qu’à baisser les taux » pour relancer l’économie et qu’ensuite ça sera facile, nous vivrons dans un monde où l’inflation ne sera qu’un mauvais souvenir, où la récession va se faire mater par la FED, il ne restera ensuite plus qu’à générer de la croissance, créer des emplois, prendre sa retraite à 87 ans et retrouver la confiance dans le système bancaire.

Le problème des banques

Non parce qu’entre vous et moi, lorsque l’on regarde la photo globale, tout va bien. Le seul point noir, c’est les banques. Pour le reste, tout est sous contrôle et on a une excuse et une explication pour tout. Restera à voir les publications du trimestre, mais ça c’est dans trois semaines – autant dire : une éternité pour quelqu’un qui fait de l’investissement à long terme – avant ça, il faut juste régler le problème des banques et le fait que plus personne ne leur fait confiance. Ou presque. Les autorités fédérales américains ont annoncé que les retraits des dépôts bancaires se montait à 100 milliards ces dernières semaines, mais que, je cite « ça n’est pas grave et pas alarmant ».

Dans la foulée, ils ont également annoncé que les banques avaient allégrement tapé dans les fonds d’urgence mis à disposition par la FED et les autres banques centrales – le montant de la semaine dernière est des 110 milliards d’emprunts et ça va beaucoup mieux parce que la semaine d’avant c’était 150 milliards. On sent la nette amélioration (en précisant bien que ça s’additionne, ils n’ont pas remboursé entre deux). Et puis, comme ça ne suffisait pas, on notera que la FED avait réduit son bilan de 600 milliards depuis qu’ils avaient commencé à resserrer le robinet de « l’argent facile » et que depuis l’affaire SVB, le bilan est remonté de 400 milliards. Mais là aussi ; rien d’alarmant.

Alors vous, je ne sais pas, mais quand je vois toute cette équipe en costard-cravate qui nous ont créé le Subprime, la crise grecque et tous les trucs que l’on ne sait pas, venir à la télé pour nous dire que TOUT VA BIEN ET QUE L’ON PEUT RETOURNER SE COUCHER, j’ai assez envie de paniquer et d’acheter des Bitcoins.

Et c’est reparti pour un tour

Ce matin nous entamons une nouvelle semaine qui sera centrée sur la publication du PCE – le chiffre préféré de la FED pour mesurer l’inflation. Pardon, j’aurais dû dire : « la nouvelle semaine AURAIT DÛ être centrée sur la publication du PCE – le chiffre préféré de la FED pour mesurer l’inflation ». Non, parce que depuis la crise des banques, vous l’aurez compris, on s’en fout de l’inflation. Toujours est-il qu’il y aura le PCE jeudi et entre-deux, on va checker les CDS des banques pour voir si la panique continue sur la Deutsche Bank ou si la contagion est partie sur une autre. Ce week-end j’ai vu passer Frédéric Oudéa, le CEO de la Société Générale qui disait que sa banque était solide et que tout allait bien. Manquerait plus que ce matin la Soc Gen rachète des dettes obligataires… Il ne manquerait plus que ça à Macron ; le Roi d’Angleterre n’ose pas venir chez lui, tout le monde le déteste et en plus une banque part en faillite. Mais ne faisons pas trop d’anticipation, on va se contenter de l’interprétation, c’est largement suffisant.

Pour le moment, c’est pas facile en Asie. Le Japon tente de faire comme si tout allait bien dans le secteur bancaire et repasse en hausse de 0.3%, pendant que la Chine et Hong Kong sont en baisse. Hong Kong recule de 1.7% et la Chine abandonne 0.77%. L’or nous fait sa 143ème rebuffade sur les 2’000$ et se traite à 1995$ et le Bitcoin ne se sent pas prêt pour les 30’000 tout de suite. À l’heure où je vous parle, la cryptomonnaie est un poil sous les 28’000$. Tous les yeux sont rivés sur banques, histoire de voir qui sera la prochaine à nous faire un truc. Je suis impatient de commencer la semaine. Il y a une de ces ambiances depuis quelques jours, je ne m’en lasse pas.

Les nouvelles du jour

Au chapitres des nouvelles du jour, ça n’est pas la folie. Au niveau économique, c’est plutôt mince, sachant qu’aux dernières nouvelles la Deutsche Bank n’a pas encore été rachetée par la Raiffeisen du Bade-Wurtemberg et que, pour l’instant on n’a pas encore trouvé de nouvelle casserole dans les comptes du Crédit Suisse qui pourraient contaminer l’UBS. Bon, il y a bien cette histoire d’avoir aidé les Oligarches russes alors que c’était « MAL », mais comme l’UBS et le Crédit son dedans, ça ne devrait pas changer grand-chose. On notera que le FMI ne s’est pas reposé ce week-end et en a profité pour nous pondre un rapport extrêmement utile pour nous prévenir que « La Crise des Banques », c’était pas bien et que ça pouvait faire du mal à l’économie. La bonne nouvelle c’est qu’ils n’ont pas pris le temps de nous expliquer que l’eau ça mouille et tout ce genre de trucs super-utiles.

On notera aussi que Musk estime que Twitter ne vaut plus que 20 milliards, mais on s’en fout parce que c’est plus côté. Mais il y a aussi une partie du code source de Twitter qui a fuité sur le net et que ça n’est pas une bonne nouvelle. On s’en fout aussi parce que c’est toujours pas coté. Il y a aussi Jeremy Grantham qui a parlé avec David Rosenberg ce week-end. Et quand vous mettez deux BEARS dans le même podcast, ça ne finit jamais bien. Grantham a expliqué que toutes les bulles étaient en train d’exploser ; les actions, l’immobilier, l’immobilier commercial, l’obligataire, etc…. et que cela allait amener la récession et le S&P500 à 2’000. Ça nous laisse encore un peu de marge pour shorter le marché.

On notera également que Vladimir Poutine est en train déployer des armes nucléaires tactiques en Biélorussie. Alors je ne suis pas expert en armes nucléaires tactiques, ni en stratégie militaire, mais je doute que cela plaise à l’OTAN et à Zelensky. Déjà que l’équipe d’Angleterre a eu l’outrecuidance de battre l’Ukraine ce week-end, il y a de quoi râler. Ces Anglais n’ont vraiment aucun respect et refusent de soutenir l’Ukraine, c’est un scandale. Tout ça pour dire que je ne suis pas certain que cela aide à ramener le calme dans la région. Alors oui, on sait bien que la finance mondiale se fout pas mal de la guerre en Ukraine depuis un moment, mais ça pourrait peut-être raviver un peu la flamme. Et puis, pour terminer cette première chronique de la semaine, je voudrais encore vous rapporter ce qui est pour moi « LA NOUVELLE DU WEEK-END ». La FINMA a profité de la NZZ du week-end pour déclarer qu’elle « RÉFLECHISSAIT » à prendre des mesures contre le Crédit Suisse. Hhhhhhoooooouuuuuuuu, la FINMA fait les gros yeux, alors attention !!! Il faut quand même dire que depuis près de 15 ans, la banque s’est appliquée à réunir la plus grande collection de casseroles du monde financier. Il y avait tellement de casseroles que même les casseroles du Crédit Suisse avaient des casseroles. Et pendant ce temps, où était la FINMA ???

Personne ne sait. Mais en tous les cas, on vient de les réveiller d’un long sommeil et ils ne sont pas contents !!! Moi je serais l’ex-patron du Crédit Suisse, je me ferais tout petit, parce que si ça se trouve, ils vont lui coller une amende pour dépassement de la durée de stationnement à la Paradeplatz.

Chiffres du jour

Pour le moment, les futures sont en hausse de 0.5%, on frise l’euphorie. Mais il faut dire que tout va tellement bien que l’on ne voit pas trop dans quelle autre direction nous pourrions aller. Il n’y pas de chiffres qui pourraient faire bouger les marchés aujourd’hui, nous allons donc nous contenter de prendre le pouls du secteur bancaire et de voir s’il bouge encore.

Je vous souhaite un excellent lundi et un très bon début de semaine. Moi je vais lire le bilan de la Société Générale et voir s’il y a des raisons d’acheter un CDS. Juste pour voir. Pour le reste, on se voit demain, histoire de voir si la récession est toujours en train de remplacer l’inflation dans le cœur des financiers.

À demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

« Twenty years from now you will be more disappointed by the things that you didn’t do than by the ones you did do. »

Mark Twain