Nous voici de retour après un long week-end de trois jours. Les ponts, c’est fini pour un moment, mais le fait de devoir « attendre », pas du tout. Ce week-end les deux clowns de Washington (McCarthy et Biden) nous ont encore fait le coup du suspense jusqu’au bout de la nuit et ils ont désamorcé la bombe à la dernière seconde. Sauf que visiblement ça n’est pas encore terminé et ils vont devoir nous refaire le coup du suspense insoutenable jusqu’à que le Congrès accepte de signer le texte négocié entre les deux « grands » politiciens. C’est aussi pour ça que les futures cachent leur joie ce matin…

L’Audio du 30 mai 2023

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Le dernier bricolage en date

Depuis des mois et des mois, le camp de Biden n’avaient qu’un mantra : « On ne négocie pas le budget parce qu’on est des vrais bonhommes et qu’on ne va pas se laisser faire par les Républicains et qu’on est les meilleurs, ohé, ohé… »… Et puis le plafond de la dette est arrivé et les Républicains ont décidé de ne rien lâcher et le courageux Président Biden qui avait un peu la trouille de devenir LE PRÉSIDENT qui a mis les USA en défaut de paiement – surtout parce que ça ferait moyennement bien sur le CV et sur les affiches de la campagne présidentielle de 2024 – a finalement négocié… Quel homme.

Alors on ne va pas rentrer dans les détails, mais disons que le deal ne semble pas non-plus révolutionnaire, puisqu’ils ont surtout donné l’autorisation de taper dans la limite et qu’en échange, ils se sont mis d’accord pour faire des économies de bouts de chandelles. Économies sur lesquelles ils ne vont pas manquer de revenir à la première occasion parce que ça ne les arrange que moyennement à cause de l’argent. Mais la chose la plus importante c’est que le pays va pouvoir s’endetter encore plus et que le plafond n’est pas réhaussé, il est carrément suspendu jusqu’en 2025. Là tout de suite, sans fouiller dans les détails du texte, tout le monde a un peu l’impression que c’est un bricolage à la va-vite qui va simplement repousser l’échéance, laissant le prochain Président – celui qui prendra le pouvoir en 2025 – avec exactement les mêmes problèmes qu’aujourd’hui dans les mains, sauf que ça sera pire.

Reste le Congrès

Les marchés sont donc moyennement heureux de voir ce qui est en train de se passer, surtout parce que ça n’est pas encore signé par le Congrès et le Sénat. Les deux comiques en chef assurent que leurs partis respectifs vont voter le texte, mais en fouillant un peu, il y a des mécontents qui l’expriment quand même haut et fort. Oui, vous l’aurez compris : on va devoir encore attendre de voir si le texte de Biden-McCarthy sera voté dans le bon sens ou si l’humiliation sera totale pour les chefs de partis. Dans le doute, les marchés qui étaient ouverts hier ont terminé légèrement en baisse car le peu d’intervenants qui étaient au bureau n’avaient que moyennement envie de se mouiller.

On notera aussi un point de détail assez impressionnant qui s’est produit en fin de semaine dernière. Si l’on appuie sur la touche « rewind », on se souviendra que Madame Yellen fait la tournée des grands-ducs depuis 1 mois pour dire à tout le monde que les USA seront en défaut de paiement dès le premier juin. Et puis, alors que le grand timonier de la Maison Blanche n’arrivait pas à se mettre d’accord avec son pote Républicain et que le temps commençait à manquer, elle a, comme par magie réussi à trouver un peu de cash au fond des tiroirs et elle a repoussé la date de défaut du 1er juin au 5 juin. Juste assez pour que le Congrès ait le temps de voter. C’est vraiment magique ce qu’ils arrivent à nous faire aux USA en nous laissant croire que tout n’est que coïncidence et pur hasard.

Ça n’est donc pas fini

Mais peu importe, la doublette magique de Washington devrait donc nous sauver le monde encore une fois et on pourra chanter leurs louanges encore longtemps sur les marches du Capitole. Restera plus qu’à voir comment le marché va se comporter une fois que tout sera signé. On sait qu’ils vont avoir besoin d’une montagne de pognon pour pouvoir continuer à tourner et que ça n’est pas encore complètement certain que la liquidité des marchés sera suffisante pour cela.

Ça devrait nous occuper encore cette semaine, en attendant les chiffres de l’emploi. En fait j’ai l’impression que l’on passe notre temps à attendre et que pendant qu’on attend, on ne prend même pas le temps de se demander si l’on réfléchit vraiment dans la bonne direction. Enfin, peu importe, il faut tout de même noter que le S&P500 est passé en Bull Market – vu que la clôture de vendredi s’est faite AU-DESSUS des 4’200 – et que plus rien ne peut nous arriver. De toutes manières, l’Intelligence Artificielle sera toujours la solution à tous nos problèmes. Plafond de la dette ou pas plafond de la dette, défaut ou pas défaut, tant que Nvidia sort des ordinateurs révolutionnaires toutes les cinq minutes, ça va bien se passer.

Les chiffres économiques on en parle mais en fait, on s’en fout

Alors que tout le monde avait les yeux sur Washington, vendredi dernier il y a eu les chiffres du PCE. C’est assez étonnant parce que l’on nous bourre le crâne avec ces chiffres qui sont le centre d’intérêt principal de la FED et qu’ils sont susceptibles de faire virer Powell de bord à chaque instant et pourtant, vendredi soir tout le monde s’en foutait et se préoccupait bien plus du délai supplémentaire offert par Yellen en ce qui concerne le défaut de la dette.

Pourtant, si l’on doit vraiment prendre cinq minutes pour analyser les chiffres du PCE, on ne peut pas dire que ça soit l’euphorie. Alors oui, certains postes de l’inflation sont en train de baisser et c’est là-dessus que l’on se félicite, tout en oubliant les autres postes qui eux, remontent. On a un peu l’impression qu’en ce moment, l’inflation c’est un peu le mouvement perpétuel : on à l’impression qu’elle s’en va, mais elle revient quand même à chaque fois. Pour le moment, les marchés s’en tamponnent massivement parce qu’ils sont totalement obsédés par le plafond de la dette, mais on ne peut pas non plus ignorer le fait que les membres de la FED vont quand même devoir se poser des questions sur les mesures à prendre le 14 juin prochain, même si Biden est un faiseur de miracle.

Et c’est reparti pour 4 jours

La bonne nouvelle c’est que dans 4 jours, c’est de nouveau le week-end. Ce matin l’Asie est uniformément dans le rouge, l’Australie vient d’annoncer les chiffres de la confiance du consommateur qui sont au plus bas depuis plus de 30 ans, la Chine annonce que le chômage chez les jeunes est au plus haut et la plupart des indices sont dans le rouge clair ou rouge foncé. Le Nikkei recule de 0.2% alors que les experts de Wall Street semblent unanimes sur le fait que c’est « the place to be » – le fait qu’ils soient tous d’accord en même temps me fait très peur, mais passons – et puis la Chine baisse de 0.7% et Hong-Kong de 0.89%.

Le pétrole est à 72$ et des poussières, l’or est à 1957$ et le Bitcoin est à 27’800$. Pour le moment, on dirait que nous sommes encore figés dans le temps en attendant ENCORE UNE FOIS un truc super-important. Je sais bien que la patience est une qualité importante, mais il y a des fois dans la vie où l’on aimerait juste que ça avance un peu et que l’on puisse se projeter un peu plus que sur le prochain discours d’un mec grabataire qui ne sait plus ou est sa droite et sa gauche et si la dame à côté de lui est sa mère ou sa femme. Quoi qu’il en soit, pour le moment nous en sommes à la théorie des petits pas. Un pas après l’autre et on verra bien ensuite ce qui se passe, mais à la fin, on dirait que c’est les USA qui gagnent. Et Erdogan aussi.

Nouvelles du jour

Du côté news du matin, on notera donc que Nvidia font encore parler d’eux puisque le CEO a fait son show à Taïwan pour présenter leur nouvelle gamme de produits et à en croire la presse de ce matin, c’est encore un coup de maître et j’ai presque l’impression qu’avec les puces Nvidia on devrait bientôt pouvoir éradiquer le cancer et commencer à rajeunir. On verra cet après-midi ce qui est déjà dans les prix ou pas. Après pas loin de 30% de hausse en une semaine, on peut imaginer que pas mal de choses sont déjà intégrées dans les prix, mais allez savoir, avec les bulles spéculatives, on ne sait jamais. Autrement il y a donc la Livre Turque qui se fait encore une fois défoncer depuis qu’Erdogan – qui devait partir à coup sûr -n’est pas encore parti. Il semblerait que Biden et Macron aient été les premiers à lui lécher les bottes pour le féliciter – comme quoi l’hypocrisie est élevée au rang d’art du côté de l’Élysée et de la Maison Blanche.

En Espagne, le Premier Ministre demande de nouvelles élections après s’être fait laminer dans les élections régionales. En Angleterre, le gouvernement va rencontrer les patrons de la distribution alimentaire pour voir ce qu’ils peuvent faire pour arrêter de monter les prix de la nourriture. Le gouvernement britannique se refuse à déclarer qu’ils pourraient introduire des « caps » à la hausse. Bien sûr, faudrait pas fâcher la grande distribution. Ça serait tellement dommage. Et puis aux USA, il n’y aura donc qu’un seul sujet : le vote sur le plafond de la dette et puis c’est tout.

Chiffres du jour

Les futures sont en hausse de 0.2% et on sent bien l’euphorie. Côté chiffres économiques, nous aurons le KOF et le PIB en Suisse, la confiance du consommateur en Europe, confiance qui doit être au top. À moins que l’on ait une mauvaise surprise comme la semaine dernière lorsque l’on s’est rendu compte que c’était la merde en Allemagne et que « PERSONNE » n’avait rien vu venir. Aux USA il y aura les chiffres de l’immobilier selon Case/Shiller et le Dallas FED Manufacturing Index. Mais tout le monde s’en fichera parce qu’il y a le plafond de la dette !!!

Voilà, c’est tout pour ce matin et ça sera tout jusqu’à demain matin. Il me reste à vous souhaiter une excellente journée et un très bon début de semaine dans le monde merveilleux de la finance qui pense que tout va bien partout dans le monde !

À demain !

Thomas Veillet
Investir.ch

« You only live once, but if you do it right, once is enough. » – Mae West