Nowcasters et vues macro de l’équipe en charge de l'allocation dynamique des stratégies multi-assets d'Unigestion.

Guilhem Savry, Jérôme Teiletche, Jeremy Gatto, Florian Ielpo, Olivier Marciot

Le futur proche des marchés tient à une question essentielle: sommes-nous actuellement en train d’assister à la fin du cycle économique actuel?

La question se pose à juste titre pour plusieurs raisons. Nous vivons actuellement l’un des cycles de croissance mondiale les plus longs de ces 150 dernières années, celui-ci n’étant surpassé que par le cycle des années 90, lui-même tiré par le développement de l’informatique. Ce dernier avait duré 120 mois, et nous entamons actuellement le 108ème mois consécutif de croissance globale sans récession.

Pour autant les cycles ne s’effondrent pas d’eux-mêmes et pas sans symptôme(s) précurseur(s). A nos yeux, il en existe deux principaux: le ralentissement que connait aujourd’hui le marché immobilier chinois et les faiblesses qu’a connu récemment la consommation dans de nombreux pays développés.

Graphique 1: Nowcaster de croissance mondial
Source: Unigestion, Bloomberg.

Si nous ne pensons pas que ces faiblesses soient durables, elles n’en méritent pas moins un examen détaillé. Nos indicateurs de cycle, nos «nowcasters» de croissance, procèdent chaque jour à une analyse détaillée et systématique de ces différents risques et le graphique 1 ci-contre ne laisse pour le moment planer aucun doute: la croissance a ralenti – c’est évident – mais reste forte.

Le ralentissement chinois se localise principalement dans son secteur immobilier et constitue pour le moment la réalisation de l’objectif déclaré des autorités chinoises: ralentir son marché immobilier, clé essentielle de l’avenir du pays. Pour autant, la consommation y reste robuste et animée d’un dynamisme qui n’a pas été observé depuis plusieurs années.

Pour ce qui est du ralentissement de la consommation des pays développés, il se concentre essentiellement du côté de la demande de biens durables: là encore, il s’agit d’un secteur volatil et il n’existe à ce jour pas d’autre signal alarmant du même acabit dans les différents secteurs qui composent nos nowcasters. Pour le moment nous restons confiants dans la poursuite du cycle, côté croissance.

Graphique 2: Nowcaster d’inflation
Source: Unigestion, Bloomberg.

La question qui semble clé à nos yeux reste bien celle de l’inflation. A mesure que la croissance se poursuit, saturant progressivement les capacités productives des économies, le tout sur fonds de timide cycle de l’investissement, l’inflation continue son bout de chemin – et la réaction des autorités monétaires doit constituer à nos yeux le pivot de toute allocation d’actifs.

A ce stade nous ne pensons donc pas que la balance des investisseurs doive accorder trop de poids à la décélération des indicateurs économiques mais bien plutôt se focaliser sur deux dimensions essentielles: le taux d’utilisation des capacités productives et le niveau et l’évolution du taux de chômage. Ces deux éléments forment à notre sens deux des pièces maîtresses du contexte actuel, et ce contexte est à nos yeux essentiel pour mettre en perspective les deux faiblesses mentionnées plus haut.

Graphique 3: Nowcaster de stress de marché
Source: Unigestion, Bloomberg.

Les Etats-Unis utilisent leurs capacités productives à 78%, ce qui net de la baisse tendancielle de ces indicateurs constitue un alarmant indicateur avancé de surprises inflationnistes. Si les salaires n’ont pas connu d’évolution mirobolante au cours des derniers mois, nous continuons de penser qu’il s’agit d’une situation temporaire. Une inflation «cœur» aux Etats-Unis à 2.1% forme l’environnement idéal pour des surprises d’inflation – et la plupart des économistes ont déjà bien intégré cet élément dans leurs analyses, leur consensus d’inflation américaine pour 2018 étant passé de 2.1% à 2.5% entre janvier et mai.

Nous ne pensons pas que les marchés aient entendu le message: la poursuite de la révision des taux à la hausse ne constitue pas une période propice aux actifs de croissance et nous restons pour le moment surpondéré en actifs réels et prudent vis-à-vis de notre beta aux marchés actions. Si les marchés n’écoutent pas le consensus des économistes, ils écouteront probablement les banques centrales – et le mois de février a déjà illustré ce que cela pouvait bien signifier.